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Lutte contre la corruption : Commencer par une "opération casier vide"

Publié le mardi 17 mai 2005 à 07h14min

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Les acquis du dispositif de lutte contre la corruption au Burkina Faso restent maigres. Cela pourrait être dû au fait que certains aspects sont négligés. L’auteur de cet article appelle le Président du Faso à revoir un certain nombre de points pour une victoire certaine contre ce fléau.

Excellence monsieur le Président,

Comme de nombreux compatriotes, j’ai suivi avec un grand intérêt, à travers la presse, le dépôt du récent rapport de la Haute Autorité de coordination de la lutte contre la corruption.

Selon ce rapport, la corruption, loin d’avoir reculé, a pris de l’ampleur dans notre pays. Je ne veux nullement revenir sur les conclusions du rapport, mais plutôt m’interroger sur la suite qui leur sera réservée, du moment où ces conclusions, il faut l’avouer, ne sont pas reluisantes pour l’image que nous entendons donner du Burkina Faso.

Aussi voudrais-je, par la présente, soumettre à votre appréciation quelques pistes de solutions afin de freiner l’avancée de ce fléau dont l’envergure devient inquiétante. Des voix plus avisées se sont, certes, déjà penchées sur la question de la corruption dont les conséquences néfastes au triple plan économique, social et politique (faillite des entreprises, paupérisation, injustice, sociale, mal gouvernance, pour ne citer que ces exemples) sont désastreuses.

A titre d’illustration, pour parler économie, au niveau des marchés publics, la corruption occasionne des dépenses inutiles de la part de l’Etat car un travail mal exécuté par une entreprise non qualifiée mais attributaire d’un marché, par le fait de la corruption, oblige l’Etat à entreprendre des travaux de réfection.

Ces conséquences ont, du reste, largement été stigmatisées par plusieurs écrits, et des solutions déjà proposées. Je suis cependant acquis au postulat qu’aucune voix n’est de trop dans la lutte contre ce phénomène.

Excellence, il est de notoriété publique que de nos jours, la corruption tend à devenir une pratique banale parce qu’elle est entrée dans les habitudes des Burkinabè que nous sommes. Même si elle ne nous est pas propre, la corruption est suffisamment grave pour qu’on ne s’y attaque pas avec la plus grande fermeté.

S’il est vrai qu’il existe tout un dispositif institutionnel et juridique qui devrait en principe dissuader les acteurs de la corruption, il faut reconnaître que celui-ci, s’il n’est pas inopérant, tarde à produire les résultats qu’on est en droit d’attendre de lui. J’en veux pour preuve l’existence d’institutions comme l’Inspection générale d’Etat, l’Inspection générale des Finances, la Cour des comptes, le Comité national d’Ethique, la Haute Autorité de coordination de la lutte contre la corruption qui, à mon avis, n’a pas vraiment changé les choses.

Combat inlassable du REN-LAC

Ces institutions mènent des enquêtes et produisent périodiquement des rapports qui devraient servir de base à une lutte véritable contre la corruption.
Aussi, des organisations de la société civile comme le REN-LAC mènent un combat inlassable contre ce phénomène. Elles produisent des rapports qui, certes, n’engagent pas l’Etat mais donnent des pistes à suivre, du moment où la loi fait obligation au Procureur du Faso "d’ouvrir une information judiciaire" toutes les fois qu’une information ou une allégation de corruption est rendue publique (soit dans la presse, soit dans un document public). Malheureusement, cela ne se fait pas toujours.

Tout se passe comme si les faits incriminés dans ces différents rapports n’étaient nullement avérés.
En somme, les acquis du dispositif de lutte contre la corruption restent maigres.

Monsieur le Président,

Dans l’ouvrage intitulé "Le Prince", de Machiavel, il est dit ceci : "... là où la matière est si corrompue que les lois n’arrivent pas à la réfréner, il faut en même temps que celles-ci, y instituer une force plus grande c’est-à-dire une main royale qui, de par sa puissance absolue et excessive, mettre un frein à l’excessive ambition et corruption des puissants".

Je veux ici, en appeler au Président du Faso que vous êtes, afin que vous vous investissiez davantage dans ce combat.
A ce propos, Excellence, pourquoi ne pas amorcer une nouvelle étape par ce que j’appelle une "opération casier vide" dans toutes les structures étatiques chargées de la lutte contre la corruption et notamment à l’Inspection générale d’Etat et à l’Inspection générale des Finances ? Cette opération consisterait à transmettre à qui de droit, tous les rapports en sommeil dans les tiroirs de ces institutions.

A l’image des opérations "mains propres" dans certains pays, seule votre implication personnelle en tant que chef de l’Etat peut faire évoluer la situation.

A mon avis, aucune action d’envergure n’a encore été menée à la suite des enquêtes de ces institutions dont les rapports sont, au demeurant, confidentiels.

En donnant des instructions fermes à qui de droit pour que toutes les personnes incriminées dans les multiples rapports répondent de leurs actes devant les tribunaux, vous contribuerez certainement à la lutte contre la corruption en permettant de punir les coupables que l’opinion accuse votre régime de protéger.
Je ne vous encourage nullement à faire entorse au principe intangible de la séparation des pouvoirs, mais étant le premier magistrat de ce pays, je suis convaincu que vous pouvez faire bouger les choses.

