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SAMAB : Doléances de magistrats à leur ministre

Publié le lundi 30 mai 2005 à 07h49min

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La commémoration de la fête du travail le 1er mai de chaque année donne lieu à la traditionnelle remise du cahier de doléances des syndicats de travailleurs au gouvernement. avec un retard de 18 jours, le Syndicat autonome des magistrats burkinabè (SAMAB) a sacrifié à cette tradition en allant, dans l’après-midi du 19 mai 2005, remettre son cahier de doléances, dont la teneur suit, au ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Boureima Badini.

Le Syndicat Autonome des Magistrats Burkinabè (S.A.MA.B), déterminé à défendre les intérêts matériels et moraux de ses militants, de l’ensemble des magistrats et l’éthique de la justice, saisit l’occasion du 1er mai 2005, pour reconnaître à votre actif et à l’ensemble du pouvoir exécutif des efforts réels accomplis en direction de la justice et des magistrats. Il vous encourage à continuer et à persévérer dans cette direction.

Cependant, l’arbre ne doit pas cacher la forêt, ces efforts fort appréciables restent en deçà des conditions légitimes auxquelles les magistrats sont en droit d’attendre de l’Exécutif, pour mieux assumer leur mission en tant que Pouvoir Judiciaire. Le comité exécutif du S.A.MA.B au nom de ses militants et de ses sympathisants, dans l’intérêt de tous les magistrats et de la justice, vous soumet en cette occasion de la fête du travail, leurs revendications raisonnables, réalistes et toutes légitimes, présentées en neuf points.

1. DE LA SITUATION DES MAGISTRATS DES HAUTES JURIDICTIONS

L’article 23 du statut du corps de la magistrature, prévoit que les magistrats de la Cour de Cassation, du Conseil d’Etat, de la Cour des Comptes sont placés hors hiérarchie. Cette disposition traduit l’esprit d’égalité qui doit exister entre les trois pouvoirs : l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire.

Du reste, la Constitution du Burkina Faso, en instaurant les trois pouvoirs sur lesquels reposent le fonctionnement et la crédibilité d’un Etat de droit démocratique, n’a opéré aucune discrimination ; elle n’a pas non plus établi une hiérarchisation, mais au contraire, elle a mis en évidence les rapports qui doivent exister entre les trois piliers de la démocratie.

L’article 29 des mêmes statuts a prévu que la grille salariale, la nature et le taux des indemnités des magistrats sont fixés par décret pris en conseil des ministres. Le S.A.MA.B estime qu’il est urgent que les dispositions de l’article 23 des statuts soient respectées et appliquées dans les meilleurs délais. Pour ces magistrats placés hors hiérarchie, l’indice minimum ne doit pas être inférieur à deux mille deux cents (2 200), ce qui permet de traduire une équité, une décision conséquente, un esprit de justice.

C’est le lieu pour le S.A.MA.B, de revenir sur la situation des magistrats du grade exceptionnel où jusque là aucune mesure concrète traduite dans « le panier de la ménagère » n’a été prise pour le 4e échelon. Cet avancement au 4e échelon doit être rapidement traduit par des avantages au bénéfice de cette catégorie de magistrats.

Dans l’organisation et la gestion de la carrière des magistrats du grade exceptionnel, le SAMAB estime qu’une réforme s’impose : cette réforme tire son essence de l’urgence qu’il y a à motiver ces hauts magistrats qui ont atteint un très haut niveau de compétence et d’expérience dont certains sont actuellement bloqués dans leur carrière. C’est pourquoi la création de 8 échelons au grade exceptionnel est nécessaire.

2. DE LA REMUNERATION DES MAGISTRATS

Le salaire du magistrat constitue sa seule source de revenu. Il ne bénéficie ni de somme provenant d’un « fonds commun » ou de quelques avantages financièrement accordés. La Constitution, en faisant du magistrat comptable des libertés individuelles et collectives, en le désignant comme celui qui exerce le pouvoir judiciaire, impose aux autorités compétentes le devoir de prendre des mesures administratives et financières pour lui permettre de jouer son rôle central, pour la paix sociale et la consolidation d’un Etat de droit démocratique. Le sens de la responsabilité, de l’équité, de la justice sociale commande que les magistrats soient rémunérés dignement. Le S.A.MA.B, sans réclamer une égalité mathématique de traitement, revendique des conditions décentes et équitables en regard de leur responsabilité et de la place que la Constitution leur a données.

