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Crise togolaise : L’introuvable compromis d’Abuja

Publié le lundi 23 mai 2005 à 07h42min

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A Abuja, la capitale nigériane, la crise togolaise était, le 19 mai 2005 au centre d’un minisommet extraordinaire de la CEDEAO, auquel a pris part le président Blaise Compaoré aux côtés de ses pairs du Bénin, du Gabon, du Ghana, du Niger et du Nigeria.

Malheureusement, l’objectif d’harmoniser les positions des protagonistes en vue de la formation d’un gouvernement d’union nationale n’a pas été atteint à ce sommet d’Abuja.

Le jeudi 19 mai 2005, il est 8 heures 45 minutes quand le Fokker F 28 de la compagnie Air Burkina, qui transportait la délégation présidentielle burkinabè, conduite par le chef de l’Etat Blaise Compaoré, a atterri à l’aéroport international d’Abuja.

Après l’accueil par les autorités nigérianes et les honneurs militaires dus à son rang, le président et sa suite sont convoyés à la résidence présidentielle Aguda House. Le président Blaise Compaoré y a eu des audiences avec ses homologues Omar Bongo du Gabon, Faure Gnassingbé du Togo, et Mamadou Tandja du Niger. Puis, tous s’embarquent pour le quartier général de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), où est prévu le minisommet sur la crise togolaise.

Dans la salle de conférences, les écriteaux devant les sièges du présidium nous indiquaient que six chefs d’Etat sont attendus à cette rencontre : Mathieu Kérékou du Bénin, Blaise Compaoré du Burkina, John Kufuor du Ghana, Mamadou Tandja, président du Niger et aussi président en exercice de la CEDEAO, Olusegun Obasanjo, président du Nigeria et également président en exercice de l’Union africaine, et Omar Bongo du Gabon, le seul chef d’Etat dont le pays n’est pas membre de la CEDEAO.

En face de cette tribune, toutes les tendances de la classe politique togolaise : la mouvance présidentielle dont la CPP d’Edem Kodjo, le PDR d’Ayeva Zarif, le RSDD de Harry Olympio, le RPT (parti au pouvoir), avec bien sûr à leur tête le président élu à 60,15% des voix et contesté, Faure Gnassingbé ; et les représentants de l’opposition parmi lesquels Gil Christ Olympio de l’UFC, Me Agboyibo du CAR, Léopold Gninivi de la CDPA. Ainsi se présentait à peu près le décor qui y était planté.

Mais au nombre des personnalités ci-dessus citées, seuls les leaders de l’opposition radicale se trouvaient avec nous dans l’hémicycle. Où sont les autres, c’est-à-dire les chefs d’Etat et la délégation présidentielle togolaise, se demandait-on. Nous apprendrons après que ces derniers étaient en concertation restreinte dans une des nombreuses pièces de cette bâtisse de la CEDEAO.

Entre-temps, alors que nous étions descendu des estrades pour recueillir les impressions de quelques membres de l’opposition togolaise, la fanfare militaire brisa le calme apparent qui régnait dans la salle. C’était là un signal que les choses sérieuses allaient incessamment commencer, mais pas dans la salle où l’on s’y attendait.

Les organisateurs ayant sans doute opté pour la tenue de la rencontre, loin des oreilles indiscrètes dans une des salles de réunion perdue au troisième étage. A cet endroit, c’est le même décor que celui que nous venons de décrire ci-dessus, à la différence qu’à l’intérieur de celle-là, les acteurs de la crise politique togolaise sont installés sur une seule rangée et plus proches de ceux qui avaient la mission de les réconcilier.

L’atmosphère dénotait un dialogue de sourds

Dans une atmosphère plus ou moins tendue, juste avant l’ouverture du débat, nous tentons d’arracher un mot des opposants radicaux. Ce que nous confiera l’un d’entre eux, en l’occurrence Me Agboyibo Yawovi, augurait déjà que les protagonistes de la situation politique trouble du Togo ne fumeront pas le calumet de la paix à ce minisommet extraordinaire de la CEDEAO.

En effet, de l’avis de notre interlocuteur qui parlait au nom des six coalitions politiques de l’opposition radicale qu’il nous a énumérés par ordre alphabétique, ils ne sont pas conviés à une réunion de la CEDEAO. « Ce qui nous a été dit, c’était une réunion sur l’initiative du président de l’Union africaine, Olusegun Obasanjo. C’est à ce titre que nous sommes venus. Que la CEDEAO soit associée à l’UA, ça c’est une affaire interne à l’organisation ».

La raison, pour Me Agboyibo, la CEDEAO est responsable de tous les ratés lors de la présidentielle du 24 avril 2005, car, « si le processus électoral a connu des dérapages, c’est à cause des erreurs commises par les techniciens qu’elle a envoyés à Lomé pour l’observation du scrutin ». C’est là une appréciation qui laisse deviner que c’était parti pour un dialogue de sourds.

