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Les marchands ambulants : Ces colporteurs des temps modernes

Publié le samedi 14 mai 2005 à 08h42min

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S’il y a des gens qui mangent à « la sueur de leur front », c’est bien les marchands ambulants. Toujours énormément chargés de diverses marchandises, ils peuvent facilement parcourir des dizaines de kilomètres à pied par jour sans se rendre compte à la recherche du fameux "nerf de la guerre", l’argent.

Et comme le marché est saturé dans les grandes villes telles Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou et Ouahigouya, les colporteurs se déploient de plus en plus vers les villes moyennes comme Dédougou, Kaya, Banfora, Gaoua etc. Après la déconcentration du pouvoir public, c’est peut-être « la déconcentration du commerce public » avec ces "braves et courageux" camelots en province.

Malgré l’enclavement de la zone et les frais de transport très élevés, le nombre des marchands ambulants ne fait que s’accroître considérablement dans la ville de Dédougou. Est-ce un goût poussé pour l’aventure ou une recherche effrénée du profit ?

Dans leur stratégie de conquête du marché, ces marchants ambulants sont aperçus dans toute la ville et même dans les zones non loties. Dans les bureaux, ou encore des bars et restaurants et sur les places publiques, ces colporteurs des temps modernes ont le flair des affaires et se présentent partout où ils peuvent rencontrer des hommes et des femmes à même de les écouter.

Les week-ends, ce sont les quartiers populaires qu’ils prennent d’assaut à la recherche d’une clientèle pour écouler leurs produits. Il n’est pas rare qu’ils investissent les concessions pour proposer des articles défiant toute concurrence comme pour paraphraser un slogan publicitaire « Pas un pas sans marchand ambulant ». Ils sont nombreux ces marchands ambulants qui choisissent de quitter la capitale, les parents et amis pour des horizons inconnus à la recherche de l’argent.

Et pour cela, ils bravent les intempéries, soleil, vents, pluies et affrontent les épreuves de la vie. Ils ont une seule idée, un seul rêve : donner un sens à leu vie pour espérer vivre mieux un jour comme les Burkinabè de l’autre rive.

Abdoulaye Sawadogo et Hassane Konaté deux marchands ambulants qui sillonnent le pays depuis 3 ans à la recherche de leur pain quotidien, ont débarqué à Dédougou pour faire des affaires depuis un certain temps.

Affirmant connaître presque la totalité des villes moyennes du pays, ces deux amis ont un même tuteur chez qui ils déposent leurs valises. Nous sommes allés à leur rencontre au niveau de leur base. Il était 18 heures déjà lorsque nous y sommes arrivé. Abdoulaye et son binôme qui vendent presque tout, étaient en train’ de décharger leurs marchandises de leur charrette. Visiblement, ils étaient fatigués.

D’un moment à l’autre, une clientèle du voisinage est arrivée. Apparemment hésitante, elle soulève une chaussure puis un sac à main qui retient un moment son attention. Mais Abdoulaye ne la laissera pas partir, car à travers elle, il voit son "gombo frais" à arracher. Il l’oriente, la guide et la fixe sur son choix et finalement, la femme opte pour des assiettes en verre. Le marchandage commence. Le marchand explique, commente et rassure et avec humour. La cliente joue la résistante mais Abdoulaye ne désarme pas. Le marchandage prend l’allure d’une argumentation très serrée. Puis, le vendeur et l’acheteur tombent d’accord sur un prix. Visiblement chacun semblait satisfait.

