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Togo : Choix cornélien pour l’opposition

Publié le vendredi 13 mai 2005 à 07h37min

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Fini peut-être le spectacle désolant que Lomé la capitale togolaise nous avait servi au lendemain du scrutin présidentiel du 24 avril dernier, avec une guérilla urbaine et une flambée de violences ayant causé la mort d’une vingtaine de personnes et des dizaines de blessés, selon les chiffres officiels.

En attendant la formation du "gouvernement d’union nationale" que Faure Gnassingbé, nouvel homme fort du Togo, appelle de tous ses voeux, l’opposition est en train d’étudier sa probable entrée dans l’exécutif. Déjà, le lundi 9 mai 2005, l’opposant Harry Olympio de l’opposition dite modérée et candidat à la dernière présidentielle, souhaitait, pour sa part, qu’une telle équipe gouvernementale soit mise sur pied mais sous le contrôle de la communauté internationale, dans l’intérêt de la paix au Togo.

Dans le principe, cela semble donc acquis pour l’opposition puisqu’un autre opposant, à savoir Nicolas Lawson, président du parti du renouveau et de la Rédemption (PRR), celui-là même qui avait jeté l’éponge seulement à 48 heures de la tenue du scrutin, a invité ce même lundi 9 mai à Lomé, l’opposition à entrer dans le prochain gouvernement.

Ainsi donc, Faure dans sa posture de réconciliateur, peut maintenant savourer sa flûte de champagne tant que d’autres leaders de l’opposition peuvent emboucher la même trompette et demander ce gouvernement d’union nationale ; surtout que les bailleurs de fonds et les instances internationales en ont fait une condition, voire une panacée de sortie de crise définitive, et un facteur de relance de l’économie de ce pays. Il ne s’agissait pas, pour ainsi dire, d’une vaine proposition de Faure, empreinte de propos chimériques irréalisables.

L’entrée au gouvernement, cependant, n’est pas une priorité pour Gilchrist Olympio qui aurait un ascendant politique et financier sur Bob Akitani, candidat unique de la coalition de partis d’opposition au scrutin présidentiel, et qui s’était rendu le 25 avril à Abuja sur invitation de Olusegun Obasanjo.

Malheureusement, cette rencontre tripartite (Obasanjo, Gilchrist et Faure) n’avait pas permis de dégager un accord minimal, puisqu’aucun communiqué conjoint n’avait été signé après ce tête-à-tête ; Gilchrist s’étant senti piégé dans une déclaration finale que Obasanjo, malgré tout, a lue aux journalistes présents et dont la substance se résumait ainsi : "Ils se sont mis d’accord pour que le vainqueur, quel qu’il soit, forme un gouvernement d’union nationale".

Aujourd’hui, nous y sommes et Faure jure de respecter à la lettre cette déclaration. On imagine que la décision de ces deux opposants, Harry Olympio et Nicolas Lawson, d’envisager une entrée dans le prochain gouvernement, n’a pas été du tout facile à prendre ; si tant est que les différents états-majors doivent consulter leurs bases respectives afin de légitimer pareil choix. I

l s’agit là d’une option capitale, un choix cornélien devant procéder d’une démarche tout empreinte d’intelligence et de prudence ; l’on se rappelle un certain Kokou Koffigoh, premier ministre (91-94) dans un autre gouvernement de réconciliation nationale sous Gnassingbé père ; un mandat marqué par de graves dissensions politiques ayant accouché d’émeutes au cours desquelles plusieurs Togolais avaient trouvé la mort.

La classe politique n’avait pas joué franchement le jeu de l’apaisement. Et comme en Afrique la paix dépend plus du comportement de l’élite au pouvoir (avec tous les moyens de répression à sa portée) que de l’opposition, les leaders actuels doivent mûrir leur décision. C’est sur la base de conditions minimales que l’opposition togolaise pourra tirer tout l’avantage d’une cohabitation.

Trouver des ministres de forte personnalité et des bases claires de cohabitation favorisant une application de réformes, ce sont les nouveaux défis qui attendent ce gouvernement d’union nationale dans l’hypothèse de sa mise sur pied. Mais attendons de voir. Car un gouvernement de cohabitation en Afrique est généralement un vaste piège qui se referme inexorablement sur les opposants, très vite chassés des fauteuils ministériels. Dans le pire des cas, ils débarrassent le plancher sur la pointe des pieds souillés par des compromissions.

En tout état de cause, l’opposition togolaise doit comprendre aussi qu’on peut être un artisan de la paix sans entrer forcément dans un gouvernement.

Le Pays

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