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M. Mark Ulrich Von Schweinitz, ambassadeur d’Allemagne : "Notre soutien à l’Etat burkinabè est multiforme parce qu’il y a la paix et la stabilité politique"

Publié le lundi 9 mai 2005 à 07h18min

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M. Mark Ulrich Von Schweinitz, 15e ambassadeur allemand au Burkina Faso est en fin de mission. Il nous parle de l’état actuel des relations, les principaux centres d’intérêts de la coopération ; l’expérience démocratique au Burkina etc.

Selon le diplomate allemand, la paix et la stabilité politique qui prévalent au Burkina sont à conserver.

L’Hebdomadaire du Burkina (HB) : Monsieur l’ambassadeur, qu’avez-vous ressenti à l’élection du Pape Benoît XVI (Josef Ratzinger) qui est votre compatriote ?

.Mark Ulrich Von Schweinitz (M.U.V.S) : Ça c’est vraiment l’actualité. Pour vous donner une réponse, je dois vous dire que j’ai deux sentiments qui m’animent : le premier sentiment est celui officiel comme fonctionnaire de l’Etat allemand, et l’autre privé parce que je suis protestant.

Donc la réaction officielle c’est la grande joie. Nous sommes heureux que l’Allemagne, après 480 années, ait un Pape. C’est un grand honneur pour notre pays. Nous sommes fiers et nous allons observer ce qui se passe dans la vie catholique du monde.

Dans la conception privée, je suis protestant et si vous connaissez l’histoire, les protestants avaient des problèmes avec le Pape. Ces difficultés existent encore. Mais ce sont des affaires religieuses, c’es très individuel, on ne peut pas donner de réponse parce que c’est très complexe.

HB : Votre pays est unifié, il y a plus d’une décennie. Quels sont les progrès réalisés et les obstacles qui restent à surmonter pour parfaire cette unité ?

M.U.V.S : Vous savez, l’unification a eu lieu en 1989, ça été vraiment un événement de l’histoire. Je ne crois pas que dans l’histoire il y a eu un tel événement où on a unifié un pays qui a été séparé pendant 40 ans et qui se développait de manière différente. Arriver à unifier l’Allemagne c’est une œuvre incroyable. Nous avons trouvé que le travail à faire était beaucoup plus difficile que prévu. Parce qu’on peut unifier l’économie, mais unifier les mentalités c’est plus difficile. On doit même dire que la population de l’Allemagne de l’Est même avant la deuxième guerre avait vécu sous la dictature avec Hitler. Alors ce sont plusieurs générations où il n’y avait pas de liberté démocratique en Allemagne de l’Est. C’est un processus mental avec lequel nous travaillons encore.

Le communisme pendant les générations a créé un marché artificiel qui n’est pas conforme à l’économie moderne. Unifier donc cela nécessite encore d’énormes sacrifices.

HB : Le chômage dans les nouveaux Länder est préoccupant. Que fait le gouvernement allemand pour y remédier ?

M.U.V.S : C’est le grand problème actuel. On cherche des solutions, mais nous ne les avons pas encore trouvées parce que c’est la mondialisation, c’est la grande Europe. Et l’Allemagne est maintenant un centre de la nouvelle Europe de 25 pays. A l’Est, les salaires sont très bas avec les Polonais, les Ukrainiens, les Russes etc. C’est cette compétition qui fait que les entrepreneurs préfèrent payer le 1/10 du salaire normal en Allemagne à ces employés bon marché par rapport à la rémunération réelle à payer.

C’est ce qui explique que la situation du chômage est préoccupante. Encore avec la modernisation de l’industrie en Allemagne de l’Est, le besoin de la main-d’œuvre a été réduit.

HB : Monsieur l’ambassadeur, vous êtes en fin de séjour après deux ans passés au Burkina. Quelle appréciation faites-vous des relations actuelles entre l’Allemagne et le Burkina ?

M.U.V.S : Je l’ai dit officiellement lors de la réception d’adieu que le ministère des Affaires étrangères a offerte à mon honneur.

Dans mon discours officiel, j’ai souligné que nos relations sont plus ou moins optimales. Il n’y a pas de problème depuis l’établissement des relations entre les deux pays en 1960. Nous avons un programme très élargi de coopération au développement. En septembre 2005 nous discuterons du programme futur. Je suis très content de cela. On pourrait peut-être intensifier un peu la coopération culturelle. Nos moyens dans cette ambassade sont limités et la coopération économique nous touche beaucoup. Mais avec l’aide de notre institut culturel à Abidjan, j’espère que les mois prochains on pourra réaliser plus qu’avant.
M. Mark Ulrich Von Schweinitz lors de l’entretien avec notre reporter T. Zoungrana.

HB : Le président Blaise Compaoré a effectué en mars 2004, une visite officielle en Allemagne sur invitation du président Rau. Signe que la coopération est au beau fixe ?