Une technique agressive de marketing

Cet exercice, Abdoulaye et son ami, Hassane le pratiquent au quotidien avec leurs clients. Et la formule est bien connue des deux : « Il faut montrer l’utilité de l’article au client qui ne le connaît pas nécessairement. Il faut décrire l’article, montrer son importance et son rôle. "Ce travail permet d’attirer le client », explique Hassane Konaté. Cette approche de la clientèle, Abdoulaye et Hassane l’ont apprise lorsqu’ils étaient ensemble dans une agence commerciale à Ouagadougou. Ils reconnaissent que cette technique qu’ils utilisent donnent des résultats merveilleux. A la question de savoir pourquoi les marchands ambulants fuient la capitale pour des séjours dans les provinces, Abdoulaye répond qu’il y a trop de commerçants ambulants à Ouagadougou. Et si leur nombre a considérablement augmenté ces dernières années, cela est certainement dû au taux de chômage très élevé. Ils estiment par ailleurs, que cela est dû au fait que les fonctionnaires sont surtout entrés dans le commerce. Ces marchands ambulants ont une préoccupation majeure. Appartenant au « Q.G des Ouagalais », point de chute de la plupart des commerçants ambulants à Dédougou, Aboubacar Nikiéma et Sayouba Tiemtoré, d’autres colporteurs, souhaitent que les responsables en charge du commerce et des finances réduisent les frais de transport, de douane ainsi que les patentes pour leur permettre aussi de gagner leur vie.La galère et l’humiliation sont le lot des rancœurs vécues par ces colporteurs au cours de leurs tournées à la recherche de leur clientèle. Outre les problèmes de logement rencontrés quand ils débarquent dans une localité, ils sont le plus souvent confrontés aux humiliations et autres frustrations. Souleymane Dondassé et Boureima Sawadogo constituent un autre couple gagnant. Ces derniers se complètent à travers ce qu’ils vendent. L’un vend des chaussures et l’autre des chaussettes et des sous-vêtements. Cela n’empêche, les deux amis partagent la même galère. C’est dans la zone administrative et sous un soleil de plomb que nous les avons croisés. Ils croupissent sous la charge de leurs marchandises. Rappelant qu’ils n’ont pas de tuteur à Dédougou, Boureima explique qu’ils étaient obligés d’unir leurs efforts pour louer une maison qui leur coûte 4000 F CFA par mois.

"Cette maison est dénuée d’un quelconque confort ( eau courante et électricité)", a-t-il déploré. Des humiliations et des frustrations, les marchands ambulants en connaissent au quotidien. Ils sont la plupart du temps, chassés comme des va-nu-pieds et même traités de voleurs. Les injures les plus vexantes leur sont proférées et il n’est pas rare que ces commerçants d’une autre race soient minimisés et renvoyés comme des malfrats. Un libraire ambulant, Parfait Ky rappelle quelques propos très peu tendres de clients à son égard. « Nous sommes souvent chassés des services de la manière la plus humiliante possible", a-t-il déploré, précisant qu’un jour il a été prié d’aller loin avec ses vieux livres. C’est avec humour que Hassane Konaté, un autre commerçant ambulant raconte qu’après s’être soulagé au cours d’une de ses mésaventures dans une concession, il s’est vu traiter de violeur de petites filles et mis en garde de ne plus remettre les pieds dans cette concession. Malgré toutes ces difficultés, c’est avec fierté que Abdoulaye Sawadogo défend son métier de colporteur des temps modernes. « Avec mon travail, j’ai pu honorer les ordonnances de ma mère qui soufflait d’un cancer, même si je l’ai perdue par la suite". Il précise que c’est grâce à ce commerce qu’il a pu subvenir tant à ces propres besoins qu’à ceux des membres de sa famille sans l’aide de quelqu’un.

Les marchands ambulants cassent le marché des commerçants sédentaires

La présence des marchands ambulants est diversement appréciée par les commerçants de la place à Dédougou. Certains voient en leur activité une concurrence déloyale, d’autres par contre, estiment qu’ils se complètent pour satisfaire la clientèle. "Ils gâtent notre marché et notre commerce en prend un coup terrible", clame un commerçant de marchandises diverses, Madi Mandé qui justifie ses propos par le fait que c’est parce qu’ils ne payent ni les impôts, ni l’électricité et le loyer. Selon lui, ils cassent les prix comme ils veulent pour nuire aux autres commerçants sédentaires.

Cet avis n’est pas du tout partagé par un commerçant de postes radio au grand marché de Dédougou, Oumar Tindé qui trouve qu’ils sont Burkinabè au même titre que les autres commerçants et s’ils payent les taxes, il n’y a aucun problème. Pour lui, leur ( commerçants ambulants) présence dans la ville constitue un catalyseur qui développe le pays. "Chacun a sa chance", a-t-il lancé, soutenant qu’on doit les laisser travailler.

Rappelant que c’est le client qui grandit en royauté avec la présence de ces marchands ambulants, un client, Djéry Sidibé trouve qu’ils sont toujours chers et même trop collants. « Ils sont dérangeants quand même ! J’ai eu à renvoyer paître un d’entre eux la fois dernière", a-t-il dit.

Pourtant, M. Sidibé affirme que le seul avantage, c’est qu’on retrouve sur place ce qu’on se déplaçait pour aller chercher à Ouagadougou, même si les prix y sont nettement moins chers. "Mais il faut reconnaître que ce sont des gens très courageux qui savent se battre", a conclu M. Sidibé.

Ousseini Ouédraogo
AIB/Dédougou

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