LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Présidentielle en Guinée Bissau : On prend les mêmes et on recommence

Publié le jeudi 12 mai 2005 à 08h06min

PARTAGER :                          

La cause est entendue. Après un report, la Cour suprême de Guinée-Bissau, chargée d’examiner les demandes de candidature à l’élection présidentielle du 19 juin prochain, vient enfin de rendre sa décision : ils seront 14 prétendants à prendre part à la course d’obstacles qui mènera l’un d’entre eux au fauteuil présidentiel.

Parmi les appelés, deux interdits d’activités politiques, les ex- présidents Joao Bernardo Vieira, dit « Nino », et Kumba Yala, plus connu pour son éternel bonnet rouge. Ainsi, après avoir été tour à tour chassés du pouvoir, avec pour chacun interdiction formelle de refaire de la politique, a fortiori d’être candidat à la magistrature suprême, voilà que les deux ex- présidents reviennent là où plus personne ne les attendait.

Ils ont sans doute bénéficié des multiples tractations et autres interventions supposées être à l’origine du retard enregistré par la Cour suprême dans ses délibérations. Ils ont en tout cas eu plus de chance, ou de meilleurs avocats, que l’ancien premier ministre Francisco Fadul, écarté avec six autres prétendants, sans que leur soit fournie la moindre explication.

Il faut dire qu’en Guinée-Bissau, depuis une quinzaine d’années, aucun président n’aura réussi à terminer son mandat. En effet, le pays reste marqué par une grande instabilité à la fois politique, économique et sociale ; ce qui a favorisé coups d’Etat et mutineries à répétition. La dernière en date a propulsé, le 6 octobre 2004, le général Tagmé Na Waï à la tête de l’état-major, en remplacement de son infortuné prédécesseur, assassiné par la troupe.

En fait, dans un pays qui n’a obtenu son indépendance qu’au prix d’une guerre de libération aussi longue que sanglante, l’armée demeure aujourd’hui un élément incontournable dans la gestion du pouvoir d’Etat. Et depuis la chute de Nino Vieira, recordman de la durée à la tête de l’Etat (de 1980 à 1999), l’influence de la grande muette ne cesse de croître, faisant des militaires les véritables détenteurs du pouvoir.

C’est sans doute cette conviction qui animait le nouveau patron de l’armée quand, défiant le pouvoir, il a déclaré : « Je me fiche de ce que pense le Premier ministre. De toute façon ce n’est pas lui qui est à l’origine de ma nomination ». Pour une défiance, on ne peut pas trouver mieux, ou pire, et Tagmé Na Waï voulait rappeler, à ceux qui l’auraient oublié, que le pouvoir est d’abord kaki.

Alors aucun observateur n’a été surpris lorsque, grâce au bon vouloir du fringuant général et de son gouvernement- bis, le candidat Nino Vieira, rentré en fanfare d’un exil de 6 ans, a pu en toute impunité « faire son show » au stade du 24-Septembre, où il avait débarqué d’un hélicoptère en provenance de la Guinée-Conakry, alors que les autorités civiles l’avaient pourtant déclaré persona non grata.

Quant à « Bonnet rouge », il semble, lui aussi, être revenu dans les bonnes grâces de ses concitoyens et surtout de la grande muette malgré ses trois années de gestion désastreuse du pouvoir. C’est qu’on n’oublie pas que malgré les nombreuses casseroles qu’il continue de traîner, ce civil appartient à l’ethnie majoritaire, les Balantes, et ce n’est pas rien sous nos tropiques où la donne ethno-tribale est toujours présente dans l’arène politique.

Aujourd’hui que tous les ex-présidents, ou du moins les plus en vue, ont obtenu leur ticket, il reste à espérer que pour une fois l’armée se gardera d’intervenir dans la course au pouvoir, dont le top de départ a été implicitement donné par la Cour suprême. Mais rien n’est moins sûr quand on sait qu’elle n’est pas étrangère à ce surprenant retour en grâce. Et quand le chef d’état-major se fiche du chef du gouvernement comme de sa première barboteuse, dans quelle république sommes- nous donc ?

H. Marie Ouédraogo
Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique