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TOGO : Le Tocsin met à l’index l’hydre de la xénophobie

Publié le vendredi 13 mai 2005 à 07h37min

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Le Togo n’est pas sorti de l’ornière. Après une élection calamiteuse, les forces politiques en présence se sont radicalisées. S’en est suivi la mort des Togolais et des ressortissants de la CEDEAO. Dans l’écrit dont teneur suit, le Tocsin dénonce l’usage de la fibre xénophobe qu’il qualifie de couteau à double tranchant.

Pendant de nombreuses années, le Togo a connu une situation politique des plus difficiles. L’absence d’alternance et de perspectives politiques, les difficultés économiques et l’isolement du pays sous le règne de feu Eyadéma ont fini par plonger le pays dans un marasme total. Les forces de l’opposition, qui ont eu du mal jadis à exercer leur droit à la différence, ont accepté soit de composer, soit de s’exiler, soit de s’enfermer dans un radicalisme politique.

Les différentes sanctions internationales prises à l’encontre du régime n’ont jamais réussi à faire fléchir l’homme de Pya, qui gérait le pays d’une main de fer. L’Union européenne a fini par changer de stratégie, convaincue qu’aucun bras de fer ne pourrait conduire à un infléchissement de la politique du RPT. C’est alors qu’au grand dam des forces de l’opposition, elle reprit, quoique timidement, ses relations avec le Togo en acceptant de financer certains secteurs vitaux de l’économie nationale.

C’est sur ces entrefaites qu’est survenue la mort brutale du Président Eyadéma Gnassingbé, jetant ainsi le trouble, le doute et l’espoir dans l’opinion nationale et internationale. La suite est digne des pires romans de fiction. L’un des fils du défunt, en l’occurrence Faure Gnassingbé, est investi par l’armée comme nouveau président de la République, contre les dispositions de la Constitution qui stipule qu’en cas de vacance du pouvoir, le président de l’Assemblée nationale est appelé à assurer l’intérim jusqu’aux nouvelles élections.

Devant l’indignation de l’opinion internationale et la pression de l’Union africaine et de la CEDEAO, le nouveau pouvoir a tenté de donner un vernis légal au coup d’Etat constitutionnel en nommant Faure Gnassingbé président de l’Assemblée en remplacement du titulaire, qui fut invité à rendre sa démission. L’opposition togolaise, tant de l’intérieur que de l’extérieur, n’entendant pas avaler une telle couleuvre, multiplie manifestations sur manifestations et déclarations sur déclarations. La ville de Lomé se retrouve en certains de ses quartiers dans une situation quasi insurrectionnelle.

C’est alors que la CEDEAO entreprit de jouer au médiateur afin d’éviter un bain de sang qui semblait se profiler à l’horizon, tant les positions étaient inconciliables entre ceux qui exigeaient le retour à la Constitution et ceux qui voulaient imposer Faure Gnassingbé, comme l’héritier de son père, au trône.

Pris entre deux maux, la communauté internationale ainsi que la majorité de l’opposition togolaise, ont opté pour le moindre, à savoir le recours à l’application d’une Constitution jadis décriée, tant elle comporte des dispositions de nature à fausser le jeu démocratique. C’est dans de telles conditions que se sont déroulées les élections togolaises qui ont été émaillées par de nombreux incidents et irrégularités de nature à fausser ou non les résultats, c’est selon.

C’est dans une ambiance chaotique qu’intervient la proclamation des résultats qui déclara Faure Gnassingbé président de la République togolaise au grand dam des partisans de Bob Emmanuel Akitani, qui s’auto-proclame aussitôt président !

Le mal de l’internationalisation du mal

En attendant que les jours à venir permettent d’éclaircir le ciel politique togolais sur lequel s’amoncellent des nuages porteurs de menaces, le Tocsin déplore les nombreux morts intervenus et les violences dont les forces de l’ordre et certaines milices se sont rendues coupables. Le Tocsin condamne également les représailles qui ont conduit des milliers de Togolais à se réfugier dans les pays voisins (Bénin et Ghana) dans des conditions inhumaines.

A l’instar des pays en crise, les hommes politiques togolais, tant de la majorité que de l’opposition, ont permis à l’hydre de la xénophobie de redresser la tête et sont donc, à ce titre, responsables des morts d’étrangers (Nigériens et Maliens) vivant en bonne intelligence dans un pays jadis paisible et accueillant.

Ainsi, prétextant la mauvaise gestion de la crise togolaise par la CEDEAO, certains partis de l’opposition togolaise n’ont pas hésité à activer le sentiment xénophobe à l’encontre de certains ressortissants de la CEDEAO. Il s’en est suivi des actes de vendetta et de violence contre les personnes et les biens de Nigériens et de Maliens. Le parti au pouvoir, pour sa part, reprochant à la communauté européenne son scepticisme quant à la transparence des élections, est directement responsable du sabotage des installations de RFI et du saccage du Centre culturel allemand par ses partisans.

Il s’agit là d’une grave dérive dont les conséquences peuvent embraser toute la sous-région. A vouloir ainsi s’en prendre aux étrangers innocents, les hommes politiques togolais, loin de chercher une issue pacifique à une crise togo-togolaise, courent le risque de s’aliéner les populations limitrophes et d’exacerber les rancoeurs du passé. Ce n’est pas en internationalisant le mal togolais que l’on lui trouvera une solution appropriée.

Aussi le Tocsin lance-t-il un appel au calme et à la modération à tous les acteurs de la crise togolaise et les invite à choisir les voies de la non-violence pour trouver une solution à une crise politique. La politique d’intégration mise en œuvre par la CEDEAO et l’Union africaine commande que l’on protège les minorités et les migrants.

Dans une Afrique constituée d’Etats multi-ethniques, la fibre xénophobe est un couteau à double tranchant, qui peut facilement se retourner contre soi. C’est pourquoi, tout en souhaitant que la justice, l’équité et la paix reviennent au Togo, le Tocsin invite tous les acteurs politiques à plus de responsabilité et de retenue, car les intérêts politiques ne devraient jamais justifier les atteintes aux droits humains !

Le Tocsin

Observateur Paalga

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