Le Faso dan fani comme pagne du 08 Mars : Une vision juste prise au piège des intérêts individualistes
LEFASO.NET | Par KAMMANL

La vision gouvernementale « Faso dan fani : pagne du 08 Mars » est en bute à des difficultés. Et ce sont les mêmes de l’année précédente qui se rééditent, mettant ainsi en panne la vision en question. Au rendez-vous de l’édition 2016, cette décision salutaire avait rencontré des difficultés que l’on espérait voir résolues lors des prochaines. Une espérance vaine au regard de ce qui se passe sur cette affaire à l’approche du 08 Mars 2017.
L’on se rappelle que c’est le 02 septembre 2015 que le gouvernement de la transition prenait la décision de faire désormais du Faso dan fani, « le tissu du pays », le pagne officiel de la célébration du 08 mars marquant la journée internationale de la Femme. Mais à un mois de la célébration de l’édition 2017, l’on remarque que les habitudes concurrentielles de défiance de la décision font la pluie et le beau temps ici au pays des Hommes intègres.
Sur la place du marché, l’on constate que des commerçants ont encore fait imprimer des modèles industriels autres que la cotonnade locale recommandée. Et comme l’année dernière, au niveau du gouvernement, l’on semble s’accommoder encore de ce sabotage organisé par des individus qui ne pensent qu’à leurs intérêts égoïstes circonstanciels. En tout cas, sur des artères tout comme dans des boutiques, l’on voit des pagnes différents du faso dan fani exposés et en attente d’être écoulés. Au niveau du gouvernement, on fait la langue de bois concernant cette affaire. L’on pensait qu’à la lumière de ce qui s’était passé l’année dernière, le gouvernement ne manquerait pas d’initier une somme de mesures sensibilisatrices et protectionnistes afin que le mot d’ordre « faso dan fani, pagne du 08 Mars » puisse avoir toute son essence patriotique et économique.
Hélas ! Avec la donne actuelle, tout porte à croire que si l’on ne fait pas attention, la belle initiative en question sera bientôt totalement vouée aux gémonies avec à la clé une crucifixion des intérêts collectifs. C’est pourquoi il y a cette nécessité impérieuse que le gouvernement actuel se réapproprie sérieusement cette idée géniale de son devancier sous la transition. Cela afin de repenser la manière de procéder à sa matérialisation effective sur tout le territoire du Burkina Faso.
Quand l’attitude mollassonne du gouvernement permet le désordre…
Les autorités ne doivent en aucun cas faire abstraction de leur devoir de conscientiser et de responsabiliser les Burkinabè afin qu’ils comprennent que c’est à eux d’être les répartiteurs de leur bien-être. Or, depuis l’édition 2016, c’est comme si les autorités compétentes avaient démissionné de ce devoir. En dehors de quelques groupes de femmes et de tisseuses qui ont fait des sorties, d’ailleurs à minima, pour tenter des explications médiatiques, l’on n’a senti une campagne de communication assortie de concertations et de sensibilisations à l’endroit des commerçants et de la population en vue d’une certaine appropriation de la vision.
Il n’y a pas eu également de mesures économiques conséquentes par le biais de subventions substantielles des matériels et du processus de production afin que les produits des tisseuses puissent répondre à une certaine compétitivité sur le marché. Du coup, il y a cette cherté que les torpilleurs de la vision exploitent pour importer leurs modèles industriels. Et comme la plupart des consommateurs ont un faible pouvoir d’achat, cette réalité conjuguée à cette incapacité d’appréciation des enjeux, la tentation de se rabattre sur les modèles industriels moins chers dame facilement le pion à l’esprit civique et patriotique.
C’est pourquoi il est nécessaire d’amener le peuple à toujours comprendre le sens et la portée des mesures gouvernementales, surtout celle dont il est question dans le présent propos. Sinon l’on ne pourra pas éviter, concernant la promotion du faso dan fani, ce syndrome du champ des singes où pendant que les uns cultivent et entretiennent, les autres viennent détruire. Les autorités doivent prendre leurs responsabilités.
Le faso dan fani : un produit d’indépendance économique en perspective et d’affirmation de l’identité culturelle burkinabè
Le temps aura finalement donné raison au capitaine Thomas Sankara. Lui, qui très tôt et dès son avènement, avait manifesté toute sa foi en l’indépendance économique du Burkina Faso, pour peu que les Hommes intègres acceptent leur condition, prennent conscience de leur responsabilité collective dans le développement de leur pays et consentent les efforts qu’il faut en la matière. Trois décennies après l’assassinat du plus intègre des présidents burkinabè, bon nombre de ses idées comme le mot d’ordre produisons et consommons burkinabè ont irradié les années pour inspirer encore les politiques du développement.
Mais comme il est loisible de le constater, au-delà du rétropédalage et des annonces discursives, il n’y a pas de matérialité, d’actions décisives, qui attestent que l’on a enfin compris qu’ « on ne développe pas, on se développe » comme le proclamait le Pr Joseph Ki-Zerbo. Du moment où la crise des modèles proposés par les experts développementalistes occidentaux est un fait établi, la recherche d’alternatives efficaces doit impérativement s’exercer sur nos réalités et nos savoirs. D’où toute la pertinence de faire la promotion des métiers locaux de tissage et des produits qui en découlent.
Supposons que tous les Burkinabè fassent l’effort d’intégrer la cotonnade locale dans leur accoutrement, à coup sûr, cela va générer des finances importantes sur les plans micro-économique et macro-économique. Mais pour arriver à un tel résultat, il faut nécessairement que le leadership étatique s’exerce dûment de sorte à embarquer tous les Burkinabè dans la vision. En cela, l’on ne peut pas dire qu’au niveau de l’opinion nationale, un écho favorable est inexistant.
Certes, le fait que des Burkinabè barbouillent l’initiative de faire du faso dan fani l’habit du 08 Mars est très dommageable. Ignorants ou conscients, ils sont en train de préparer leur propre tourment économique, culturel et identitaire. Dans leur frénésie vers l’exotique, ils sont en train de faire le lit d’un suicide économique, culturel et identitaire. Comme disait le Professeur Joseph Ki Zerbo, « le développement, c’est le passage de soi à soi à un niveau supérieur ». La nécessité d’être soi et de travailler à partir de soi est un préalable à tout processus de développement. En la matière, les économies asiatiques comme la Chine, l’Inde, la Malaisie… nous donnent des leçons éloquentes. Il n’y aura pas de développement authentique et durable en marge de ce qui fait notre patrimoine en termes de réalités culturelles et économiques.
Cependant, même s’il faut concéder l’existence de ces personnes réfractaires, dans une politique visionnaire de sensibilisation et de conscientisation, l’on devrait rétrécir leur audience. C’est pourquoi au lieu d’afficher cette sorte de permissivité à l’endroit de ces gens qui s’encellulent dans leur individualisme et s’entêtent à ramer à contre-courant du mot d’ordre, l’Etat doit montrer des muscles dans sa volonté politique. En amont, il s’agit de créer davantage de conditions positives en procédant à une réorganisation technique et logistique des secteurs de la culture du coton, de la filature et du tissage, sans omettre les circuits de commercialisation en faisant des subventions.
En aval, il y a lieu de faire preuve d’une démarche de sensibilisation, de conscientisation et de responsabilisation soutenue sur tout le territoire national. Avec de telles démarches, l’espoir de voir l’ensemble des Burkinabè s’inscrire dans la dynamique souhaitée ne peut que devenir réalité. Une telle adhésion obtenue, c’est une somme de perspectives économiques fort heureuses qui va s’éclore pour le monde du coton, de la filature et du tissage au Burkina Faso. Et avec une telle donne, l’on peut espérer en l’avènement d’une chaine de production et de transformation du textile avec des retombées économiques intéressantes pour tous les Burkinabè.
En définitive, il y a lieu d’aller au-delà du dynamisme circonstanciel du 08 Mars prochain. L’Etat à travers son tissu institutionnel doit se réapproprier la politique en question et se donner les moyens et les méthodes idoines pour la réussir. Si les autorités entonnent le chant, donnent un bon tempo, la population comme un chœur ne va pas manquer le pas ; peut-être quelques brebis galeuses, mais qui vont finir par se ranger. Cette synergie d’actions obtenue, le développement économique ne peut pas ne pas commencer véritablement. Réussir cette politique, c’est vraiment une gageure de patriotisme au service de l’intérêt national. « Ce sera hautement patriotique que de consommer burkinabè » (Thomas Sankara).
KAMMANL
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