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Lutte syndicale : éviter l’amalgame

Publié le lundi 23 mai 2005 à 06h45min

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Dans six (6) mois, les Burkinabè se rendront aux urnes pour une échéance majeure : l’élection du président du Faso. Cette consultation est d’autant plus importante que celui ou celle qui sera choisi(e) disposera, de par la constitution, de beaucoup de pouvoirs, d’aucuns diront de pouvoirs exhorbitants.

On comprend dès lors toute la frénésie ou toute l’agitation qui s’est emparée de nombre de milieux, notamment politiques et syndicaux.

Quoi de plus normal que dans un Etat qui se veut démocratique, les consultations électorales soient les temps forts de la vie nationale ! Les marches de soutien à tel ou tel candidat, les appels à s’inscrire sur les listes électorales sont entre autres, les manifestations d’une vie démocratique dynamique. Le contraire aurait été décourageant et traduirait le peu d’intérêt que les citoyens ont pour la chose publique, la gestion de la cité.

Doit-on encourager, dans ce cas, les citoyens à ne pas s’inscrire sur les listes électorales, donc à ne pas voter, comme l’a demandé ce respectable dirigeant syndical burkinabè ? Et cela, au moment où des partis politiques et organisations appellent à s’inscrire massivement pour voter parce que c’est l’occasion par excellence pour le citoyen de jouir de son pouvoir de sanctionner ses dirigeants.

A moins que les mots n’aient devancé sa pensée, il s’agit là de la part de ce responsable syndical sinon d’un mépris des travailleurs du moins, en tout cas, d’une maladresse qui laissera des traces indélébiles. Et voilà qui vient encore poser la question de la nature réelle du syndicat et de l’exercice syndical.

Le syndicat est cette organisation qui défend les intérêts moraux et matériels des travailleurs. Sur ce terrain-là, très peu sont les travailleurs burkinabè, surtout ceux du secteur public et parapublic qui diront le contraire. Les syndicalistes, parfois au prix de leur carrière et même de leur vie, se sont battus pour améliorer leurs conditions de travail. Ils l’ont si bien fait qu’ils sont devenus, au fils des ans, des partenaires incontournables de différents gouvernements. On ne peut leur en vouloir s’ils estiment que les périodes électorales sont les moments les plus favorables aux revendications pour peu qu’elles ne soient pas du chantage, qu’elles ne dépassent pas les moyens de l’Etat ou qu’elles ne revêvent pas un caractère politique.

Sur ce dernier point, il n’est pas toujours facile de distinguer la barrière entre l’action politique et l’exercice syndical. Pour s’en convaincre, il faut remonter à l’histoire de la Haute-Volta et même du Burkina Faso pour constater que la lutte syndicale a énormément influencé la vie politique de ce pays. Les Burkinabè savent bien que les syndicalistes sont, en grande partie, à l’origine de la chute de la 1re République, le 3 janvier 1966. Sous couvert d’opposition à une diminution des salaires des fonctionnaires, ils ont fini par obtenir le départ du président Maurice Yaméogo. En 1975, ce sont toujours eux qui ont exigé par la grève, des militaires le retour à une vie constitutionnelle normale. Sous le régime du Comité militaire pour le redressement national du colonel Saye Zerbo, on a dû prendre des mesures sévères contre les syndicats en supprimant, entre autres, le droit de grève. Le Conseil national de la Révolution au pouvoir il y avait à peine un an, n’a pas hésité en mars 1984 à renvoyer des milliers d’enseignants grévistes pour avoir tenté, dit-on, de "déstabiliser" le pouvoir.

Les Burkinabè se souviennent certainement de ces syndicalistes qui secouaient régulièrement la Bourse du travail et traitaient sans ménagement dans des discours enflammés les pouvoirs en place.

On peut toujours remonter loin dans le temps pour relever qu’au Burkina Faso comme ailleurs en Afrique, la lutte syndicale a favorisé l’accélération de la décolonisation de nombre de pays africains. Des chefs d’Etat comme Houphouët-Boigny qui a été le premier responsable du puissant Syndicat des planteurs ivoiriens et Sékou Touré qui a dirigé l’Union générale des travailleurs de l’Afrique noire (UGETAN) sont arrivés à la tête de leur pays, par le biais de la lutte syndicale.

Au Burkina Faso comme ailleurs, la plupart des mouvements sociaux sont le fait des syndicats. Le politique a influencé le syndicat. Et parfois négativement. On se souvient toujours que sous le Conseil national de la Révolution, une "guerre au lance-flammes" avait été livrée contre les "anarcho-syncidalistes", coupables de "galvauder" les intérêts des travailleurs et d’"instrumentaliser" la lutte syndicale à d’autres fins.

Même si la vie de syndicaliste n’est pas un sacerdoce, les syndicalistes qui sont avant tout des citoyens gagneraient à éviter l’amalgame, le double jeu dans leurs revendications. Ils seraient plus crédibles aux yeux des travailleurs dont ils se veulent les défenseurs et des gouvernants qui sont leurs premiers partenaires.

Béssia BABOUE
Sidwaya

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