LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Insécurité routière : « Nombreux sont les usagers qui banalisent à la limite la vie humaine », Léopold Kaboré, président du REJSER

Publié le dimanche 16 octobre 2016 à 11h28min

PARTAGER :                          
Insécurité routière : « Nombreux sont les usagers qui banalisent à la limite la vie humaine », Léopold Kaboré, président du REJSER

Du 15 au 19 octobre 2016, Ouagadougou, sera la capitale africaine de réflexions sur la sécurité routière à travers la deuxième édition du Forum africain sur la sécurité routière (FASER). L’occasion faisant le larron, nous avons rencontré le président du Réseau des journalistes et communicateurs pour la promotion de la sécurité routière (REJSER) pour scruter la récurrente question de l’insécurité routière au Burkina. Dans cet entretien, Léopold Kaboré présente l’organisation, analyse la situation des accidents au Burkina et dévoile les actions qu’entend entreprendre le REJSER sur le terrain de lutte. Entretien !

Lefaso.net : Qui peut appartenir au REJSER et quelles sont ses actions prioritaires ?

Léopold Kaboré : Il sied de rappeler que le Réseau des journalistes et communicateurs pour la promotion de la sécurité routière (REJSER) a été officiellement reconnu en novembre 2015.Il regroupe des journalistes et communicateurs engagés dans la lutte contre l’insécurité routière au Burkina Faso.L’ambition du réseau, c’est d’être une structure qui participe efficacement à la lutte contre l’insécurité routière au Burkina Faso. Pour atteindre ses objectifs, il se fixe pour missions entre autres : de susciter l’engagement des hommes de média en vue d’une synergie d’action dans la lutte contre l’insécurité routière, renforcer les capacités de ses membres en matière de sécurité routière et contribuer à la promotion de la culture de la courtoisie, de la tolérance, de la non-violence et de la solidarité sur les routes.

Le REJSER est ouvert à tous les journalistes, sans distinction, qui s’intéressent au traitement de l’information sur les questions de sécurité routière dans toutes ses dimensions. Comme actions prioritaires, le réseau s’emploie à renforcer les connaissances de ses membres afin de leur donner les rudiments nécessaires pour traiter sans trop de difficultés, les sujets en rapport avec la sécurité routière. Aussi, l’équipe dirigeante s’évertue à renforcer les capacités institutionnelles et organisationnelles du réseau. Comme vous le savez, sans moyens logistiques et financiers, il est utopique de croire qu’on peut obtenir des résultats perceptibles. C’est pourquoi, nous avons inscrit la mobilisation des ressources et des partenaires comme une action également prioritaire.

Lefaso.net : Quel est le plus grand défi que votre structure s’est donné à relever à moyen terme, quand on sait que la lutte contre l’insécurité routière est pressante ?

Léopold Kaboré :Il est vrai que l’actualité en matière de sécurité routière n’est pas reluisante au Burkina. Il ne se passe pratiquement pas une journée, sans que la route n’arrache quelqu’un à notre affection. Sans compter les nombreux blessés qui, pour certains, seront handicapés à vie, et les dégâts sur les infrastructures routières qui en découlent. Face à ce tableau sombre, il est évident qu’il faut aller vite.Mais pour le réseau, il faut surtout aller bien. Les accidents de la route sont occasionnés par plusieurs facteurs, mais celui humain est récurrent dans pratiquement tous les accidents.

Etant convaincu que les changements de comportements ne s’opèrent pas en un coup de bâton magique, le réseau estime qu’il faut que tout le monde s’implique dans la sensibilisation et l’éducation des enfants et des jeunes. Car, quoi qu’il en soit, tous, nous empruntons la route etchacun doit se mettre en tête que ça n’arrive pas qu’aux autres. Ce qui n’exclue pas qu’il faut continuer la répression et même la durcir. Je salue au passage, ce que font la Police, l’ONASER (Office national de sécurité routière) et la gendarmerie actuellement. Au-delà de cela, il faut que les députés revoient la législation en la matière et rendent la loi plus coercitive.

Lefaso.net : Quels sont les moyens du REJSER pour mener à bien les missions ?

Léopold Kaboré :Le réseau dispose d’un plan d’action2017. Il esten discussions avec certains partenaires pour son financement. Et à l’intérieur, les moyens nécessaires pour sa mise en œuvre sont clairement indiqués à partir d’un diagnostic et quelques études qui ont été faites.

