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« Si les populations savaient réellement ce qui se passe avec les taxis à gaz … », dévoile le Secrétaire général du SYNTAB, Souleymane Ouédraogo

Publié le lundi 7 novembre 2016 à 22h56min

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« Si les populations savaient réellement  ce qui se passe avec les taxis à gaz … », dévoile le Secrétaire général du SYNTAB, Souleymane Ouédraogo

Le 30 octobre 2016. C’est la date butoir accordée aux taxis à gaz pour mettre fin à cette pratique qui a pris une portion considérable et dont les conséquences peuvent aller au-delà de ce que l’opinion perçoit à première vue. Passé le moratoire de huit mois demandé par les taximen et acquiescé par le gouvernement, le ministre d’Etat, ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité intérieure, Simon Compaoré a, au cours d’une conférence de presse le 3 novembre dernier, annoncé la fin de la récréation. Du côté des taximen, et jusqu’à ce jour, tous ne sont pas sur une longueur d’onde, selon le premier responsable du Syndicat national des Taximen du Burkina (SYNTAB), Souleymane Ouédraogo.

Dans cet entretien qu’il nous a accordé dans la journée de samedi, 5 novembre, le responsable syndical explique entre autres, les raisons pour lesquelles certains traînent le pas et dévoile les dangers des taxis à gaz pour les populations, surtout en ces moments de menaces terrorismes.

Lefaso.net : Le délai pour les taxis à gaz pour revenir dans l’ordre normal est épuisé en fin octobre, en êtes-vous informé ?

Souleymane Ouédraogo : Nous sommes informés parce qu’on avait demandé un sursis de huit mois à l’autorité et ce délai est arrivé. Nous sommes donc au courant …
Lefaso.net : Quel est le point à votre niveau à ce jour ; est-ce que vos membres ont commencé à rétablir leur moteur en quittant le gaz ?

Souleymane Ouédraogo : Beaucoup ont changé leur moteur à gaz en revenant au moteur normal. Mais, d’autres aussi attendent de voir ce qu’on va faire … Au fait, c’est un petit groupe qui refuse à ce jour d’abandonner le gaz.

Lefaso.net : … et pourquoi refusent-ils ?

Souleymane Ouédraogo : Je ne sais pas d’où ce groupe de taximen tire sa force ; peut-être qu’ils (ces taximen) ont leur force ailleurs. Au niveau du syndicat, nous ne sommes pas des hors-la-loi. Si le gouvernement interdit quelque chose, il faut accepter quitte à négocier après, s’il y a lieu. Mais, on ne peut pas refuser catégoriquement. A partir du moment où un taxi ne peut pas circuler sans visite technique et sans assurance, on ne peut pas admettre les taxis à gaz. Les taxis qui circulent à gaz ne peuvent pas avoir de visite technique. Or, si tu ne peux pas avoir la visite technique, tu ne peux pas avoir l’assurance. En cas d’accident, les conséquences sont énormes. Les taxis à gaz sont donc des dangers ambulants. C’est compte tenu de la vie chère que nous aussi, on se débrouillait avec le gaz. Mais à partir du moment où on a dit d’arrêter, on doit arrêter.

Lefaso.net : Mais, quel est le problème réel de ceux qui ne veulent pas abandonner le gaz ?

Souleymane Ouédraogo : D’abord, c’est plus bénéfique de circuler avec le gaz. Par exemple, pour aller à Bobo-Dioulasso (distant de 389 km), deux bouteilles de gaz à 10 000 francs peuvent t’y conduire. Donc, avec 20 000 francs, tu fais aller-retour. Pourtant en carburant, il te faut au moins 40 000 francs l’aller-retour. Et ça aussi, si ton véhicule est en bon état sinon, tu dépenseras plus de 50 000 francs de carburant. Ce sont tous ces calculs qui font que les gens traînent les pas. Sinon, ce n’est pas aujourd’hui que le problème de la circulation avec le gaz s’est posé ; depuis 2012, on nous a réunis à Jean-Pierre Guingané (Palais de la jeunesse et de la Culture) pour nous dire de ne plus circuler avec le gaz. Mais comme le gouvernement aussi n’a pas fait son travail, il nous a appelés pour nous dire verbalement, il n’y a pas eu d’opérations contre les taxis à gaz, le nombre à commencer à augmenter.

Lefaso.net : …Donc il fallait taper le poing sur la table dès le début !

Souleymane Ouédraogo  : Oui, il fallait dès le début passer à l’action directement. Il fallait faire des opérations de contrôle et de répression. Mais cette fois-ci, je pense qu’ils (les dirigeants) n’ont pas le choix parce qu’avec l’insécurité grandissante, les taxis à gaz sont un risque. Avec le terrorisme, les taxis à gaz sont très dangereux pour nous (il démontre comment à l’aide d’un simple téléphone portable, et à l’insu de son conducteur, le taxi à gaz peut être utilisé à des fins de destructions massives, ndlr). Donc, c’est un véritable danger pour le taximan, pour les clients et pour l’ensemble des populations. Nos camarades taximen doivent comprendre pourquoi depuis 2012 on nous a laissés faire et que c’est maintenant qu’on veut subitement faire arrêter la pratique. C’est une question de sécurité et les taximen doivent comprendre cela. Avec ces nombreuses attaques ces temps-ci, il est temps de quitter les taxis à gaz pour ne pas servir d’ingrédients à de mauvaises intentions …

Lefaso.net : Combien de taxis, à peu près, circulaient à gaz à Ouagadougou ?

