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Siaka Bayoulou, secrétaire général du Syndicat national de la garde de sécurité pénitentiaire : « Nous donnons le temps au gouvernement de réfléchir… »

Publié le vendredi 22 avril 2016 à 00h26min

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Siaka Bayoulou, secrétaire général du Syndicat national de la garde de sécurité pénitentiaire : « Nous donnons le temps au gouvernement de réfléchir… »

Depuis le 13 avril, le personnel de la garde de sécurité pénitentiaire n’escorte plus ou n’extrade plus les prisonniers en direction des palais de justice. Il n’accepte pas non plus les déferrements des délinquants en provenance des commissariats de police et de la gendarmerie. Ils sont en grève pour exiger du gouvernement la signature de deux décrets signés en conseil des ministres depuis 2015. Le secrétaire général du Syndicat national de la garde de sécurité pénitentiaire(SYNAGSP), Siaka Bayoulou nous explique les mobiles de cette lutte à travers cette interview qu’il nous a accordée à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou.

Lefaso.net : Qu’est-ce qui explique ce mouvement d’humeur chez le personnel de la garde de sécurité pénitentiaire ?

Siaka Bayoulou : Ce mouvement a démarré depuis le 13 avril 2016. Nous ne nous attendions plus à un mouvement d’humeur parce que cette situation est liée à des décrets qui ont été adoptés en conseil de ministres. Nous ne pensions donc plus que la signature poserait problème. Malheureusement quatre mois après, le gouvernement n’a pas voulu jouer franc jeu. C’est ce qui entraine les frustrations des agents et qui a abouti à la suspension d’un certain nombre d’activités.

Quels sont ces décrets qui attendent signature ?

Il faut d’abord rappeler que depuis le vote de la loi portant statut de personnel de la Garde de Sécurité Pénitentiaire depuis juillet 2014, aucun décret d’application n’a été adopté, si ce n’est en décembre, sous la transition, que deux décrets à caractère financier ont été adoptés. Malheureusement la transition n’a pas pu signer ces décrets avant de partir.

Lorsque les nouvelles autorités sont arrivées, nous avions eu la promesse que les décrets seraient signés en vertu du principe de continuité de l’administration. Quatre mois après, le discours du gouvernement a tendance à changer et c’est ce qui a entrainé la frustration des agents. Il s’agit du décret portant classement indiciaire du personnel de la garde de sécurité pénitentiaire et celui portant grille indemnitaire du personnel de la Garde de sécurité pénitentiaire.

Avez-vous des contacts avec les nouvelles autorités ?

Nous avons eu plusieurs contacts avec notre ministre de tutelle (Ndlr. Réné Bagoro). Dès sa prise de fonction il a reçu tous les syndicats du ministère dont le nôtre. A cette occasion, nous avions tenu à attirer son attention sur le fait que la signature de ces décrets constituait une priorité parce que dans les rangs, il y avait déjà du bruit. L’engagement avait été pris et promesse avait été faite que la signataire ne poserait pas problème. Quatre mois après, nous sommes toujours dans le statu quo.

D’autres rencontres ont eu lieu à l’initiative du syndicat pour s’enquérir de l’évolution du dossier. Mais le discours a toujours été flou en ce sens que cela ressemblait à un refus du gouvernement à rendre effectifs ses engagements. Lorsqu’on dit que le gouvernement va signer sans vous préciser dans quel délai, cela ne peut convaincre les gens qui ont vu d’autres décrets qui ont été adoptés à peine deux semaines et signés.

Que dit concrètement le gouvernement face à votre situation ?

S’il y avait un message clair du gouvernement, on ne serait pas à cette situation. Mais le gouvernement nous dit simplement que ça sera signé et c’est le même discours depuis sa prise de fonction. Mais a-t-on besoin de quatre mois pour signer deux décrets , à partir du moment où il ya plusieurs conseils de ministres au cours desquels des actes ont été adoptés, mais qui ont fait l’objet de signature. Tout cela nous a amené à penser que le gouvernement manque de bonne foi et de langage de vérité.

Beaucoup d’agents estiment avoir consenti des sacrifices jusqu’à l’adoption des deux décrets. Mais visiblement ce n’est pas encore le bout du tunnel, quel est justement l’état d’esprit des GSP actuellement ?

Nous avons l’impression que le gouvernement ne prend pas notre problème au sérieux. Prenons le cas des commissions qui ont été mises en place pour préparer ces décrets, au départ deux scénarios ont été proposés au gouvernement. Et c’est le scénario à minima qu’il a été retenu, tout en tenant à raboter certaines indemnités. Malgré tout cela, nous avons accepté. Ensuite, la commission a proposé la prise d’effet devrait être à partir de janvier 2015.

Là également le gouvernement nous a opposé le fait que pour des raisons budgétaires, il ne pouvait pas rendre effectif ces décrets si toutefois, cela devrait prendre effet à partir 2015. Nous avons alors fait des concessions en acceptant que cela prenne effet à partir de janvier 2016. Mais jusqu’à présent, nous ne comprenons pas que malgré toutes ces concessions, le gouvernement ne veuille pas signer ces décrets. Cela ressemble à un mépris de la part de ce corps qui n’est pas considéré comme important dans le fonctionnement de la justice. C’est le sentiment que beaucoup d’agents ont par rapport à la gestion de cette situation.

