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Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

Publié le jeudi 28 avril 2016 à 22h11min

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Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

« Le Syndicat des Avocats du Burkina Faso (SYNAF), au sujet du putsch de septembre 2015, a déclaré le 17 septembre 2015 qu’il : « le condamne avec la plus grande fermeté.

Il appelle l’ensemble de ses militants à se joindre aux actions en cours en vue de restaurer sans condition l’ordre constitutionnel et l’Etat de droit. Il appelle l’ensemble des bonnes volontés à réunir et conserver toutes preuves de toutes infractions contre les biens et les personnes, exhorte les Avocats à conseiller, en tant que de besoin, toutes mesures ou diligences pertinentes propres à faciliter la bonne administration de la justice. Il appelle enfin les autorités de poursuite des Juridiction nationales et internationales, en particulier Madame le Procureur de la Cour Pénale Internationale à s’intéresser au cas Burkinabè, théâtre de crimes-types contre l’humanité. »

Si on peut se féliciter des poursuites engagées, il faut s’inquiéter en revanche de certains actes dont on peut raisonnablement douter de la pertinence et des conséquences qu’ils peuvent avoir sur la validité de la procédure d’une part. Il en est de même des actes de nature à violer les garanties de liberté et l’indépendance des avocats telles que consacrées par les aménagements du législateur, qui, si elles sont bafouées ne permettront jamais un procès équitable.

Les poursuites doivent absolument être exercées dans le strict respect des règles qui sont les seules gardiennes de tous, dans une République sérieuse.

Or, c’est tout le contraire qu’il a été donné de voir dans la procédure suivie depuis Lundi 25 Avril 2016 contre Maître Mamadou S. TRAORE, Avocat burkinabè.

Pour le comprendre, il faut rappeler que l’article 6 du Règlement UEMOA prescrit clairement que « les avocats ne peuvent être entendus, arrêtés ou détenus sans ordre du procureur général près la cour d’appel ou du président de la Chambre d’Accusation, le bâtonnier préalablement consulté. » Cette règle est une garantie de la liberté et de l’indépendance de l’Avocat et sa finalité est de permettre au Bâtonnier de s’assurer que sous le couvert de préventions tout à fait alarmantes ou plutôt séduisantes, l’autorité ne veuille nuire à un avocat qui fait montre d’indépendance et de liberté dans l’exercice de son magistère. On se rappelle que ce fut le cas lorsqu’un juge militaire, en 2003, avait inculpé Me Prosper FARAMA sous le couvert d’une prétendue atteinte au secret de l’instruction, avant qu’on ne réalise qu’il n’en était rien, mais qu’il était victime d’un détournement de procédure pour son esprit d’indépendance et de liberté.

Cette obligation de « consultation » du bâtonnier emporte des implications dont la principale est la communication des éléments de faits matériels qui sont reprochés à l’avocat. C’est la seule manière par laquelle le bâtonnier peut s’assurer que les faits poursuivi n’ont rien à voir avec l’exercice professionnel de l’avocat ou sa liberté et son indépendance. Cela se fait fréquemment depuis l’entrée en vigueur du Règlement UEMOA sans que cela ne pose problème.

Dans le cas de Maître Mamadou S. TRAORE, le procureur général a écrit au bâtonnier le 30 Mars 2016 pour lui dire que le juge d’instruction militaire entend poursuivre Mamadou TRAORE et qu’il le consultait à ce sujet. Il n’a indiqué nulle part les faits qui étaient reprochés à l’intéressé. Dans une réponse au procureur général le 1er avril 2016, le bâtonnier lui a demandé d’indiquer les faits matériels qui sous-tendraient une telle poursuite, sans quoi, il lui est impossible de savoir quels liens il peut y avoir avec l’exercice de la profession ainsi que la garantie de l’indépendance.

Depuis cette date, le procureur général n’a plus rien dit, ni par écrit, ni téléphoniquement…jusqu’à ce que d’abord, l’on apprenne dans un journal de la place qu’il y aurait un mandat d’arrêt. Dans une audience accordée à une délégation de l’Ordre le Jeudi 21 Avril 2016, du reste, le procureur général a déclaré être d’accord avec la lecture de l’article 6 faite par le barreau (il ne saurait en être autrement) et avoir demandé au juge d’instruction de mettre les éléments à la disposition du bâtonnier afin qu’il puisse apprécier. Curieusement, le lendemain 22 Avril 2016, Me Mamadou S TRAORE a reçu une simple convocation du juge d’instruction pour le 25 avril 2016.