Souleymane Ouédraogo : C’était autour de 600 à 800 taxis.

Lefaso.net : Mais à ce jour, il reste environ combien ?

Souleymane Ouédraogo : A ce jour, il ne reste pas beaucoup ; c’est une poignée de taximen qui refuse de se conformer. En réalité, tout le monde pouvait quitter le gaz mais, il y a un syndicat (le Syndicat national des taximen et transport urbain du Burkina, SNTTUB) qui soutient ceux qui ne veulent pas quitter le gaz. Le premier responsable de ce syndicat (Oumarou Kiéma) était le vice-président du SYNTAB où il a fait 33 ans. Nous lui avons demandé l’alternance, il a refusé et est allé créer son syndicat (SNTTUB). Et comme il n’avait personne derrière lui, il s’est mis à soutenir les taxis à gaz pour attirer les taximen qui sont dans la pratique. Donc, ses membres sont constitués de la plupart de ceux qui circulent à gaz. Il dit aux taximen qu’il va les défendre en faisant tout son possible pour que les taxis à gaz circulent. Mais nous, nous disons que s’il n’y a pas d’autorités, s’il n’y a pas de gouvernement, tant pis ! Qu’on le laisse faire et circuler. Ce syndicat-là n’est plus un syndicat de taximen, c’est un groupe de terroristes. Je dis ça mille fois ; parce que le gouvernement nous a réunis pour expliquer les dangers des taxis à gaz en ce moment (il fait le lien avec le terrorisme). Mais si quelqu’un entend ça et s’organise pour mieux s’adonner à ce qui est un danger pour tout le monde, c’est que lui-même il fait partie des terroristes ! Ce syndicat a fait son sit-in le 20 octobre passé.

Lefaso.net : Est-ce qu’on peut dire que tous les taximen qui ne sont pas revenus au moteur normal sont ceux qui sont du SNTTUB ?

Souleymane Ouédraogo  : Oui, c’est le président de ce syndicat, Oumarou Kiéma, qui leur a dit de ne pas changer, de ne pas accepter. Ce n’est pas les taximen-là même qui refusent, c’est lui qui leur dit de ne pas changer.

Lefaso.net : Mais est-ce que ceux qui sont avec lui sont nombreux ?

Souleymane Ouédraogo  : Ils ne sont pas nombreux. Mais parmi ses membres, il y en a aussi qui circulent avec le moteur normal (gasoil, essence). Mais ceux qui circulent avec le gaz sont les plus nombreux.

Lefaso.net : De votre côté, certainement qu’il y en a qui circulent toujours avec le gaz !

Souleymane Ouédraogo : Oui, c’est vrai, dans nos rangs, il y en a qui circulent toujours avec le gaz. Mais, nous les sensibilisons de tout faire pour quitter le gaz ; nous ne pouvons pas les encourager dans la pratique.

Lefaso.net : Mais pourquoi les gens persistent dans la pratique ; certains avaient clairement dit qu’il faut un soutien de l’Etat pour pouvoir revenir au moteur normal (parlant du coût de la restauration du moteur), est-ce une des raisons ?

Souleymane Ouédraogo : Oui, nous avons posé ça comme préoccupation. Mais le gouvernement a dit qu’il n’y a pas d’argent pour ça mais qu’il va nous trouver des véhicules (taxis) neufs. On a parlé, on a discuté. Mais, on comprend le gouvernement qui pouvait même ne pas nous accorder le moratoire de huit mois. Donc, il y a un effort à faire par les taximen à partir du moment où il s’agit de questions de sécurité. C’est vrai que le manque d’appui bloque aussi des gens, parce que le gouvernement a dit que les opérations vont commencer en 2017. Ce qui va permettre aux chauffeurs de taxi d’être eux-mêmes propriétaires de ces taxis. Tu prends le véhicule neuf, tu travailles et tu rembourses. Donc, le gouvernement a promis une opération taxis pour que d’ici à 2020, tous les taxis du Burkina soient des taxis neufs. Les taximen ne sont pas les seuls, il y a même des fonctionnaires (des particuliers) qui circulent à gaz et on doit tous arrêter pour la sécurité nationale. Notre syndicat est respectueux de la loi. Nous pouvons revendiquer quand il y a par exemple augmentation du prix du carburant, augmentation de certaines taxes telles celles de stationnement, mais pour l’utilisation du gaz, on ne peut rien dire là-dessus. On s’est livré à cette pratique parce que le carburant était cher et la vie était chère. Maintenant que le prix du carburant a baissé (même si on demande qu’on en fasse encore plus ; pourquoi pas le litre d’essence à 500 francs et le gasoil à 450 francs), les taximen peuvent aussi faire des efforts.