Lefaso.net : Peut-on avoir une idée de l’ampleur des accidents au Burkina, surtout dans les grandes villes ?

Léopold Kaboré :Parlant d’ampleur, que ce soit à travers les médias traditionnels ou les réseaux sociaux, il ne se passe pas une journée sans que des images d’accident ne circulent sur la toile. Je saisis l’occasion pour féliciter les différents médias qui ne manquent l’occasion d’interpeler les usagers à travers les reportages et des réflexions.En termes de chiffres, je vais m’en tenir à statistiques officielles publiées par l’ONASER. Entre 2003 et 2011, la ville de Ouagadougou a enregistré un millier de mortsà la suite d’accident de la circulation.

La situation n’est guère meilleure dans la capitale économique Bobo-Dioulasso où 326 personnes ont été mortellement fauchées sur la mêmepériode, sans compter les nombreux blessés et les dégâts.La situation semble mêmeévoluer de mal en pis car, on enregistre malheureusement de plus en plus de morts sur nos routes au fil des années.En matière de statistiques, vous avez la police nationale, la police municipale, la gendarmerie, les centres de santé, et surtout les sapeurs-pompiers, qui disposent des chiffres.Mais le manque de coordination et de plateforme commune fait qu’il est difficile de déterminer l’ampleur des accidents par les chiffres. Comme les mathématiciens le disent, on ne démontre pas ce qui est évident. On en déduit et on avance. C’est dire que même sans chiffre, à Ouagadougou par exemple, on vit les accidents tous les jours.

Lefaso.net : Quelle est la catégorie de personnes la plus touchée par les accidents et qu’est-ce que cela implique pour le pays ?

Léopold Kaboré :Les personnes les plus touchées peuvent être classées en deux catégories. La première, si on s’en tient à l’âge et aux chiffres fournis par l’OMS(Organisation mondiale de la santé), ce sont les jeunes de 15 à 29 ans qui sont les plus touchés dans le monde. Et cela représente la première cause de mortalité pour cette catégorie. La seconde catégorie prend en compte le statut social. Et là, ce sont les piétons et les usagers des engins à deux roues qui sont les plus touchés.

Comparativement au reste du monde, l’Afrique connaît la plus forte incidence de décès liés aux accidents de la route avec un taux de 26,6 pour 100.000 habitants malgré qu’elle ait la plus faible densité en termes de réseau routier et de parc automobile. Dans la zone UEMOA, le Burkina est l’un des pays les plus touchés pour ne pas dire le plus touché par les accidents de la route.En plus des tués, des nombreux blessés et handicapés que cela occasionne, l’impact des accidents dans la zone UEMOA représente environ 2% du PIB. La forte croissance actuelle du parc automobile couplée avec la morbidité et la mortalité importantes des accidents de la route, positionne l’insécurité routière comme le principal défi à relever au Burkina.

Lefaso.net : Peut-on avoir une idée des principales causes des accidents au Burkina ?

De façon classique, il y a trois facteurs accidentogènes :l’homme, la route et l’environnement. Mais d’une manière ou d’une autre, c’est l’homme qui est le plus responsable car étant maître de l’état de son engin, et devant tenir compte de l’environnement dans lequel il circule. C’est dire que les accidents sont le plus causés par le comportement de l’homme en circulation. Entre autres comportements qu’on peut citer figurent, la vitesse, la conduite en état d’ivresse, la conduite en état de fatigue, le manque de courtoisie et de tolérance…

Lefaso.net : Qui sont vos partenaires ou potentiels partenaires quand on sait que la lutte implique une action conjuguée ?

Léopold Kaboré :Nos principaux partenaires sont les organes de presse auxquels nous appartenons, les associations dynamiques qui œuvrent au quotidien pour des routes plus sures. Il y a le ministère des Transports, de la mobilité urbaine et de la sécurité routière ainsi que ses directions rattachées. Il y a aussi certains privés comme Kanis Logistics qui nous accompagne. Nous sommes en négociation avec la Commission de l’UEMOA, et bien d’autres institutions.

Lefaso.net : Le gouvernement a initié ces derniers temps, une opération visant à instaurer le civisme dans la circulation à travers la présence des forces de sécurité au niveau des feux tricolores ; quel commentaire pouvez-vous en faire ?