C’est ce dernier jour que l’on saura, contre toute attente, que le même procureur général avait, dans une lettre datée du 1er avril 2016, donné l’ordre de poursuite au motif qu’il aurait consulté le bâtonnier et que celui-ci « a donné son opinion. » Cela est bien regrettable et de la part du procureur général et de la part du juge d’instruction lui-même, tous astreints, tout comme Me Mamadou S. TRAORE au respect des lois.

D’abord, le SYNAF constate que pour le même Tribunal, tantôt le Règlement UEMOA est considéré comme non applicable devant lui (cas des avocats de l’UEMOA éjectés de la procédure), tantôt il est applicable, mais mal appliqué. Plus précisément, il y a eu, en l’espèce, une atteinte grave et délibérée aux règles de garantie de la liberté et d’indépendance de l’avocat, essence de notre profession, le tout, sur fond de mépris de notre Ordre, ce qui est un précédent très grave et inacceptable.

Le SYNAF rappelle que c’est en vertu de la croyance en cette garantie que les avocats acceptent le sacrifice fait dans la tenue des audiences, notamment criminelles où l’Etat leur demande, hors les conditions habituelles d’exercice, de se charger de la défense de personnes à qui l’Etat doit procurer défense de par ses engagements internationaux. Si donc, cette garantie était ignorée, il ne reste plus qu’à en prendre acte et les avocats ne manqueront pas d’en tirer les conséquences le moment venu.

Ensuite, le SYNAF appelle l’autorité de poursuite à demeurer dans les références de la loi, même quand celles-ci, par ces temps de populisme, semblent dicter autre chose que ce qui est souhaité par une certaine opinion. Le but de la procédure est de parvenir à une justice équitable où tout n’est pas permis ni à l’autorité judiciaire ni aux parties et, de son respect dépendra les résultats du procès, source de paix et d’équilibre de notre société juridique.

L’autorité juridictionnelle qui a peu de respect pour les règles de procédure ne rend service à rien ni à personne, hormis peut-être, le fait qu’elle se ferait passagèrement plaisir à elle-même, ce qui, semble-t-il, est totalement étranger à sa mission. Une telle autorité serait inutile à la victime et à la justice, puisque les actes pris dans cet irrespect font peser de graves risques d’annulation pure et simple de la procédure, avec ce que cela comporte comme conséquence. Il faut se rendre à l’évidence le zèle excessif pourrait tuer le procès ou lui réserver une issue incertaine. On pourrait encore s’égosiller, le moment venu, sur l’indépendance réelle de ceux qui ont jugé si la procédure venait à être annulée.

Par ailleurs, le SYNAF qui a toujours eu pour préoccupation majeure, le respect des règles et le rejet des abus de pouvoir d’où qu’ils viennent, rappelle que c’est ce genre de libertés prise avec les règles qui a fait le lit des frustrations sous le régime déchu, et fragilisé la justice, perçue comme un serpent rampant qui mord ceux qui sont à terre et les plus faibles. Il n’y aura jamais ni gloire ni honneur à persister dans cette logique, d’autant plus que le respect de la procédure est simple et n’entrave en rien la découverte de la vérité recherchée.

En conclusion, de tout ce qui précède, le SYNAF, tout en réitérant l’impérieuse nécessité de poursuivre tous les auteurs, co-auteurs et complices des actes du putsch, dans la stricte légalité :

– Proteste et condamne le mépris délibéré et inconsidéré des dispositions garantissant la liberté et l’indépendance de l’avocat et du barreau ;

– Appelle les avocats à rester sur des positions de lutte dans l’attente des résolutions à venir afin que cessent les violations des règles de procédure, notamment celles qui entravent le libre exercice et l’indépendance du barreau ;

– Demande au Bâtonnier et au Conseil de l’Ordre de prendre toutes dispositions pertinentes pour le strict respect de tout le Règlement UEMOA, en particulier, ses dispositions relatives à la garantie d’indépendance du barreau et de l’avocat ;

– Reste attentif sur les suites à donner aux présentes. »

Défendre, se défendre, toujours servir

Ouagadougou, le 26 Avril 2016.

