LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Salif Diallo : "Le paysannat chez nous, souffre de l’ignorance, de l’absence de techniques modernes de production... "

Publié le samedi 28 mai 2005 à 09h28min

PARTAGER :                          

Présent à Rome en Italie pour présider les travaux de la 31e session du Comité de la sécurité alimentaire, le ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, M Salif Diallo nous situe, dans cet entretien, sur les enjeux de cette réunion de la FAO. Il se prononce également sur les rapports Nord-Sud dans le domaine de l’agriculture.

Sidwaya (S.) : Depuis la 30e session du Comité pour la sécurité alimentaire, vous êtes le président. Quelles sont concrètement les préoccupations de la FAO et de l’ensemble des pays membres ?

Salif Diallo (S. D.) : Il faudra rappeler pour commencer que le Comité de la sécurité alimentaire mondiale est un mécanisme du système des Nations unies chargé de suivre et d’évaluer l’offre et la demande alimentaire mondiale, d’évaluer de façon périodique, les stocks dans tous les pays et surtout, de déceler les régions où les pays sont en butte à des difficultés. Ainsi, si une découverte de semence a lieu au Mexique par exemple, l’information est donnée et tous les pays membres du Comité peuvent essayer d’adapter cette semence à leur pays en vue d’augmenter la production alimentaire. A cette 31e session, nous avons eu l’honneur d’accueillir le président du Burkina Faso qui a été désigné, au nom des chefs d’Etat, pour prendre la parole au vu de son implication personnelle dans la recherche de la sécurité alimentaire dans son pays et en Afrique. Les présidents du Mali et d’Algérie sont également venus à cette 31e session du Comité de la sécurité alimentaire pour présider des segments de rencontre.

Dans l’ensemble, un constat est qu’il y a suffisamment de nourriture dans le monde. Un autre constant est que, malgré l’abondance, des régions entières souffrent de famine. Il s’agit particulièrement de l’Afrique au sud du Sahara. Cette partie du monde connaît des difficultés en dépit des potentialités existantes. Le Comité, une fois de plus, a attiré l’attention de la communauté internationale sur le fait qu’il faudrait, dans les années à venir, revoir les mécanismes et les méthodes de production pour hisser le niveau de la production à un seuil acceptable. Et le lien est fait entre la pauvreté et la sécurité alimentaire sous l’angle selon lequel l’absence de sécurité alimentaire est ipso facto considérée comme une situation de pauvreté. Cette 31e session est donc un cadre d’échange, de proposition et d’entraide entre les pays de la planète.

S. : Comment la solidarité internationale peut-elle s’exprimer en faveur des pays d’Afrique subsaharienne ?

S. D. : Il ne s’agit pas, encore une fois, de prélever sur les stocks mondiaux pour alimenter les pays africains en difficulté. Il s’agit plutôt, d’appuyer concrètement des politiques. Le constat est fait que l’Afrique au sud du Sahara peut nourrir non seulement sa population, mais aussi être partie prenante du marché mondial. Voyez l’exemple de la Chine. Avec 21% de la population mondiale, 7% de terres arables, la Chine arrive à nourrir sa population. Il en est de même en Inde grâce à sa "révolution verte". La question est donc de mettre à niveau des systèmes de production, des méthodes culturales, en un mot, avoir des politiques agricoles conséquentes, à travers la maîtrise de l’eau, la sélection des semences, la liaison de la production avec le marché et bien entendu, la formation des producteurs.

Car en réalité, le paysannat, chez nous, souffre d’ignorance, d’absence de techniques modernes de production et de la non-maîtrise de son environnement de production. Ce sont là, les aléas en Afrique subsaharienne qu’il faut travailler à lever. Pour ce faire, il faut aller vers des projets ou programmes qui permettent à ces pays de se prendre en charge eux-mêmes.

Il ne s’agit plus de prélever des stocks et de les distribuer aux uns et aux autres. Cela est une mauvaise politique qui a montré ses limites. Au niveau des pays au sud du Sahara, nous estimons que le potentiel productif existe et qu’il faut d’organiser autrement les politiques agricoles.

S. : A l’ouverture de la 31e session du Comité de la sécurité alimentaire, le président du Faso a déploré l’existence des barrières non tarifaires qui empêchent les exportations africaines vers l’Europe. Au même moment, le ministre belge de la Coopération parlait d’aide au développement. N’y a-t-il pas un dialogue de grands entre le Nord et le Sud ?

S. D. : Quelque part, il y a des compréhensions différentes. Nous sommes à notre niveau, au stade de la recherche de la sécurité alimentaire pour nourrir nos peuples et contrôler nos propres marchés. C’est l’un des premiers aspects que nous n’avons pas encore atteint en Afrique. L’autre dimension est que si nous voulons participer au commerce mondial, cela doit se faire sur des bases équitables. A savoir, l’absence de barrières non tarifaires, conformément aux règles de l’OMC. Ce qui n’est pas le cas dans la pratique. Notre revendication à deux formes : d’abord, aller vers des programmes agricoles qui satisfassent les besoins de nos populations et contrôler nos propres marchés. Ensuite, compétir sur une base équitable, avec les autres pays du monde, notamment ceux du Nord. Cependant, non seulement nous n’arrivons pas à commercer équitablement, mais en plus, nous recevons notre propre alimentation des productions du Nord qui sont subventionnées pour nos propres consommateurs.

En retour, nous sommes incapables d’accéder à leurs marchés à cause de toutes ces barrières qu’on qualifie de normes, de labels... Récemment, c’était la chute des cours.

A vue d’œil, nos pays sont confrontés à deux séries de difficultés. Au plan strictement africain et dans nos pays respectifs, nous avons des systèmes de production contre-performants qui nous empêchent de participer de façon conséquente, au commerce mondial. Deuxièmement, le marché international est déjà occupé par des systèmes performants du Nord où des règles non écrites sont imposées. De ce fait, nous devons nous organiser, avoir une démarche solidaire pour obtenir des résultats pour nos populations.

Propos recueillis à Rome par Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)