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Parenté à Plaisanterie : Une tête de chien pour les Samo, un margouillat pour le Mogho Naba

LEFASO.NET | Tiga Cheick SAWADOGO

Publié le lundi 13 février 2017 à 23h01min

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Parenté à Plaisanterie : Une tête de chien pour les Samo, un margouillat pour le Mogho Naba

Le palais du Mogho Naaba a connu une ambiance particulière ce 11 février 2017. Il a reçu des invités qui l’ont salué sans s’accroupir (contrairement aux usages), qui lui ont tenu des propos ‘’discourtois’’ et qui lui ont même offert un margouillat comme bélier, accompagné d’un criquet. Vous l’aurez deviné, les Samo étaient là. C’était au cours de la journée du Rakiiré, ou parenté à plaisanterie entre Samo et Mossé, organisée chaque année par l’association Sitoi Lawa au palais du Mogho Naba dont les Samo réclament la propriété.

Les piques commencent à la porte de la grande demeure de sa majesté, puis sous le hangar, avant même le début de la cérémonie. On discute, on chambre, on rit à gorge déployée. L’ambiance est bon enfant. « Vous êtes en location ici, vous ne payez pas le loyer, on est donc venu chercher l’argent que vous nous devez », lance un visiteur à un ministre du roi.

« Regardez, il n’y a même pas de jeunes filles. Ce sont des vieilles seulement qu’ils nous envoient », réplique un Moaga quand une dizaine de femmes Samo arrivent en groupe.

Quand, à 9h45, les tam-tams résonnement et annoncent la sortie du chef, tout le monde se lève pour l’accueillir. Sa majesté a l’air décontracté, il sourit et d’un signe de la main, demande à l’assistance de s’asseoir.

La présidente de l’association Sitoi Lawa (Laisse tout à Dieu, en langue San) en prenant la parole, remerciera sa majesté pour avoir accepté accueillir les Samo dans ‘’leur’’ palais. Suzanne Paré rappellera que la journée du Rakiiré est l’occasion de célébrer l’amitié, la paix, la concorde sociale. Si le Burkina Faso ne connait pas de conflits liés à l’ethnie, ou à la religion, cela est à mettre à l’actif du Rakiiré, opine t-elle.

La parenté à plaisanterie, grand trésor légué par les ancêtres, a permis et permet encore de préserver l’essentiel, même en cas de différend. « Grâce à ce trésor, nos esclaves mossi peuvent s’asseoir avec nous, à condition que chacun reconnaisse sa place », poursuivra-elle, avant d’ajouter que cette flamme ne doit jamais s’éteindre.

Pour l’un des parrains de l’édition 2017 de la journée du Rakiiré, le Mogho Naaba attend chaque année cette occasion, comme un gamin attend son cadeau. Cyriaque Paré qui a rebaptisé sa majesté ‘’Somogo Naba’’ (chef des Samo), lui a demandé de bien profiter de sa journée car après, les choses reviendront à la normale. Il règnera sur beaucoup de mossi, mais n’aura pas la qualité des sujets Samo. L’autre parrain de cette édition, était Nelson Congo qui a eu chaud avec le maitre de cérémonie Samo (Gnama Paco Drabo).

Vers l’institutionnalisation de la journée nationale du Rakiiré ?

Valeur culturelle et ancestrale qui a permis d’éviter des tensions entre individus, groupes ethniques ou entre villages, la parenté à plaisanterie est un patrimoine à préserver. Suzanne Paré, la présidente de l’association Sitoi Lawa a suggéré l’institutionnalisation de la journée nationale de la parenté à plaisanterie, pour contribuer à sauvegarder cette valeur dans le but de renforcer la cohésion sociale entre communautés par le jeu des alliances.

Message bien reçu par le représentant du ministre de la culture, des arts et du tourisme qui a laissé entendre qu’un projet de loi en ce sens est envisagé. Un mémorial sera également érigé.

C’était donc une cérémonie faite de piques. Dans les discours, les prestations d’artistes ou les sketchs, Les Samo n’ont pas ménagé les Mossé, qui à leur tour ont répliqué. Le tout ponctué d’applaudissements de part et d’autre. Le maitre des lieux a reçu un cadeau peu ordinaire. Un margouillat en guise de bélier, et un criquet.

A l’occasion, Athanase Moussiané, plusieurs fois champion national en lutte est descendu dans ‘’l’arène’’ pour inviter le Mogho Naaba au duel. D’un signe de la main, il faisait savoir au roi qu’il allait ‘’le terrasser’’ s’il s’invitait dans l’arène. Les Samo quant à eux, sont repartis avec une tête de chien (comme ils en raffolent) ; tête autour de laquelle ils ne manqueront pas de se disputer, pensent les mossé.

Une fillette pour la cuisine du Mogho Naba

Mossé et Samo, c’est donc ainsi. On ne se ‘’laisse pas’’, mais en réalité on parle le même langage, celui de la paix. Le Mogho Naba avait à ses côtés une jeune fille, d’une dizaine d’années. C’est le ‘’cadeau’’ des Samo au chef des moosé. L’enfant a été amené chez sa majesté quand elle avait 5 ans. C’est le chef qui l’a inscrite à l’école et elle fait actuellement la classe de 6e. ‘’C’est parce que les femmes Mossé ne savent pas préparer (faire la cuisine, ndlr) qu’on a envoyé une femme Samo au roi’’, a rappelé le parrain de l’édition, Cyriaque Paré.

Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net


Où étaient les jeunes ?

L’un des grands absents à cette édition de la journée du Rakiré Sanan/Mossé était la jeunesse.

Dans la foule présente à la commémoration de la journée de rakiré les jeunes étaient absents. En effet sur plus d’une dizaine de personnes, on n’en comptait pas plus d’une dizaine.

Pourtant Mme PARE, la présidente de l’association Sitoi Lawa a souligné que « la parenté à plaisanterie est leur cheval de bataille afin que les jeunes sachent que la flamme du rakiré ne doit jamais s’éteindre »

Selon le Directeur régional de la culture, M. OUBDA, représentant le ministre de la culture : « cette journée est un terreau pour que la jeune génération comprenne et intègre cette pratique afin de parer à toute idée de conflit et à décanter les situations tendues »

Mais comment pourront-ils maintenir la flamme allumée quand ils ne sont pas là pour observer et prendre de la graine ? Mais comment transmettre à un absent ? Et comment allons-nous transmettre ce que nous ne connaissons pas ?
La parenté à plaisanterie est un socle de la culture au Burkina Faso ; elle nous a été léguée par nos ancêtres et nous devrions donc à notre tour donner la chance à notre descendance d’en profiter.

Cette tradition est tellement importante que tous ont unanimement souhaité des textes pour sa valorisation. En réponse aux initiateurs, M. OUBDA parle même de projets de loi pour que le gouvernement institue une journée de la parenté à plaisanterie.

Les différentes crises ethniques trouvent solutions à travers cette coutume qui désamorce les tensions inter ethnies. La jeunesse gagnerait donc à toujours rester auprès des ainés pour apprendre et pouvoir transmettre à son tour car cette tradition est source de paix et de cohésion sociale.

Ernestine W. OUEDRAOGO (stagiaire)
Lefaso.net

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