Le Secrétaire Général

Batibié BENAO

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Vos commentaires

  • Le 29 avril 2016 à 10:53, par ALAHADJI En réponse à : Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

    Décidément c’est grave ! A croire que tous les juges du Burkina Faso sont des incompétents ! Annulation de mandats d’arrêt pour vice de procédure par-ci, opposition des avocat à l’arrestation d’un bâtonnier pour vice de procédure par-là !! Sita SANGARE est-il si carrent ?

  • Le 29 avril 2016 à 11:29, par Pagomziri En réponse à : Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

    On s’en moque de vos gros mots, on veut tout simplement la vérité sur le putsch manqué.

  • Le 29 avril 2016 à 12:40, par maatche En réponse à : Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

    Un écrit très difficile à comprendre. S’il faut utiliser des phrases aussi complexe, vaut mieux ne pas publier sur internet ou alors il faut choisir un site dédié au corps.
    Ce que moi je veux comprendre, est-ce que l’indépendance de la justice concerne aussi la justice militaire ? si oui, votre revendication ne doit pas de s’adresser aux autorités gouvernementales, mais à vos collègues de la justice militaires. Sinon là-là, vous demander aux autorités de faire fis de la l’indépendance de la justice et de résoudre ce problème de procédures entre avocats. Ce qui est sûr et certain, si chacun ne fait pas de sacrifice, ce pays n’ira pas loin !!! De revendication en revendication, de menace en menace, vous laisserez un pays pauvre à vos enfants et cela est dommage !!

  • Le 29 avril 2016 à 13:52, par lemonument En réponse à : Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

    Chers avocats, nous savons que votre corporation est puissante et même très puissante ; mais vous n’allez pas tromper personne ; pourquoi prendre un seul alinéa de l’article et le commenter ;
    Voici l’intégralité de l’article 6 de votre règlement N°5/CM/UEMOA

    Les Avocats, dans m’exercice de leur profession, bénéficient de l’immunité de parole et d’écrit.

    Ils ne peuvent être entendus, arrêtés ou détenus, sans ordre du Procureur Général près la Cour d’Appel ou du Président de la Chambre d’Accusation, le Bâtonnier préalablement consulté.

    Les cabinets d’avocat sont inviolables.Ils ne peuvent faire l’objet de perquisition qu’en présence du Bâtonnier en exercice dûment appelé ou de son délégué.
    Conclusion : Me Mamadou TRAORE a t-il été arrêté dans le cadre de l’exercice de sa profession ? si non, je ne vois pas en quoi le Bâtonnier doit être consulté ; Pour finir les juges militaires ont suivi la procédure en ce qui le concerne ;
    C’était ma contribution au débat ;

    Signé lemonument

  • Le 29 avril 2016 à 14:18, par jo l’indien En réponse à : Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

    Enfin le message tant attendu est arrivé ; Après l’avocat Français Me Pierre-Olivier Sur, c’est au tour du SYNAF ; j’aimerais faire une appréciation ; Si je lis l’article 6 cité tout haut, il insinue que le Bâtonnier doit être consulté ; C’est donc clair, il s’agit d’une consultation simple ; Donc le fait de ne pas le consulter n’est pas une cause de nullité ce qui n’entache en rien son incarcération ;
    Je suis d’avis avec l’internaute lemonument car la consultation du Bâtonnier se fait lorsqu’il est poursuivi pour des faits commis dans l’exercice de sa profession d’avocat et ce, pour garantir son indépendance ou bien faire un coup d’Etat relève aussi des actes de la profession de l’avocat ; C’est donc dire que votre défense a mal débuté ; laissez la forme et attaquez vous au fond ; et je puis vs assurer que vs ne gagnerez pas cette procédure en vs basant uniquement sur des vices de procédure

  • Le 29 avril 2016 à 14:29, par Cheikh En réponse à : Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

    Il faut arrêter avec ces histoires de procédures qui nous pénalisent et qui font que notre justice est lente et tortueuse. C’est justement pour çà que les anciens dossiers tels ceux de Sankara et de Norbert n’évoluent pas. Nous voulons au contraire des méthodes rapides et pragmatiques comme celle de TRAORE Mamadou. C’est à dire dès les premiers soupçons, il faut agir énergiquement et laisser ensuite les procédures suivre leurs cours. Sinon au Burkina, on ne s’en sortira jamais en matière de justice. Bravo pour cette arrestation, et vivement qu’elle serve désormais d’exemple, pour nous permettre d’extirper rapidement tous les indélicats, afin de purifier notre société.