M.U.V.S : J’étais membre de l’équipe. J’étais avec le président en Allemagne. Ça été une visite très heureuse. On a fait beaucoup de rencontres à Berlin. On a initié quelques projets, on a discuté avec le ministère du Commerce des possibilités d’exportation de fruits, du problème de coton. De même avec le ministre de la Défense, on a discuté de l’équipement pour l’hôpital militaire etc. Je crois que tout est bien en ordre ; tout est là. La volonté est affichée, il faut seulement le travail et l’argent pour les concrétiser.

HB : Quel est le centre d’intérêt auquel la coopération allemande accorde plus de priorité ?

M.U.V.S : La priorité de notre coopération au développement est surtout axée sur l’agriculture, l’eau et la décentralisation.

Géographiquement nous avons décidé de nous concentrer sur le Sud-Ouest et l’Est du Burkina. C’est mieux que chaque partenaire au développement se concentre pour investir dans une région précise. Ce qui permet de mieux évaluer les progrès réalisés. C’est un système qui marche bien.

HB : L’Allemagne finance 23 % de la prestation de l’Union européenne au Burkina. Le domaine de la coopération culturelle est excellent. L’action des organisations partenaires au développement tels : La GTZ, le Ficom, le Ded, la PROMACO etc, se consolide. Qu’est-ce qui fait mériter ces faveurs au Burkina ?

M.U.V.S : Le Burkina est un des pays les plus pauvres du monde (malheureusement), nous avons nos statistiques en Allemagne où le rang du Burkina est meilleur. La stabilité et la paix sociale que le Burkina connaît constituent un atout pour s’engager dans le travail.

Cela doit constitue un exemple pour certains pays voisins. Sans la paix sociale, on ne peut pas travailler. Voilà pourquoi notre soutien à l’Etat burkinabè est multiforme. L’Union européenne est engagée ici avec une représentation dynamique et fait un excellent travail. Espérons qu’avec les élections dans les mois prochains, la situation sociale ne va pas changer.

La stabilité économique et politique du Burkina actuellement est à bien conserver.

HB : Monsieur l’ambassadeur, quelle analyse faites-vous de l’expérience démocratique du Burkina ?

M.U.V.S : Pendant mes deux années ici, j’ai trouvé qu’il y a un progrès en ce qui concerne la démocratie. Surtout je trouve que la société civile se développe énormément. Il y a des conférences, des réunions etc. Tout le monde est actif dans les décisions concernant la santé, le social, le culturel etc. Il y a une vie démocratique de la société civile et cela va crescendo car j’ai l’impression que le processus de discussion interne sur la démocratie est continu. Je crois que la démocratie va se développer encore et sans interruption.

HB : Vous quittez le Burkina en pleine année de l’élection présidentielle. Que pourrait être l’apport de la coopération allemande dans l’organisation de ce scrutin ?

M.U.V.S : C’est une question difficile. Il faut quand même de la part du gouvernement une demande claire. Une fois que la situation est claire, on peut en discuter. Le Burkina est très avancé et n’a plus besoin de l’aide dans ce secteur comme avant. Je crois que notre apport ne sera pas très grand. Parce qu’on doit laisser la responsabilité au pays de s’organiser.

HB : En Afrique, l’année électorale a toujours été une année tumultueuse. Quelle suggestion avez-vous à faire à la classe politique burkinabè pour que tout se déroule dans la tranquillité ?

M.U.V.S : (Rires). Comme diplomate, je ne vais pas donner de réponse directe. Comme je l’ai dit, la démocratie est bien avancée ici. Les responsables politiques savent ce qu’il faut faire. Ils n’ont plus besoin de suggestion. Je suis confiant qu’on va bien organiser les élections. Heureusement il y aura un bon résultat démocratique. Mais je crois que nous les donateurs nous serons très réservés en donnant des suggestions.

HB : A la veille de votre départ quel souvenir gardez-vous du pays des "Hommes intègres" ?

M.U.V.S : Le pays est pauvre. Il n’y a pas trop d’activités touristiques. Les ressources sont limitées, le climat est dur, la vie en général n’est pas facile.

L’économie est vraiment sans capacité d’exportation. Mais ce sont des "Hommes intègres" que j’ai eu l’opportunité de connaître, et j’ai eu tellement de contact avec des gens modestes, aimables, amusants, des grands amis... C’est ça le plus grand souvenir que je garde des Burkinabè.

HB : Monsieur l’ambassadeur, comment voyez-vous l’avenir des relations entre les deux pays ?

M.U.V.S : J’espère qu’on va continuer comme avant. Comme la situation économique en Allemagne n’est pas la meilleure pour le moment, les fonds disponibles sont limités. On ne peut pas beaucoup augmenter les fonds, on doit plus ou moins continuer avec les fonds disponibles maintenant. On parle de l’initiative du Premier ministre Tony Blair (Ndlr Britannique) et l’Allemagne voudrait bien le rejoindre. Tout ça, c’est un nouveau processus en discussion et espérons que ça va bien marcher.

Interview réalisée par Théodore ZOUNGRANA

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