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Le petit marché au lycée : La pause entre la bouffe et les causettes

Publié le samedi 14 mai 2005 à 08h33min

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Les petits marchés ou "PM", comme les appellent les lycéens, poussent comme des champignons dans la capitale. La forte croissance du nombre d’écoles oblige les élèves s’y donnent rendez-vous avec la bouffe à la récréation, le tout couronné par des causeries bien "romantiques". Ambiance d’une recréation au petit marché du lycée Newton.

A 10 heures du matin, les cloches annoncent la récréation. Les élèves vêtus de leur uniforme sortent des classes par petits groupes. D’autres accourent vers la sortie. Là-bas, une longue file de vendeuses, adossées au mur du lycée Newton est en place depuis le matin. Leur métier consiste à livrer aux élèves des sandwiches, des gâteaux, du déguè....les unes font le ménage, mettent de l’ordre dans leurs installations. Les autres, debout, attendent impatiemment la sortie des classes. On discute, on parle de tout en attendant les habituels clients.

L’ambiance est détendue. Des rires par-ci, des coups de main par-là, les femmes échangent, se racontent des histoires "drôles" de la veille. Assises, sous un hangar de fortune, debout devant une table sur laquelle sont exposés soit des sandwiches, soit des gâteaux et des brochettes, soit encore du bissap l’attente semble on ne peut plus longue pour bon nombre de vendeuses.

Pendant que les unes bavardent avec leurs premiers clients, les autres ont plutôt l’air préoccupé, elles semblent pressées de liquider rapidement leurs produits. Kadi est vendeuse de déguè depuis la rentrée 2004-2005 aux abords du lycée Newton. "Le sourire aux lèvres, elle affirme "gagner sa vie de la vente du déguè. En tout cas, je gagne de quoi subvenir à nos besoins", dit-elle même si elle se rechigne à parler de chiffres.

Après quelques moments d’hésitation, elle se décide enfin à lâcher le morceau. "Mes recettes sont fonction du marché. Je peux réaliser par jour une recette de 20 000 F CFA. Mais, je ne saurai évaluer avec exactitude mon bénéficie je prie le sac de sorgho à 16 000 F CFA", a-t-elle laissé entendre. Les femmes réalisent donc de gros bénéfices. Les affaires marchent tant bien que mal. C’est selon...

Aux abords du lycée Newton, elles sont une dizaine, postées en quête de leur pitance quotidienne. "Ce n’est pas le temps des affluences devant le "PM" et pour cause, les élèves sont en composition de fin d’année, d’autres préparent les examens," ont indiqué des élèves, sortis pour prendre un coup de repos. Puis soudain, la conservation s’interrompt. Mme Kadi doit satisfaire une clientèle. Ibrahim M’Baye élève en classe de 6e, le sac au dos, est venue payer du déguè en compagnie de ses camarades. Kadi vient donc d’encaisser 150 F CFA et le "petit" repart tout souriant comme pour témoigner sa satisfaction. La récréation, pour lui, est gagnée."Vous savez, je ne mange pas à toutes les recréations.

Je le fais seulement quand j’ai l’estomac au talon", dit Ibrahim. Rosine Benon, le sac en bandoulière, semble partager cet avis. Et la jeune fille affirme : "je viens payer des gâteaux au PM quand j’ai faim. Parfois, il m’arrive d’envoyer des amies au petit marché. Par recréation, je peux dépenser en moyenne 150 F CFA". Souvent, on cause avec les amies à la recréation, renchérit Abiba pour qui les produits à elles vendus sont de bonne qualité. Selon Babamassi, "le PM est aussi un moment pour changer d’atmosphère et surtout des idées. Quand je suis fauchée, je reste en classe". Les filles semblent donc les "fidèles amatrices" du petit marché. Elles s’y bousculent pour satisfaire leur appetit glouton. A l’école, garder sa ligne ne semble pas être la chose la mieux partagée.

Une récréation diversement venue

Pour "tuer le temps à la recréation", les élèves ne manquent pas d’initiatives. Si certains, les nantis préfèrent passer le temps de la pause au petit marché, d’autres par contre, la majorité, restent en classe pour réviser les leçons. C’est le cas de Glawdys Kafando. Je n’aime pas sortir à la recréation. Parfois, je profite de ces moments pour réviser mes cours ou pour lire des bouquins comme "Le club des cinq", a-t-elle confié.

D’autres encore, debout ou même assis sur leur moto discutent par petits groupes ou marchent, histoire de détendre un peu les muscles. L’ambiance est plutôt bon enfant. On rit et ou se papote entre copain, pour oublier le calvaire des cours et reprendre des forces pour la suite des classes. Les élèves se racontent des histoires dignes de leur âge.

Le romantisme n’est pas exclu. La recréation qui est diversement vécue par les élèves en fonction des centres d’intérêt. "Une diversité d’autant plus utile" qu’elle permet à chacun de se "recharger l’esprit" pour mieux assimiler les cours. Les vendeuses, elles plutôt, se frottent les mains quand traqués par la faim, les élèves sont contraints de s’alimenter au petit marché. Et pendant la pause, les élèves sont donc friands de brochettes, de sandwiches, de déguè, de bissap et surtout de brochettes. Autant de mets qui les aident à "tenir" au grand bonheur des tenancières.

Moussoukoro Ouattara, le foulard attaché à l’ancienne, le visage ridé, présente des allures d’une quinquagénaire. Vendeuse de sandwiches au lycée Newton depuis 15 ans, elle a son histoire. Le pain emballé dans des sachets, des assiettes contenant de la sauce posées sur la table, assise sur un tabouret, Mme Ouattara attendaient ses clients. Elle se dit satisfaite de son métier qui plus constitue pour elle un gagne-pain. "Grâce aux économies tirées de la vente des Sandwiches, j’ai scolarisé mes enfants.

Ce que je gagne, permet de satisfaire mes besoins", a-t-elle indiqué d’un ton amical. Quoi qu’il en soit, Mme Ouattara semble être fière d’exercer ce métier. Même si elle regrette que "le marché soit maintenant bon an mal an" tout en indiquant "qu’avant, elle pouvait vendre en une matinée, 160 miches de pain en raison de 300 F CFA la miche". Soit ! Le marché a aussi ses caprices. Des hauts et des bas, ça existe dans ce milieu. Mais cela n’entache en rien la volonté de Mme Ouattara et ses sœurs de poursuivre leur activité. "Ce d’autant plus, avouent-elles, en dehors des problèmes vicissitudes . Mme Compaoré, assise sur un banc, évoque son parcours. "Grâce à la vente du pain aux abords de l’école, j’ai payé une moto P 50. Mais, ça marche plus ou moins maintenant. Je n’ai pas de problèmes majeurs avec les élèves", a-t-elle relevé tout en servant ses clients. Elle vient d’encaisser 200 F CFA, le sourire synonyme de satisfaction récipropre ,se lit de part et d’autre.
Tenir les lieux propres

Des glacières à terre, des tables de déguè ou de sandwiches exposés en plein air, c’est la santé des élèves qui est en jeu. Des mesures pour régler la vente de produits dans les écoles s’imposent. Même si les vendeuses reconnaissent la nécessité de tenir les lieux propres, il n’en demeure pas moins que leur activité menée en pleine rue quelque soit les précautions prises, ne pourra garantir le maximum de salubrité et de propreté au consommateur. Dans l’ensemble, les vendeuses s’accordent à dire que "la saleté n’est pas une bonne chose".

Car disent-elles "le service d’hygiène exige de nous, la propreté des lieux". Mais encore, faut-il disposer d’un cadre idéal pour exercer en toute sereinité son métier, de manière à préserver la santé des clients qui plus est sont des élèves. Construire des kiosques pour un métier, fût-il de l’informel, ne serait pas de trop au regard de l’urgence que cela commande. Il y va du bien-être des élèves. Le prix de la santé l’impose donc !

Nadoun S. COULIBALY (coulibalynadoun2002@yahoo.fr)
Sidwaya

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