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Faune : des potentialités méconnues à l’Est du Burkina

Publié le lundi 16 mai 2005 à 07h25min

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Le Projet d’appui aux unités de conservation de la faune (PAUCOF), en collaboration avec la direction de la communication et de la presse ministérielle de l’Environnement et du Cadre de vie, a organisé du 9 au 12 mai 2005, une excursion dans les zones de chasse de l’Est à l’intention des journalistes des organes de presse.

Dénommée "Presse Safari", l’excursion, qui a regroupé une douzaine de journalistes, a pour but de contribuer à une large diffusion de la politique et des règles de gestion de la faune du Burkina. En outre, elle a également permis aux journalistes de découvrir, entre autres, les potentialités fauniques et les systèmes de gestion des concessions de chasse et de cerner les acteurs impliqués, leur organisation et le rôle de chacun d’eux dans la gestion de la faune.

Une faune relativement abondante et diversifiée en dépit des aléas climatiques. On estime le réseau d’aire de protection faunique à environ 3 061 950 ha où on y dénombre 128 espèces de mammifères, 447 espèces d’oiseaux et 60 espèces de reptiles avec des densités relativement importantes pour certaines espèces tels le buffle, l’éléphant, etc.

A en croire le directeur provincial de l’Environnement et du Cadre de vie de la Kompienga, M. Gustave Yaméogo, la région de l’Est abrite les trois quarts (3/4) du potentiel faunique du pays. En 1996, l’État a engagé une réforme des systèmes de gestion avec pour ambition la gestion durable de cette faune et de ses habitats dans un partenariat avec les opérateurs privés et les populations.

Les principaux aspects de cette réforme sont entre autres, l’institution du système de concession des aires fauniques, l’organisation spatiale de ces aires en Unité de conservation de la faune (UCF), l’implication des opérateurs privés, la responsabilisation des populations locales.

Des efforts ont donc été consentis pour renforcer les capacités de l’administration en charge de la faune, la professionnalisation du secteur privé, l’organisation des populations vivant autour de ces aires et l’amélioration de la productivité des aires.

Ces différentes actions ont eu pour effet, l’amélioration du potentiel faunique, l’augmentation des retombées issues des produits de la faune, le renforcement de la notoriété du Burkina en matière de faune sur le plan international, etc. Mais en dépit de ces résultats, la gestion de la faune reste confrontée à des difficultés limitant l’impact des ressources sur le développement socioéconomique du pays. Difficultés liées au braconnage, aux activités agricoles dans les aires de faune, l’élevage, la faible adhésion des nationaux aux politiques et actions de gestion de la faune, etc. Cette situation serait due en partie à l’insuffisance de la communication sur les politiques et stratégies développées en la matière. D’où l’organisation de Presse Safari.

Le braconnage, difficulté commune

Au cours de cette excursion, les journalistes ont pu certes voir quelques espèces de la faune des aires visitées, mais ils ont également échangé avec les différents acteurs impliqués dans la gestion de la faune.

Franck-Alain Kaboré

La première étape a été Pama dans la province de la Kompienga où on dénombre plusieurs concessions de chasse : Pama Sud, Pama Centre-Sud, Konkombouri et la zone présidentielle. Mais c’est Pama Centre-Sud (la concession Yeryanga) qui a accueilli les membres de l’expédition accompagnés de responsables chargés de la gestion de la faune. 16 Comités villageois de gestion de la faune (CVGF) sont impliqués dans la gestion de la faune à Pama dont 6 pour la concession Yeryanga (Pama Centre-Sud) tandis qu’à Ougarou dans la province du Gourma, ils sont 19 comités. Le projet d’appui aux Unités de conservation de la faune, qui est le principal acteur, les appuie par des actions de formation et des financements pour le développement local.

Les comités villageois qui sont les représentants des villageois apportent leur concours aux techniciens chargés de la gestion de la faune et aux concessionnaires dans la lutte contre le braconnage. Ils bénéficient en retour des retombées. Lorsqu’il y a une saisie, une part du butin leur est reversée. Ils reçoivent également trois quarts des carcasses d’animaux tués par les chasseurs (ceux qui chassent pour les trophées).

Cette viande est vendue sur le marché des villages et l’argent versé dans un fonds également alimenté par les contributions des concessionnaires. Ce fonds géré par les comités villageois de gestion de la faune sert à financer des réalisations socioéconomiques. Que ce soit à Pama Centre-Sud ou à Ougarou, le problème du braconnage (une difficulté commune à toutes les zones de chasse) a été largement abordé.

Le phénomène, qui serait nourri par les villes, semble très difficile à combattre, selon les responsables en charge de la gestion de la faune et des concessionnaires, du fait de la complicité avérée ou non des populations. Selon le directeur provincial de l’Environnement et du Cadre de vie de la Kompienga, les braconniers qui viennent souvent des villes logeraient dans les villages pour pouvoir accomplir leur sale besogne. Ils tueraient tout sans discernement alors qu’il faut opérer des choix, notamment les mâles. "Les populations sont leurs complices car certaines d’entre elles les logent et les nourrissent.

Forcément elles les connaissent. Nous avons acheté des vélos pour les comités villageois afin de faciliter leur travail de surveillance. Aucun d’entre eux n’est déjà venu dénoncer un braconnier...", affirme Franck Alain Kaboré, propriétaire de Neerwaya Safari Ougarou dans le Gourma (il est concessionnaire de deux zones de chasse).