Obasanjo prépare les esprits au dialogue

Le ton des pourparlers est donné avec une seule allocution, prononcée par le président nigérian, Obasanjo. « Avant la disparition du président Gnassingbé Eyadéma, a-t-il dit, la situation au Togo n’était pas du tout facile. Et celle de l’après-Eyadéma demeure difficile ». Tout le monde, a-t-il poursuivi, chefs d’Etat des pays membres de la CEDEAO, de l’Union africaine, amis du Togo, ... a manifesté son désir à la paix, à l’harmonie et au progrès pour le Togo. Et cette réunion, selon lui, témoigne de cet état d’esprit qui anime tout ce monde. Elle se veut aussi, à ses dires, la suite de la concertation qu’il avait initiée avant les résultats de la présidentielle.

Il indiquera que les chefs d’Etat ne sont pas venus à ce sommet « pour critiquer, ni pour dicter une conduite typique, encore moins pour donner des leçons au Togo sur ce qu’il doit faire sur la situation dans laquelle il est plongé ». C’est aux leaders et le peuple togolais eux-mêmes, martèlera-t-il, de dire ce qu’il convient de faire pour la paix, l’apaisement des cœurs, le progrès et le développement de leur pays.

Eux chefs d’Etat y sont pour assister, écouter et approuver ce que la classe politique va s’accorder d’entreprendre pour le bien-être du Togo. C’est donc sur ces mots que le président nigérian priera les membres de la presse de leur permettre de poursuivre à huis clos les échanges sur deux autres points inscrits à l’agenda de cette réunion, et dont nous ignorons les contenus respectifs.

La légitimité de Faure Gnassingbé réaffirmée à Abuja

Pendant le huis clos, nous nous permettions, parfois las de patience, d’aller faire un tour dehors et d’en revenir précipitamment, de peur d’être surpris par la fin de la rencontre. A 15 heures, heure d’Abuja, il est observé une petite suspension des travaux, juste pour se mettre quelque chose sous la dent et reprendre les négociations. Gil Christ Olympio, que nous avons approché pendant cette pause, donne son appréciation des discussions : « Nous avons eu des échanges de vues francs.

Tout le monde a parlé franchement. On n’est pas parvenu à une solution parce que l’élection que nous avons eue est entachée de beaucoup d’irrégularités. Plusieurs de nos partenaires européens, américains et canadiens doutent de la transparence de cette élection. Nous aimerions arriver à une cogestion pendant une période donnée où nous allons cohabiter dans un gouvernement de transition. Malheureusement, on n’a pas pu se mettre d’accord là-dessus, du moins pour le moment... ». « Peut-être, ajoutera-t-il, arriverons-nous à une solution ».

A la question de savoir si lui et ses acolytes de l’opposition radicale avaient une solution à proposer à cette réunion de réconciliation, Gil Christ Olympio répond par l’affirmative mais nous laisse entendre qu’il ne nous la divulguera pas, arguant qu’ils ne l’avaient pas encore soumise au conseil des présidents. A peine deux heures après la reprise des travaux, alors qu’on s’attendait à la lecture publique du communiqué final, l’on s’entendra dire que les médiateurs s’apprêtent à quitter la capitale nigériane.

A leur sortie, aucun visage ne laissait poindre un sourire annonciateur d’une issue heureuse de la rencontre. Mamadou Tandja avait l’air blême, rougi plus qu’il ne l’était, le président Compaoré, lui aussi avait la mine presque serrée. Personne ne posait encore de questions sur l’issue du sommet, l’atmosphère ambiante toute seule étant suffisante pour déduire que ce fut un échec. Au hall du salon d’honneur nous aurons l’occasion d’avoir l’appréciation des discussions de la part d’Edem Kodjo pour l’opposition modérée et de Dama Dramani, le secrétaire général du Rassemblement du peuple togolais (RPT), le parti au pouvoir.

De l’avis des deux, ce sommet a été un succès, dans la mesure où, s’expliquera Dama Dramani, à Abuja, l’élection du président Faure, de même que sa légitimité, a été confirmée et réaffirmée par les chefs d’Etat de la CEDEAO. Dans la conclusion de ce sommet extraordinaire de la CEDEAO, les chefs d’Etat ont demandé au président Faure de poursuivre le processus de réconciliation nationale et de tout mettre en œuvre pour que l’ensemble de la classe politique togolaise se retrouve au sein d’un large gouvernement d’union nationale.

La mission de ce gouvernement, dont la formation est laissée à son appréciation, a pour mission de procéder aux réformes nécessaires, entre autres, le code électoral, la constitution... Les chefs d’Etat ont, en outre, dans leur communiqué final, appelé « toutes les forces politiques du Togo à renoncer aux actes de violence, d’impunité et de vandalisme, qui contribuent à l’insécurité du pays ».

Notons qu’Emmanuel Bob Akitani, le candidat de l’opposition à la présidentielle du 24 avril dernier, a été évacué d’urgence dans un hôpital parisien le lendemain du sommet d’Abuja, le 20 mai 2005, de suite, semble-t-il, de problèmes neurologiques résultant d’un accident cérébro-vasculaire survenu le 18 mai à Lomé.

Hamidou Ouédraogo
Observateur Paalga

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