3. DE L’INDEMNITE D’INSTALLATION

L’indemnité d’installation a existé dans le temps. Elle répond toujours à ces motifs d’antan. C’est une mesure que le S.A.MA.B juge nécessaire pour lutter contre les influences extérieures, les puissances d’argent tendant à instaurer la corruption. Cette indemnité d’équipement et d’installation doit s’appliquer aux jeunes magistrats nouvellement nommés et aux magistrats promus aux hautes juridictions. D’ailleurs, la nécessité et l’importance de cette mesure ont été perçues par les pouvoirs législatif et exécutif qui en ont fait une application.

Les jeunes magistrats arrivent sous-équipés et démunis. De par leur situation ils deviennent potentiellement des cibles vulnérables. C’est pourquoi le S.A.MA.B estime que leur accorder une indemnité d’équipement et d’installation leur permettra d’être à l’abri des tentations de corruption. Quant aux magistrats promus aux hautes juridictions, une indemnité d’équipement dans l’esprit de ce qui se passe déjà, leur permet d’être à la hauteur de leurs charges.

4. DU LOGEMENT DES MAGISTRATS

L’article 30 du statut du corps de la magistrature reconnaît aux magistrats le droit « à la gratuité du logement d’astreinte et à défaut à une indemnité compensatrice ». Le S.A.MA.B attire l’attention de Monsieur le Ministre de la Justice que le principe du droit au logement est devenu aujourd’hui l’exception, et que l’exception d’indemnité de logement est devenue le principe avec un taux de cinquante mille francs fixé depuis plus de 20 ans.

Pour le S.A.MA.B, la réalité du taux de logement n’est un secret pour personne et il est évident que la somme jusque-là allouée représente beaucoup plus une contribution financière qu’une compensation au droit au logement. Les contrats administratifs portant sur des baux peuvent le témoigner ; aucun logement digne ne coûte moins de deux cent cinquante (250.000) francs. Pour le S.A.MA.B, il est impératif qu’une politique du logement efficace soit entreprise et que l’indemnité compensatrice de logement soit relevée à un taux qui ne soit pas inférieur à deux cent cinquante mille (250.000) francs.

5. DE L’INDEMNITE DE JUDICATURE

Dérisoire et insignifiante, cette indemnité de vingt-deux mille cinq cents francs (22 500 FCFA) pour tous les magistrats, est certes la plus faible de toute la sous-région, peut-être même de l’Afrique et du monde. Les recherches indiquent que le plus faible taux dans la sous-région est de cinquante mille (50.000) francs. Le S.A.MA.B estime qu’au-delà des intérêts matériels des magistrats, l’honneur et l’image de notre pays commandent que ce taux soit revu à la hausse.

6. DE L’AVANCEMENT DES MAGISTRATS

Les droits conquis et acquis par les magistrats ne doivent pas être remis en cause. Ce principe commande que pour la passation aux grades supérieurs, seules les conditions d’inscription au tableau d’avancement soient déterminantes. Le récent décret qui fixe les quotas d’admission est une remise en cause du droit acquis. C’est pourquoi le S.A.MA.B dénonce cette disposition et demande son abrogation. Le SAMAB a noté avec déception des affectations précipitées dans des juridictions non encore fonctionnelles, il demande avec insistance qu’il soit mis fin à de telles procédures.

7. DES COSTUMES D’AUDIENCE

Le Code de procédure pénale a défini les différents types de costumes d’audience des magistrats. Le port de ces costumes est une condition de forme nécessaire à la validité des décisions prises en audience. L’article 30 du corps de la magistrature précise sans aucune ambiguïté, que le magistrat a « droit à la gratuité du costume d’audience".

De ces prescriptions légales, le S.A.MA.B a constaté, non seulement le non- renouvellement des costumes, mais aussi le défaut de dotation des magistrats promus à ces juridictions supérieures, des costumes correspondants à ces juridictions. Ainsi, les magistrats des Cours d’appel, pour certaines audiences, empruntent les robes des hautes juridictions, alors même qu’il ne s’agit pas du même type de costume prescrit par la loi. Le S.A.MA.B attire l’attention de Monsieur le Ministre de la Justice sur la régularité des audiences et la validité des décisions rendues.

8. DE LA FORMATION CONTINUE

Le S.A.MA.B se félicite de la tenue régulière des sessions de formation continue ; encourage Monsieur le Ministre de la Justice à persévérer dans cette voie.
Cependant, le S.A.MA.B déplore une absence apparente de planning. Il relève que la participation aux différents séminaires et ateliers des magistrats, pêche par le fait qu’un même magistrat, peut participer à plusieurs reprises au même séminaire traitant du même thème, alors que d’autres n’auraient participé à aucun.
Le S.A.MA.B réclame une meilleure planification pour un meilleur rendement.