Léopold Kaboré :Je salue ces différentes mesures et espère qu’elles vont s’inscrire dans la durée. Je suis aussi de ceux qui pensent qu’il faut que nous les citoyens puissions redéfinir notre vivre ensemble, surtout en circulation. J’ai personnellement l’impression que nombreux sont les usagers qui banalisent à la limite la vie humaine. Lorsqu’au cours d’un accident, il y a des dégâts, on peut le réparer. Mais s’il y a perte en vies humaines ou même blessure grave, comment on le répare ? Nous sommes en démocratie, et comme on ne peut pas appliquer la loi du Talion « œil pour œil, dent pour dent », alors accordons-nous sur le minimum. Ce que je dis n’est aucunement pour inciter à une quelconque violence, mais il y a des citoyens qui, au regard de leurs comportements sur les routes, ne méritent pas d’être autorisés à circuler.

Lefaso.net : Entre « répression » et « sensibilisation », laquellefaut-il privilégier aujourd’hui et pourquoi ?

Léopold Kaboré :Toutes les deux doivent être utilisées. Comme l’adage populaire le dit, « on ne peut pas réveiller quelqu’un qui ne dort pas ». A l’endroit de ces individus qui savent mais choisissent de ne pas respecter la règlementation, il faut la répression. Mais il y a ces innocents qui, parce que disposant d’engin, se jettent sur la route sans connaître les B.A BA de la route.

Lefaso.net : Des éléments de forces de sécurité sont souvent victimes d’usagers qui refusent d’obtempérer... Quel est votre commentaire sur cette situation qui ressemble maintenant à un rapport de force entre agents de sécurité et usagers ?

Léopold Kaboré :C’est vraiment déplorables, les évènements qui se passent ces derniers temps entre forces de sécurité et usagers de la route. Je ne voudrais pas rentrer dans le débat qui a raison ou qui ne l’a pas. Ce qui est sûr, c’est que les forces de sécurité ont été formées pour la sécurité et non, s’arrêter au feu. S’ils y sont, posons-nous les vraies questions. Si nous trouvons les réponses, alors, les policiers iront vaquer à leurs occupations. Il est difficile de comprendre qu’on barricade des voies pour réclamer des feux tricolores et une fois qu’ils sont installés, personne ne veut les respecter. C’est parce qu’il y a incivisme en circulation que ces forces de sécurité sont obligées de braver le soleil pour s’arrêter aux feux. Malgré leur présence, des gens trouvent moyens de les narguer et passer. Il y a des carrefours sans feu où sans la présence des policiers et les VADS (Volontaires adjoints de sécurité) les heures de pointe, ce serait vraiment une vraie jungle. Je milite pour que l’on durcisse les sanctions contre les ‘’fous’’ qui sont en circulation.

Lefaso.net : La rentrée scolaire rime avec embouteillage dans la circulation dans les grandes villes. Le REJSER a-t-il prévu des actions spécifiques à cet effet ?

Léopold Kaboré :Les élèves sont inscrits en bonne place dans le plan d’action 2017 du réseau. Dès le début de l’année 2017, des actions seront menées dans ce sens.

Lefaso.net : Au cours du Forum africain sur la sécurité routière (FASER) prévu du 17 au 19 octobre prochain, il est prévu en marge, une assemblée générale des journalistes de l’espace UEMOA s’intéressant à la question. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Léopold Kaboré :Effectivement, il est prévu en marge du FASER, une assemblée générale des journalistes. Cette occasion permettra aux journalistes participants de discuter sur le type de contribution qu’ils pourraient apporter en guise d’accompagnement pour résoudre la problématique de l’insécurité routière qui endeuille chaque jour, de nombreuses familles. Aussi, il sera question de réfléchir et proposer des solutions afin d’asseoir les bases techniques devant permettre la concrétisation d’un réseau de journalistes spécialistes des questions de sécurité routière de l’espace UEMOA. A ce jour, tous les pays, à l’exception de la Guinée-Bissau, ont confirmé leur participation.

Lefaso.net : Un conseil aux usagers ?

Léopold Kaboré :Que chacun se mette, chaque fois, dans la tête que l’on ne vit pas deux fois. Si chacun ne fait pas d’effort pour changer son comportement et aussi sensibiliser les autres, c’est ensemble (pour ceux qui auront la chance) qu’on fera les deuils des différentes victimes. Comme on ne cesse de le dire, ça n’arrive pas qu’aux autres. Pour des routes plus sûres, faisons preuve de courtoisie et de tolérance sur nos routes. La route tue et continuera de tuer si nous ne prenons garde.

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique