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Général Sangoulé Lamizana : Un non assoiffé de pouvoir

Publié le lundi 30 mai 2005 à 08h19min

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Le général Lamizana n’était pas un assoiffé de pouvoir. C’est après plus de trois jours de manifestations qu’il s’était résolu à accéder aux pressantes supplications de la rue qui, aux cris de "l’armée au pouvoir", demandait à la grande muette de prendre ses responsabilités.

Des observateurs bien avertis de la scène politique de l’époque ont affirmé que c’est après de longues tractations ponctuées d’incessantes allées et venues entre le palais présidentiel et l’Etat-major de l’armée que finalement le sort du régime de Maurice Yaméogo a été scellé.

D’aucuns ont même dit que face aux hésitations de Lamizana, le nom de certains militaires furent scandés par les manifestants et sollicités pour s’emparer du pouvoir. Ce fut donc à son corps défendant, pourrait-on dire, soucieux cependant de ne pas se laisser déborder par les événements, d’éviter des déchirements au sein même des forces armées, que Lamizana, en sa qualité de militaire "le plus ancien dans le grade le plus élevé", a finalement accepté de se faire proclamer chef de l’Etat.

D’aucuns ont aussi fait remarquer que Lamizana considérait comme une marque d’ingratitude, le fait d’être le tombeur de celui qui (Maurice Yaméogo) l’avait nommé Chef d’Etat-major de l’armée. Quoi qu’il en soit, la crise avait atteint une ampleur telle que le départ du premier président était irréversible. Arrivé au pouvoir suite à une fronde politico-sociale (il ne faut pas oublier que les politiciens avaient trouvé refuge dans les syndicats face au refus de l’ancien régime d’accepter le multipartisme), Lamizana avait réussi à comptabiliser toutes les frustrations.

Ayant remplacé un pouvoir unipartisan qui avait muselé toutes les libertés, Lamizana et son équipe vont ouvrir toutes les vannes de la liberté pour exorciser toutes les rancoeurs accumulées tout au long des six années de plomb de la première République. La constitution de l’ancien régime ayant été suspendue, une autre fut adoptée en 1971 qui tolérait le multipartisme. La presse d’Etat, qui sortait d’une longue nuit de langue de bois et d’agonie, avait retrouvé une certaine liberté de ton. C’est à cette époque que le principe de publier des éditoriaux et des tribunes libres fut admis.

Bouffée d’oxygène

Parallèlement, on a assisté à l’apparition de journaux privés d’informations de même que des périodiques édités par les organisations syndicales. Tous les journalistes qui ont eu la chance de voyager avec Lamizana, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, peuvent témoigner. Le chef de l’Etat n’était jamais intervenu, ni directement ni par personne interposée pour orienter les reportages sur ses activités. En tous les cas, cette bouffée d’oxygène et cette lune de miel avaient permis au nouveau pouvoir de reprendre de la main gauche ce qu’il avait donné de la main droite.

Ayant refusé l’abattement des salaires décidé par Maurice Yaméogo, les travailleurs accepteront néanmoins sans rechigner la fameuse "garangose" défalquée sur leur rémunération. Il faut dire que contrairement au régime de Maurice Yaméogo dont le train de vie, aux yeux de l’opinion, était scandaleux et avait dépassé le seuil du tolérable, celui de Lamizana avait toute la confiance des travailleurs car il était un exemple de sobriété et de rigueur dans la gestion des deniers publics.

Propos prémonitoires

Malheureusement, tout pouvoir ayant ses faucons, celui de Lamizana a été poussé à créer son propre parti. Une tentative avortée par la pression des syndicats et des partis politiques. En bon démocrate, Lamizana a instauré le multipartisme, organisé des élections libres et transparentes qui l’ont mis en ballotage.

Mais ironie du sort, ce sont les syndicats qui ont été en partie à la base de son arrivée au pouvoir qui ont mis fin à son régime à la suite d’une longue grève des enseignants aggravée par le comportement de certains membres de son gouvernement qui voulaient s’accrocher coûte que coûte à leur strapontin en dépit de leur impopularité.

Avec le recul, l’on se rend compte que les mêmes syndicats ont eu tort de n’avoir pas écouté les propos prémonitoires de Lamizana. En effet, aux syndicats" qui le tamponnaient" disait-il, il avait lancé cet avertissement : " Je vous ai donné la liberté, mais vous l’avez assassinée". La suite lui donnera raison. Sur le plan politique, celui qui disait qu’il n’était ni d’aucun village ni d’aucune ville ni d’aucune région, mais voltaïque tout court et que la Haute-Volta souffrait moins de pauvreté matérielle que de sécheresse de coeur, a vu, avant de mourir, ses prédictions devenir aujourd’hui réalités.

A.K.O.
Le Pays

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