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Burkina : Expertise nationale, une richesse mal exploitée

Publié le lundi 23 mai 2005 à 07h21min

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"La Haute-Volta (Burkina), réservoir de main-d’oeuvre". C’est ce qui ressort des rapports des administrateurs coloniaux qui ont eu à gérer notre pays. Mieux, ils se sont servis de ces clichés et stéréotypes pour justifier leur politique de balkanisation de notre pays en le partageant entre la Côte d’Ivoire, le Mali et le Niger.

N’eût été la pression de certains de nos hommes politiques de l’époque, notre pays n’aurait jamais été reconstitué dans ses frontières actuelles.

C’est dire que le colonisateur, dans sa volonté délibérée d’exploiter à fond cette main-d’oeuvre à bon marché, s’était gardé d’asseoir une véritable politique de recherche et de prospection d’éventuelles richesses dans notre pays. Cependant, les quelques recherches ont révélé que le Burkina est aujourd’hui un scandale géologique. En laissant notre pays en jachère, le colonisateur avait construit sa stratégie autour de trois postulats simples. Mettre le Burkina en réserve en attendant le tarissement des ressources naturelles d’autres colonies.

Ne pas susciter des velléités d’indépendance des Burkinabè et enfin continuer de capter cette main-d’oeuvre vers les autres pays voisins en utilisant l’argument de notre pauvreté en termes de ressources naturelles. Cependant, s’il y a une chose que le colonisateur n’a pas pu occulter tout au long de l’histoire de l’occupation de notre pays, malgré sa politique sélective de formation dans notre pays, c’est la qualité des hommes.

Toute une littérature s’était développée autour du courage, de l’amour du travail bien accompli, de l’honnêteté et des compétences des Burkinabè. Ce qui était perçu hier l’est davantage aujourd’hui. Que ce soit dans les grandes écoles occidentales les plus prestigieuses ou dans les instances internationales, les Burkinabè n’ont jamais démérité. Ils ont toujours fait preuve d’intelligence.

A l’intérieur du Burkina devenu un centre de gravité des rencontres internationales, les Burkinabè, grâce à leur expertise, se sont toujours montrés perspicaces. Tous les experts et les économistes le disent. La première richesse d’un pays, ce sont ses hommes. Ce que les Français traduisent d’ailleurs en disant que si la France n’a pas de pétrole, elle a des idées. Le Burkina n ’a pas à s’offusquer de n’avoir pas ou d’avoir si peu de richesses naturelles.

A quoi servirait-il d’avoir tout l’or du monde si on ne dispose pas d’hommes capables de l’exploiter. On le voit avec les pays producteurs de pétrole. Ils sont à la merci des grandes compagnies pétrolières internationales parce qu’ils ne disposent pas de compétences nationales à même de maîtriser la technologie qui leur permette d’être indépendants. Pour un pays comme le nôtre, ce serait aller contre des moulins à vent dans cette jungle de la mondialisation que de vouloir se faire une place au soleil sur un terrain où d’autres nous ont devancés.

L’exemple le plus illustratif concerne notre coton, notre principal produit d’exportation. Si nous sommes malmenés dans nos rapports entre les pays du Nord qui n’entendent pas lâcher leurs paysans, c’est parce nous avons misé sur un produit dont la fixation du prix nous échappe. Il en est de même des autres produits d’exportation comme l’or qui est coté en bourse sur les grandes places financières occidentales. Par contre, l’intelligence et la compétence de nos citoyens ne se prêtent guère à ce genre de marchandage.

Il ne reste, à notre humble avis, qu’une seule alternative au Burkina s’il ne veut rater le coche du progrès. Utiliser à bon escient le capital le plus précieux et le plus impérissable que nous avons actuellement : la matière grise que nous semblons avoir mise en berne. Cela implique d’abord, la revalorisation de ce potentiel intellectuel dont le dépérissement progressif est évident faute d’être entretenu et encouragé et faute de promouvoir une véritable politique de formation.

Le dernier épisode qui a récemment eu lieu à l’université de Ouaga à propos du contingentement (heureusement abandonné) des étudiants en médecine et en pharmacie, est en contradiction avec la situation d’un pays où il manque désespérément des cadres dans un domaine aussi crucial que la santé. Il est évident que l’Etat ne peut pas tout faire et ne peut se payer le luxe d’assurer la formation pour tous.

Mais des formules de substitution peuvent être envisagées pour peu qu’il y ait une ferme volonté politique et une vision prospective de ce que nous voudrions faire de nos ressources humaines. On pourrait envisager par exemple la mise en place d’un mécanisme de réflexion sur l’état des lieux et sur la revalorisation de nos ressources humaines. Cette espèce d’observatoire devrait être animé par des hommes compétents, suffisamment neutres pour ne pas se laisser intimider par les chapelles politiques.

Il ne serait pas en tout cas contre-indiqué que face aux moyens limités de l’Etat, ce dernier encourage les meilleurs, ceux qui présentent de réelles potentialités intellectuelles en les accompagnant financièrement et matériellement afin de faire d’eux, des hommes de demain capables de rivaliser sur le terrain de l’excellence avec d’autres citoyens d’Afrique ou d’ailleurs.

Loin d’être discriminatoire, cette démarche qui n’est pas une exclusivité burkinabè, est nécessaire si nous voulons être efficacement présents où se décide l’avenir de l’humanité. Le président Houphoouët Boigny, en son temps, encourageait cette politique en accordant des facilités par l’offre de bourses spéciales aux élèves méritants. Il s’agit d’un passage d’autant plus obligé que dans un contexte où la tendance est aux ensembles régionaux et où la libre circulation des personnes, des biens et bien sûr de la matière grise est incontournable.

Et si nous n’y prenons garde, ce sont les autres Etats qui nous imposent aujourd’hui leurs produits d’exportation que nous ne produisons pas qui nous imposeront également demain, si ce n’est déjà le cas, leurs cerveaux. Evidemment, tout cela demande un environnement moral, politique et institutionnel crédible et sécurisant. Faute de quoi, ce serait un énorme gâchis et un encouragement au phénomène de la fuite des cerveaux.

Le Pays

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