Quelles sont les incidences de la grève ?

Comme conséquence de ces deux acticités. Tous ceux qui sont détenus dans les différents établissements pénitentiaires et qui devraient faire l’objet de jugement, ces jugements sont reportés. Ceux qui devraient être entendus par le juge et qui sont détenus, la procédure sera ralentie.
Ils ne verront pas le juge. Il y a aussi le fait qu’au niveau des violons de la gendarmerie et des commissariats de police, ceux qui sont en attente d’être déférés dans les différentes maisons d’arrêt et de correction resteront là-bas, jusqu’à nouvel ordre, jusqu’à ce que le gouvernement discute franchement avec nous.

Comment le mouvement est suivi ?

Les deux activités suspendues, l’escorte ou d’extradition en direction des palais de justice, et les déferrements des délinquants en provenance du commissariat de police et la gendarmerie, sont respectées à 100% dans tous les établissements pénitentiaires du pays. Vous pouvez vérifier partout.

Un service minimum est-il assuré ?

Je relativise, pour moi les activités suspendues sont secondaires à nos activités principales. Les services de rotation pour la garde de la surveillance sont toujours menés régulièrement. C’est encore plus difficile de garder quelqu’un qui est condamné à 50 ans, à vie ou à mort, cela comporte des risques. Les détenteurs d’autorisation, continuent de venir voir leurs proches. Il y a aussi que les commissions d’application des peines au niveau des différents établissements pénitentiaires continuent de fonctionner pour aménager les peines des différents détenus. Tout cela continue normalement.

Vous ne verrez donc pas un GSP qui dort à la maison parce qu’il y a suspension de certaines activités. Ils sont tous là, tous sont à leurs postes. Nos missions ne se limitent pas à ceux deux activités suspendues.

C’est d’abord un acte de responsabilité. Nous sommes assez responsables, nous n’avons pas voulu aller à l’extrême. Avec l’ensemble des militants et du personnel, on a voulu un acte responsable. Nous posons des actes dont nous mesurons les conséquences. Nous n’avons pas l’intention de faire du tort aux justiciables, ou aux proches des détenus, mais nous voulons simplement dire à nos gouvernants que l’administration pénitentiaire compte aussi.

Quelle est la suite que vous donnerez au présent mouvement si vous n’êtes pas entendus ?

Nous ne pensons pas que le gouvernement restera dans le silence, nous poussant à l’extrême. Mais si toutefois le gouvernement estime que nous ne sommes pas importants dans la chaine de justice pénale, nous nous concerterons pour voir ce qu’il y a lieu de faire. Nous espérons ne pas en arriver là. Nous donnons le temps au gouvernement de réfléchir.
Nous sommes dans la première semaine, il y a eu des mouvements qui ont duré un mois. Tout va dépendre du gouvernement, de sa réaction.

Les maisons d’arrêt et de correction ont accueilli des détenus pas comme les autres depuis l’insurrection populaire de 2014, cela a-t-il eu une incidence sur les conditions de détention des prisonniers et sur vos conditions de travail ?

Lorsque ces autorités font l’objet d’incarcération, c’est en ce moment que nous faisons l’objet de pression pour qu’on trouve un cadre acceptable pour elles. C’est à ce moment également que ces anciennes autorités devenues prisonniers se rendent compte de nos conditions difficiles de travail. Malheureusement elles ne sont plus aux affaires.

Il arrive souvent qu’on ne comprenne pas, qu’on dise que nous favorisons certaines personnes d’une certaine couche sociale. Étant donné que nous sommes de l’administration, il y a souvent des pressions qui viennent de l’extérieur pour nous demander d’aménager leurs conditions de détention. Et cela n’est pas normal. Le paysan qui vient du fond du Burkina a aussi droit à de meilleures conditions de détention. Pour cela les gouvernants doivent prendre au sérieux les conditions de la détention. Ceux qui sont aux affaires peuvent se retrouver demain en détention, nous en avons vu beaucoup ces derniers temps. Il ne faut pas attendre d’être détenu pour demander de meilleures conditions de détention. Ça commence aujourd’hui. On ne sait pas quand on ira en prison.

Ces pressions viennent de qui et c’est pour favoriser quelles anciennes autorités détenues ?

Généralement ce sont les détenus qui viennent d’une certaine couche sociale. Comme les ministres qui étaient là récemment. Ils n’étaient pas avec la masse. Ils ont tout fait pour qu’ils soient dans des conditions acceptables. A un moment, certains ont voulu même qu’on réfectionne des salles, à leur frais, pour mettre des climatiseurs dans leurs cellules, ce qui n’est pas normal.

Quand ils étaient aux affaires ils ne l’ont pas fait. Ces pressions viennent de l’administration. Leurs proches qui sont toujours dehors ou qui ont toujours des connexions avec les gouvernants toujours en poste, qui demandent qu’on améliore leurs conditions de détention, en prétextant des problèmes de santé, alors qu’ils ne sont pas les seuls à être malades. Il y a des détenus qui sont gravement malades, mais détenus. Il y a de ces pressions qu’on ne peut étaler sur la place publique. Cela n’est pas normal.

Interview réalisée par Tiga Cheick Sawadogo
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