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Afrique : Ces ex-présidents sans peur et sans reproches

Publié le vendredi 6 mai 2005 à 08h10min

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Ils ont quitté le pouvoir avec tous ses attributs, les plaisirs supposés, les honneurs et les richesses matérielles qui l’accompagnent sans y avoir été contraints et sans crainte d’être rattrapés par l’histoire. Bien au contraire, ils sont en voie d’être récompensés par l’histoire.

Ils, ce sont ces chefs d’Etat africains qui ont abandonné ou qui ont accepté de renoncer à la charge suprême soit par fidélité aux limites imposées par la Constitution, soit parce que le verdict des urnes leur a été défavorable, soit enfin parce que conscients qu’ils ne sont pas une race d’hommes prédestinés à diriger éternellement leur pays.

Plutôt que de squatter les institutions comme l’ont fait et le font d’autres après avoir juré, la main sur le coeur, de servir les intérêts supérieurs du pays, ils ont eu ce supplément d’âme propre aux grands hommes qui savent qu’à trop vouloir s’éterniser au pouvoir, ils deviennent encombrants, improductifs et cultivent le désamour du peuple. Le dernier en date à avoir accompli ce geste sublime est l’ex-président mozambicain Joachim Chissano, après plusieurs années de pouvoir.

Loin d’avoir cédé au prestige de sa fonction, il a quitté sa place sans chercher à s’y accrocher avec tous les risques de soubresauts et de chaos qui secouent certains Etats africains où règnent des dictateurs essoufflés, spécimen exotiques qui ne considèrent pas leur fonction comme une mission passagère, mais plutôt comme un métier qui exclut toute perspective de retraite, la seule étant bien sûr, la mort. Et même morts, comme c’est le cas au Togo, certains dictateurs ont eu le temps de jeter les bases d’une continuité outre-tombe de leur pouvoir, abandonnant les peuples dans le désarroi.

L’ex-président mozambicain vient d’être récompensé par la communauté internationale en se voyant confier par l’ONU, la tâche de ramener la Guinée-Bissau, un pays meurtri par les turbulences de la politique politicienne et des querelles de leadership, dans le moule du politiquement correct. Joachim Chissano rejoint ainsi le Panthéon des chefs d’Etat africains (ils ne sont malheureusement pas nombreux) qui ont compris que ce n’est pas forcément le nombre d’années au pouvoir qui font un bon président et qu’à force de tordre le coup à l’alternance, on finit par se mettre à dos et ses propres citoyens et le monde entier.
De même qu’aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années, de même un pays n’a nullement besoin d’un président à vie pour espérer des lendemains meilleurs.

Si tel était le cas, les anciens régimes communistes avec leur pouvoir gérontocratique et leur système de succession mécanique et robotisé, auraient survécu au grand vent de la démocratie qui les a presque balayés. La déconfiture du communisme mondial a démontré que tout n’était que surréalisme, dont beaucoup de pays payent aujourd’hui un lourd tribut.

Cependant, sans verser dans un optimisme béat, il ne faut pas désespérer de l’Afrique. D’autant plus que l’ex-président mozambicain a eu des prédécesseurs dans cette culture démocratique. On peut citer Léopold Sédar Senghor, Amadou Toumani Touré, Alpha Omar Konaré, l’ancien président kenyan, Daniel Arap Moï, le président namibien Sam Nujoma, Abdou Diouf, Julius Nyéréré, l’ancien président nigérian Abdoul Salami Aboubakar, Nelson Mandela, etc. Seule fausse note : le Camerounais Ahmadou Ahidjo, après avoir cédé le pouvoir à son dauphin, avait manifesté des velléités de retour en force.

Encore que Paul Biya ne donne pas aujourd’hui l’exemple d’un vrai démocrate. Toujours est-il qu’actuellement, ces ex-têtes couronnées mènent une existence tranquille, sans s’inquiéter d’être la cible de juridictions à compétences universelles, ni d’éventuelles sanctions de leurs citoyens. Bien au contraire, elles sont constamment sollicitées. Peut-être que ceci explique-t-il cela.

Combien de chefs d’Etat africains ont-ils la conscience tranquille ? Ils sont nombreux, ceux qui ont construit leur pouvoir sur des charniers, en attisant des guerres ethniques, en détournant l’argent du contribuable, en bourrant les urnes, en violant la Constitution de leur pays, en bradant les richesses nationales.

Bref, des prédateurs qui ne peuvent prétendre qu’à un Nobel de la mal gouvernance par opposition à ces anciens présidents cités plus haut et que parfois les peuples regrettent au point de souhaiter leur retour aux affaires. En attendant, ils réussissent si bien leurs nouvelles missions qu’ils ne peuvent se soustraire aux nouvelles sollicitations dont ils font l’objet. M

ême Nelson Mandela qui s’est volontairement mis en quarantaine et qui mérite assurément le repos du guerrier, se voit obligé de temps en temps d’aller au charbon, malgré son âge très avancé.

Le Fou
Le Pays

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