Une telle action aura surtout le mérite de rappeler aux Burkinabè que la loi est la même pour tous, quel que soit le poste que l’on occupe de par le mérite ou le privilège.
Il ne doit s’agir aucunement d’une "chasse aux sorcières" mais d’une volonté politique réaffirmée de prendre les choses en main.

Excellence monsieur le Président, je ne doute pas qu’une telle entreprise pourrait faire des mécontents autour de vous. Nous sommes dans une année électorale et je pense, d’ailleurs, que c’est une raison de plus pour agir car la construction d’une nation qui se veut paisible et prospère ne saurait s’accommoder des états d’âme de quelques personnes. L’intérêt national doit être au-dessus de tout.
Vous devez donc avoir le courage d’entreprendre une telle mesure. Le peuple du Burkina Faso, dont vous avez la charge de la gestion du destin, vous en saurait gré.
Excellence monsieur le Président, je vous prie d’agréer, l’expression de ma très haute considération.

BAZIE G. Hubert
Attaché d’Intendance Universitaire
Ouagadougou
Tél : 76 63 25 52

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Vos commentaires

  • Le 18 mai 2005 à 14:12, par AEI En réponse à : > Lutte contre la corruption : Commencer par une "opération casier vide"

    Tout d’abord je voudrais féliciter les sapeurs pompiers. Leur travail est tellement anonyme, gratuit et véritablement désintéressé. Comme le chante Georges Ouédraogo, "ce qui me préoccupe c’est t’aider, le reste cela ne me regarde pas". Arrivé sur les lieux d’un sinistre, le SP ne demande rien à personne, après intervention non plus. Quand je vois un Sapeur Pompier, même à la descente de son travail, en signe de respect, je m’arrête ! J’aurais souhaité que le Burkina déclare le 1er de l’an : "Journée nationale du Sapeur Pompier". Ainsi, tout citoyen qui le veut, nous cotiserons, 5F, 10F, et organiserons des manisfestations diverses, pour les sapeurs en signe de reconnaissance pour leur travail. Si les médailles de la République gardaientt encore intact leur symbolisme, tout Sapeur Pompier, au bout d’un an d’exercice, devrait être décoré. Risquer sa propre vie pour sauver celle d’autrui, si quelqu’un trouve meilleure preuve d’amour, qu’il me le dise. Bravo aux JChrist, Gandhi et MLking des temps modernes. D’ailleurs nous devrons créer la seule associaion qui reste à être créée "Les Amis des Sapeurs Pompiers"

    Venons en à la lutte contre la coruption qui semble relever d’un travail de sysiphe. Or pourtant ! Il faut de petits simples gestes. Je propose au Maire Ouagadougou d’arrêter "d’attraper les VTT des élèves". Le fabricant n’a pas mis de phare sur ce vélo. Qu’il arrête de traumatiser les enfants. J’irai jusqu’a lui suggérer d’arrêter toute contravention sur les bicyclettes. Il est inadmissible qu’un cycliste qui vient de la campagne soit délesté de sa pintade ou de sa poule, ou un élève ou un étudiant qui se démerde, pour cette affaire de phare. Je mesure certes les risques d’un vélo sans phare. Mais il faut éviter de punir quelqu’un parce qu’il est pauvre. Cette petite corruption de toutes les façons ne rentre pas dans les poches de la municipalité et le Maire le sait bien. En tout cas les cyclistes, le béniront, s’il déclarait le territoire de sa municipalité "zone franche pour les bicyclettes". Par contre, qu’il redouble d’efforts pour imposer les véhicules à moteur. Qu’il ne perde pas courage pour le premier échec essuyer à l’AN. Il a le bon sens avec lui et il vaincra, tôt ou tard !

    Deuxièmement, le temps est le principal allié de la corruption. Pourquoi dans un service, un usager qui vient demander un service ne se verrait pas remis un récipissé de réception et le service intérieur avec une fiche de suivi du dossier. Chaque chef de service verra là où sa bloque. Et si ça coinçait l’on verra. Ainsi, une secrétaire qui reçoit un dossier ne s’arrogerait pas le droit d’"oublier" le dossier dans le tiroir parce que l’usager "n’a pas mis un caillou dessus". La révolution avait expérimenté cette pratique. Dépoussiérons les bonnes pratiques à notre profit. Par contre si tu brûles un feu, si tu conduis sans permis ou autre délit qui met en danger la vie d’autrui, l’amende doit être dissuasive. Il faut par exemple garder le fautif toute la demi journée, amener l’engin au Commissarat Central, mais que la contravention soit payable à la police municipale. Cela diminuera les interventiions, somme toute logique, mais le coupable perdra tellement de temps, qu’il réfléchira par deux fois à vouloir gagner 5 secondes en brûlant un feu.

    Si l’on élimine la petite corruption, la base des personnes non corrompues sera si large, qu’ensemble, nous n’accepterons pas la grande. Mais comme chacun prend 200F par ci par là, chacum semble trouver son compte.

    Pour terminer, pourquoi les institutions qui luttent contre la corruption ne lancerait pas un appel pour recencer les petites idées de lutte contre la corruption. Ainsi leur rapport comporterait des propositions de solutions concrètes aux décideurs. Par exemple, quand on entre dans un bureau ou la personne affiche très visiblement une affiche contre la corruption, on réfléchit plus de 7 fois avant de lui proposer des choses tordues.

    Je crois que chacun doit proposer des solutions si petite soit-elle pour la lutte. Autrement le constat et les récriminations, pas même la volonté du PF, ne serviront à rien.

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