  • Le 29 avril 2016 à 15:33, par Le Peuple En réponse à : Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

    Si ce qui est dit est avéré, il faut alors dessaisir les magistrats militaires de ses dossiers car, peu expérimentés face à des dossiers aux enjeux nationaux. Rien d’étonnant. Des magistrats pationnés de foot, ça ne peut rien donner. Si dans ton métier, tu as le temps de te consacrer à un autre métier au point de diriger la fédé, c’est que tu ne te consacres plus à ton métier. Or, tous les métiers évoluent dans le temps : les méthodes, les techniques, les stratégies, les contre-stratégies, etc. Le foot même évolue. Qu’en sera-t-il du droit ?

  • Le 29 avril 2016 à 16:09, par lelle En réponse à : Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

    Chers avocats gardez vos énergies pour le procès ; au lieu de chercher à convaincre LES MAGISTRATS MILITAIRES, c’est l’opinion vs voulez convaincre ; ns ne sommes pas dupes ; Me TRAORE sera jugé un point c’est tout, n’en déplaise à ses FILLEULS (B.C, BBB, )

  • Le 29 avril 2016 à 16:13, par moine En réponse à : Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

    je suis d’accord avec l’internaute 4 alias Le Peuple ; Les magistrats militaires commencent à me décourager ; à regarder leur condition de recrutement pour être magistrat, je suis découragé ; et pire, après on les envoie faire la guerre à la place du Droit ; c’est normal qu’ils oublient leur droit et deviennent des passionnés de foot

  • Le 30 avril 2016 à 10:58, par KA.O. En réponse à : Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

    @ Le Monument. Tu n’as absolument rien compris à l’article 6 du Règlement communautaire de l’UEMOA. Il faut encore une explication didactique d’un juriste éminent comme me Kéré pour que tu puisses comprendre. La culotte est plus grande que ta taille. le débat est plus haut que toi. C’est technique et tu n’es pas initié. Ce n’est pas ta faute.
    Malheureusement, s’il intervient, des internautes comme Ka, Somé, vérité n° 1 qui ne comprennent rien dévient le débat sur l’article 37 et le Sénat. KA.O.

  • Le 5 mai 2016 à 20:09, par Figo En réponse à : Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

    « les avocats ne peuvent être entendus, arrêtés ou détenus sans ordre du procureur général près la cour d’appel ou du président de la Chambre d’Accusation, le bâtonnier préalablement consulté. » Maintenant que le Procureur général affirme avoir été consulté et dispose de correspondances échangées avec votre bâtonnier, que dites vous ? Allez-vous l’obliger à démissionner (le bâtonnier) ou allez-vous présentez vos excuses au procureur et au peuple ?
    Même quand on est habituer à tordre la vérité pour vivre, il faut faire attention car le peuple est aujourd’hui éveillé et suit tout.

  • Le 6 mai 2016 à 04:24, par Kere KA.o En réponse à : Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

    Me Kere , alias KA.o, ce n’est pas Somé, mais SOME. Un peu de respect pour le nom de famille de milliers de tes concitoyens. tu as peur d’ expliquer ou quoi ? Il n’ y a pas que ces 3 personnes qui lisent lefaso.net.

  • Le 6 mai 2016 à 15:01 En réponse à : Incarcération de Me Mamadou Traoré : Le Syndicat des avocats du Burkina dénonce une violation des règles de procédure

    Pourquoi ces avocats voudraient- ils se prendre pour des intouchables ? Vous avez fait les etudes plus que qui ? Vous etes plus intelligents que qui ? La loi c’est la loi. Qui que tu sois.

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