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Rélations Nord-Sud : Faut-il réinventer Bandung ?

Publié le mardi 3 mai 2005 à 08h03min

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La Chine peut devenir un contre-poids à l’imperium américain. Au regard de l’agitation et même la panique de l’Europe et des Etats-Unis avec la fin de l’accord multifibre, le moins que l’on puisse dire, c’est que la Chine fait peur par sa puissance économique. Américains et Européens s’entre-déchirent pour vendre des Airbus et des Boeing, tout en se recroquevillant sur les produits de l’Empire du milieu.

Mais peut-on résister face à un rouleau compresseur aussi énorme dont la marche est, de surcroît, réglée par l’OMC à laquelle adhèrent ces mêmes pays riches ? Mais, aussi forte soit-elle, la Chine a besoin d’autres partenaires animés du même désir de voir la domination américaine s’arrêter. L’Inde, à ce titre, apparaît comme l’alliée naturelle de la Chine.

Puissance émergeante, l’Inde dispose de l’arme nucléaire, s’impose de par sa population et affiche son indépendance vis-à-vis des puissances occidentales. Elle a décliné l’aide humanitaire occidentale lors de la catastrophe du Tsunami. En retour, elle ne siège pas au Conseil de sécurité de l’ONU. Or un tandem Pékin - New Delhi peut aider à rétablir cette injustice, d’autant que les deux capitales ont des griefs contre l’Amérique en ce qui concerne l’aide qu’elle apporte au Pakistan et à Taïwan.

Les vues indo-chinoises peuvent aussi converger par rapport à l’esprit de la conférence de Bandung qui reste d’actualité. Surtout, face à un George Bush conquérant. Comme l’a écrit si justement Jean Lacouture, journaliste et écrivain français, "le système Bush est bien fait pour susciter, tôt ou tard, d’autres Bandung".Les dix principes formulés en 1955 par les 24 participants sont un hymne à la coexistence pacifique et au respect des règles internationales incarnées par l’ONU.

Ces retrouvailles afro-asiatiques pour un monde plus juste ne relèvent donc pas d’un passéisme. Les noms des pionniers de Bandung pourraient encore galvaniser les peuples d’Afrique et d’Asie confrontés aux mêmes défis du développement : Sukarno, Nehru, Nasser... Enfin, un élément qui pourrait rapprocher davantage les deux pays, c’est leur appartenance aux pays dits du Sud.

Tous ces facteurs peuvent permettre à l’Inde et à la Chine de fédérer autour d’elles les nombreux pays, à travers le monde, qui s’estiment écrasés par l’Amérique.

L’Afrique, particulièrement défavorisée par les relations internationales actuelles, pourrait trouver en ce tandem Inde-Chine un partenaire sûr. Si les Indiens sont quelque peu timides, les Chinois opèrent, eux, une véritable percée diplomatique en Afrique. Bien sûr, l’insatiable appétit de la Chine en matières premières l’oblige à explorer de nouveaux marchés et la concurrence avec Taïwan (qui compte des pays amis en Afrique), la contraint à plus d’activisme sur le terrain.

Mais dans leurs rapports avec le continent noir, les dirigeants chinois appliquent le "win-win" (gagnant-gagnant) où, dit-on, aucun partenaire n’est grugé. La Chine, à ce titre, veut se démarquer du modèle occidental de coopération, dont on connaît les limites. La Chine dépense sans compter, en Afrique et, surtout, sans imposer toutes ces conditionnalités qui alourdissent les procédures de décaissements de fonds.

En quelque 5 ans, elle a annulé 10 milliards de dollars de dettes africaines. Elle multiplie les gigantesques projets d’investissements (900 millions de dollars investis en Afrique en 2004), renforce ses échanges commerciaux avec l’Afrique (ils ont explosé et atteint 700% depuis 2000 et se chiffrent à plus de 20 milliards de dollars en 2004, selon Jean Christophe Servant, journaliste).

Sur le terrain du maintien de la paix, Pékin est sur les théâtres d’opération africains avec plus de 1500 Casques bleus. On note aussi que les dirigeants chinois militent fortement pour un siège africain au Conseil de sécurité.

En somme, la Chine et le continent africain semblent marcher dans la même direction, au regard de la convergence de leurs intérêts. Mais ce partenariat a des limites. La Chine sera considérée comme un paravent contre l’Amérique tant qu’elle n’empruntera pas les mêmes chemins de domination. Or, déjà, la puissance chinoise commence à porter préjudice à certains pays africains, notamment sur le plan du textile.

L’offensive diplomatique et commerciale de la Chine, pour avoir la totale adhésion de l’Afrique, doit donc s’exercer de façon sélective et être différente de celle des puissances occidentales. C’est la clé d’un soutien franc, pour un rééquilibrage des relations internationales.

Le Pays

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