Manque de statistiques sur le potentiel faunique

A cette difficulté, il faut ajouter le fait que les populations conduisent leurs troupeaux dans les aires à la recherche de pâturage ou s’y installent pour des activités agricoles. Maurice Bardet, propriétaire de la concession Yeryanga (Pama Centre-Sud) ne passe pas par quatre chemins pour soutenir que ce n’est pas pour des activités agricoles mais pour faire du braconnage. Des animaux comme les éléphants causent parfois des dégâts. Si un cas se présente, les autorités locales ordonnent alors un constat pour estimer les dégâts et la victime est par la suite dédommagée.

Mais les populations dénoncent la lenteur mise par l’administration pour dédommager les victimes. Toutes ces difficultés ternissent parfois les rapports entre populations et concessionnaires ; même Maurice Bardet affirme ne pas avoir de conflits directs avec elles. Il souligne plutôt le manque de relation entre lui et les populations. "Nous contribuons au fonds des comités villageois, mais est-ce que les populations le perçoivent ? Il faut que les comités fassent des efforts pour expliquer l’utilisation du fonds. Il faut également expliquer aux populations pourquoi elles ne doivent pas entrer dans les aires de chasse pour tuer les animaux ou couper du bois...", relève-t-il.

Mais à en croire les responsables des CVGF, il existerait au niveau de l’UCF, des concertations où malheureusement on ne voit pas très souvent les concessionnaires. L’abondance de la faune est fonction de l’aménagement de l’habitat où l’eau est le premier élément important. Aussi des efforts sont faits dans les aires de chasse pour que l’animal ne fasse pas plus de 5 km pour trouver de quoi s’abreuver. Des forages équipés de pompes sont réalisés pour alimenter les mares ainsi que des salines artificielles sont créées en plus de celles naturelles. L’entretien général de l’habitat est fait avant chaque campagne. Des feux de brousse sont faits par endroits pour provoquer la régénération de la végétation. Mais on préserve certaines parties pour la reproduction ou pour servir de refuge.

Il n’existe pas de statistiques sur le potentiel faunique de la zone. Mais selon Maurice Bardet, un inventaire fait en 2004 dans le parc W qui couvre le Bénin, le Burkina et le Niger a permis de dénombrer environ 4 600 éléphants (mais plus de 5 000 selon lui). A Pama Centre-Sud, il estime qu’il y a environ 600 cobas et autant de buffles, 20 à 25 lions. Parmis les espèces fauniques, il y en a comme l’éléphant, l’hippopotame que certains d’entre nous ont vu de près pour la première fois... qui sont intégralement protégées.

Cette excursion a été parrainée par l’Assemblée nationale d’où la présence parmi les membres de l’expédition de parlementaires. Ceux-ci se sont limités seulement à l’étape de Pama Centre-Sud. Cette sortie a été enrichissante pour les journalistes car elle leur a permis de découvrir le fonctionnement des concessions de chasse et le rôle des comités villageois dans la gestion de la faune et une partie de la faune. Même s’ils n’ont pas vu toutes les espèces, ils ont pu apercevoir quelques-unes dont des éléphants, des phacochères, des cobas, des cobs de buffon, un lion...

Etienne NASSA
nassa_parate@yahoo.fr


Encadré

La région de l’Est a été arrosée par une pluie deux fois avant l’arrivée de Presse Safari. Aussi les pistes à l’intérieur des aires étaient difficilement pratiquables. A Pama Centre-Sud, le trajet se faisait à certains endroits, à travers la brousse pour éviter de s’embourber. Mais notre véhicule le fut et à plusieurs kilomètres du campement. Il fallait alors descendre pour l’extirper de la boue. Ce ne fut pas facile mais on y parviendra quand même. Il nous aurait fallu du temps pour avoir du secours. Trois véhicules ayant servi au transport de la "troupe" (à raison de 8 dont un pisteur et le chauffeur par véhicule), il a été décidé que chaque véhicule aille dans une direction donnée pour multiplier les chances de voir plus d’animaux.

A Ougarou, le responsable de l’expédition lui n’a pas pris de risque. "Nous irons en convoi parce que si l’on se sépare, des gens risquent de rester en brousse en cas d’embourbement", a-t-il décidé avant le départ qui a eu lieu à 5 heures du matin. Il n’y eut pas d’embourbement mais ce fut l’expédition la plus difficile car il y avait des endroits où il était impossible de traverser avec des hommes dans le véhicule. Alors, le passage difficile est franchi à pieds et les chauffeurs se débrouillent pour passer.

Franck Alain Kaboré est un mordu de la chasse. Il la pratique depuis 30 ans. Aujourd’hui il dit avoir arrêté pour se consacrer à la promotion de ses concessions (il en a deux). "Cette activité n’est pas ma profession. Je suis entrepreneur. Je suis venu seulement dans le domaine par passion". Il a en projet la réintroduction dans la zone, des espèces disparues ou inexistantes.

Mais il dit attendre de voir clair dans les investissements qu’il a effectués sur ses concessions. "Le projet va me coûter 200 millions. Si on n’a pas le soutien de l’Etat ce ne sera pas facile. Il faut que l’Etat respecte ses engagements. Il a promis de nous exonérer de certaines taxes mais jusqu’à présent nous n’avons rien vu", dit-il. Il appelle les opérateurs économiques à investir dans l’activité. "On dit que Franck Alain s’est accaparé des concessions. Il y a toujours des concessions à prendre. J’ai racheté la zone d’Ougarou à 100 millions, il y a neuf ans. J’y ai opéré quelques investissements. Si un journaliste à 150 millions il peut acheter une concession et d’ici trois ans, il verra les résultats", a-t-il lancé aux journalistes.

Sidwaya

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