9. DES EQUIPEMENTS ET DES INFRASTRUCTURES

La qualité des résultats peut dépendre en partie des conditions de travail. Pour sa part, le S.A.MA.B prend note de la dotation de certaines juridictions en véhicules et autres matériels de travail.

Cependant, il remarque avec déception que l’équipement des juridictions laisse entrevoir comme une discrimination qui est de nature à créer des frustrations impropres à un climat de travail serein. C’est pourquoi le S.A.MA.B invite Monsieur le Ministre de la Justice à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour doter tous les chefs de juridictions de véhicules de fonction. Le S.A.MA.B salue en toute sincérité la construction de nouveaux locaux pour les juridictions.

Il soutient Monsieur le Ministre dans cet effort qui doit se poursuivre jusqu’à ce que tout le personnel de la Justice soit logé dans de bonnes conditions.
Il invite par ailleurs Monsieur le Ministre de la Justice à réactualiser le projet de construction des bâtiments devant abriter la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat, mais aussi à prendre toute mesure adéquate pour l’achèvement des travaux de construction restés bloqués.

Monsieur le Ministre, au-delà du caractère traditionnel des cahiers de doléances, le S.A.MA.B vous crédite d’une bonne volonté à œuvrer pour une justice digne et respectée ; mieux que quiconque vous saviez que les revendications formulées sont responsables et réalistes. Elles tiennent compte des conditions de notre pays et aussi de la place de la justice dans un Etat de droit démocratique.
Le S.A.MA.B le déclare tout haut pour dire que faire aboutir ces revendications, c’est agir pour vous-même, pour tout citoyen, pour la consolidation de la démocratie, pour la paix sociale et la justice.

VIVE LE S.A.MA.B.
LA LUTTE CONTINUE

P/Le Comité exécutif
Le Secrétaire général
Birika Jean Claude BONZI


Rencontre avec Boureima Badini

Le Ministre de la Justice Garde des Sceaux, Monsieur Boureima BADINI, entouré de ses plus proches collaborateurs, a reçu en audience le jeudi 19 mai 2005 à 17 heures 15 minutes dans la salle de réunions du ministère, une délégation du Comité Exécutif du Syndicat Autonome des Magistrats Burkinabè ( S.A.MA.B ) conduite par son Secrétaire Général, Monsieur Birika Jean Claude BONZI.
Cette rencontre fait suite à la correspondance N°013-2005/Sam/SG du 29 avril 2005 aux termes de laquelle le Syndicat sollicitait du Garde des Sceaux, un rendez-vous pour la remise officielle de son cahier de doléances à l’occasion de la Commémoration le 1er mai 2005 de la Journée Internationale du Travail, et dont des contraintes de calendrier avaient motivé deux fois de suite des reports.

Prenant la parole, le Secrétaire Général du S.A.MA.B a tout d’abord remercié Monsieur le Ministre pour sa disponibilité et son oreille attentive à l’égard de sa structure, puis a indiqué l’objet de la rencontre qui concerne principalement le cahier de doléances 2005, le projet de décret sur le régime indemnitaire des magistrats et des questions diverses intéressant la vie de la justice burkinabè.
Avant la remise du cahier de doléances 2005 du Syndicat Autonome des Magistrats Burkinabè, Monsieur BONZI a développé oralement le contenu du document qui repose sur neuf (09) points.

Intervenant à son tour, le Ministre de la Justice a salué la démarche et l’option du S.A.MA.B qui augurent des perspectives de dialogues francs, toutes choses indispensables et nécessaires à la prise de mesures acceptables par tous. Pour lui, il ne saurait y avoir de divergences d’intérêts entre la Chancellerie et les syndicats de magistrats dans la mesure où l’objectif commun demeure unique, à savoir, atteindre une justice crédible au bonheur des justiciables.

Revenant sur les points du cahier à lui soumis, Monsieur BADINI a indiqué la disponibilité de la Chancellerie et du Gouvernement à ouvrir des concertations en vue de leur examen et de préciser que certaines questions soulevées par le document sont en passe de trouver solutions. Il en est ainsi de la situation des magistrats du 4eme échelon du grade exceptionnel qui sont classés à l’indice 2015 pour compter du 1er janvier 2005.

La délégation du S.A.MA.B a par ailleurs remis officiellement au Garde des Sceaux, les résultats de ses travaux relatifs au projet d’une nouvelle grille indemnitaire applicable aux magistrats.
Après des échanges d’informations et des discussions sur des questions d’actualité intéressant les deux parties, la séance a été levée à 18 heures 15 minutes.

Ouagadougou, le 25/05/2005

P/ le Comité exécutif
Le Secrétaire général

Birika Jean Claude BONZI

Le Pays

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