Lefaso.net : Le délai est arrivé, on constate que tous les taximen n’ont pas la possibilité d’être dans les rangs, qu’est-ce que vous, en tant que syndicat, proposez comme palliatif ?

Souleymane Ouédraogo  : Nous disons aux gens de venir se signaler, on a une fiche, ils font une demande de nouveau véhicule. Mais, en attendant, et dès qu’ils se présentent à nous, on leur propose de déposer leur taxi à gaz pour prendre un taxi à recettes pour travailler en attendant. On ne peut plus encourager ce genre de choses. Ceux qui circulent avec le gaz n’ont pas de visite technique, ils n’ont pas d‘assurance. Si les populations savaient réellement ce qui se passe avec les taxis à gaz, elles n’allaient pas les admettre. Si un taxi à gaz cogne quelqu’un à mort ou le rend handicapé à vie, il n’y a pas d’assurance pour le prendre à charge. Le seul document d’un taxi à gaz, c’est la carte grise. Est-ce que cela est normal ? Ce sont vraiment des dangers ambulants. De toute façon, ceux qui sont en train d’organiser la résistance, si le gouvernement les laisse, tant pis pour lui. S’il n’y a pas d’autorité au Burkina, tant pis ! Nous, trois des quatre syndicats de Ouagadougou, réunis au sein de la Fédération des syndicats de taximen, avons fait notre conférence de presse pour dire « non » à l’utilisation du gaz.

Lefaso.net : Donc le quatrième syndicat de taximen ne fait pas partie de la Fédération ... ?

Souleymane Ouédraogo  : Il (le président du SNTTUB, Oumarou Kiéma) ne peut pas rentrer dans la Fédération parce que quand on a voulu renouveler les instances, il a refusé, il a voulu toujours rester président ; il se prend pour l’homme fort. C’est ce genre de situation qui a chassé Blaise Compaoré du pouvoir et il est refusé en Côte d’Ivoire. Lui aussi il s’est refusé à la Bourse du travail, c’est là-bas qu’il est basé. Nous, pour ce qui nous concerne, nous avons sensibilisé nos membres et nous leur disons, à ceux qui ne peuvent pas changé, qu’ils peuvent venir s’inscrire et prendre des taxis à recettes pour le moment, en attendant l’opération des nouveaux véhicules annoncés par le gouvernement.

Lefaso.net : Les taxis à recettes, c’est quoi au juste ?

Souleymane Ouédraogo : Ce sont des véhicules que des propriétaires mettent à la disposition des taximen ; les chauffeurs peuvent prendre pour circuler et ils versent une somme journalière. Tu peux prendre par exemple le véhicule et tu verses 7000 mille par jour au propriétaire et à la fin du mois, il te paie 30 000 francs. Si dans la journée tu gagnes plus de 7 000 francs, tu gardes le surplus. Ce sont de bons véhicules. Si quelqu’un te dit de venir prendre un véhicule neuf et que tu refuses, je ne sais pas ce que cette personne recherche.

Lefaso.net : A ce jour, est-ce que ceux qui circulent toujours à gaz passent chez vous pour se signaler et s’inscrire ?

Souleymane Ouédraogo  : Oui, nos membres qui circulent à gaz viennent se signaler et s’inscrire. Mais, malheureusement, il y a certains de nos membres que l’autre camp (le SNTTUB) arrive à influencer, en leur disant de ne pas laisser le gaz.

Lefaso.net : Quelle est votre principale préoccupation en ce moment ?

Souleymane Ouédraogo : Notre préoccupation, c’est que le gouvernement respecte les promesses afin que nous puissions honorer nos promesses envers nos membres. Nous avons déjà mené des investigations auprès des taximen sur l’utilisation qui sera faite de ces véhicules, entretien, etc. Tout est fini et nous attendons l’arrivée des véhicules. Chacun part faire sa demande au sein de son syndicat d’origine. Vraiment, on n’a pas besoin de mettre en péril la sécurité de notre pays en voulant nourrir notre famille. Le gouvernement n’a pas dit seulement d’abandonner le gaz ; il a dit d’abandonner le gaz et qu’il va renouveler le parc des taxis. Avant, il n’y avait pas de porte de sortie parce que le gouvernement nous avait dit seulement d’abandonner le gaz. Mais à partir du moment où il a dit qu’il va nous donner de nouveaux véhicules, on peut faire l’effort d’abandonner et d’attendre. Surtout qu’il s’agit de sécurité de notre pays.

Lefaso.net : Un appel ?

Souleymane Ouédraogo : Que ceux qui sont toujours dans cette pratique fasse tout pour l’abandonner. Il faut changer le moteur de son taxi et venir faire une demande pour attendre le véhicule neuf promis par le gouvernement. Mais en attendant ces véhicules promis, qu’ils viennent au niveau du syndicat pour prendre un véhicule de recettes.

Entretien réalisé par Oumar L. OUEDRAOGO
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