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Crise électorale : Jusqu’où ira le Togo ?

Publié le vendredi 29 avril 2005 à 07h29min

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Le ministre de l’Intérieur togolais, François Boko, avait donc raison. A deux jours de l’élection présidentielle, il a effectué une sortie nocturne pour demander le report des élections. Car, "tous les ingrédients étaient réunis pour un dérapage sanglant".

Hier, on a totalisé plus de trente morts. Auparavant, les prédateurs de la vérité ont vite fait de limoger le ministre Boko. Ils ont aussi en sourdine désavoué l’Eglise, elle qui, avant le scrutin, avait vu venir le danger et avait, de ce fait, alerté l’opinion publique.

Mais le pouvoir togolais tenait mordicus à organiser ces élections à risques, avec la forte caution de la CEDEAO et de l’Union africaine. Le revirement spectaculaire de ces deux institutions pèse très lourd dans la balance des violences actuelles. Elles avaient en effet empêché bec et ongles, le fils du Général Eyadéma de tordre le cou à la Constitution.

Mais patatras ! Comme des individus qui pèchent aussitôt après s’être confessés, la CEDEAO et l’Union africaine, conscientes pourtant des risques de fraudes massives, ont presque conduit le pays à l’abattoir. Sans compter bien sûr la "françafrique" qui continue de secréter des germes, à tout point de vue, préjudiciables aux peuples africains. Cette tragi-comédie a déjà été servie à d’autres Etats africains dans le seul but de préserver des intérêts personnels ou de clans.

Ainsi, l’Afrique risque, une fois de plus, de rater un rendez-vous important de son histoire. Le forcing togolais pourrait faire jurisprudence au regard des implications franco-africaines, souvent sans vergogne. Comme si ce continent, à quelques exceptions près, était incapable de construire l’édifice de la démocratie et du développement.

Le cas togolais est un mauvais signe pour la sous-région en proie déjà à des crises. La Côte d’Ivoire par exemple a du mal à se relever de sa chute. Les opérateurs économiques ouest-africains sont sans doute en train de se mordre le doigt, de peur que le port de Lomé ne sombre dans le "chaos", à l’instar de celui d’Abidjan.

En clair, l’UEMOA risque de perdre des plumes, si les tendances actuelles se maintiennent. L’intégration risque , elle aussi, de voler en éclats, surtout que dans certains pays, c’est la croix et la bannière pour poser les actes élémentaires de la libre circulation des personnes et des biens.

Pour éviter que le pire ne continue de dicter sa loi , il faut impérativement que la communauté internationale s’investisse, autant que possible , à créer les fondements d’un dialogue franc au Togo. Il faut à tout prix éviter, comme cela a été le cas dans certains pays, d’apparaître comme des pompiers après l’incendie.

Mais au-delà de cette urgence, il convient de repenser le mode de gestion du pouvoir en Afrique. Car le "virus de la présidence à vie" fait inéluctablement voler en éclats les efforts de développement. Et finalement, ce sont les peuples qui en pâtissent, au grand bonheur des minorités agrippées au pouvoir.

Ainsi, clopin-clopant, le continent est à la périphérie des grands enjeux mondiaux. Du moins, il est exploité à fond par certaines puissances occidentales, avec la pleine complicité des régimes africains.

Mais il faut aussi que l’opposition joue son rôle dans les règles de l’art, au risque de légitimer certaines dérives. L’opposant historique Gilchrist Olympio aurait dû par exemple prendre langue avec ses partisans au Togo avant de s’engager dans des pourparlers avec Faure Gnassingbé pour un gouvernement d’union nationale. Au lieu de cela, il a compliqué la donne politique. Nombreux sont les Togolais qui ne comprennent pas aujourd’hui pourquoi cet homme, pourtant politiquement correct, s’est engagé sur ce chemin tortueux.

Les chefs d’Etat du continent devraient eux aussi briser les chaînes de leur "syndicat" pour, enfin, donner des chances de réussite à la démocratie. On se souvient en effet que les amis indécrottables de Gnassingbé Eyadéma avaient tiré leur chapeau à Faure lorsque, avec maladresse, il avait usurpé le fauteuil présidentiel avant d’être contraint de faire marche-arrière.

La situation actuelle au Togo était en réalité prévisible. Et rien n’empêchait, au nom de l’intérêt général et au regard du caractère exceptionnel du scrutin, d’entamer au préalable des concertations entre les acteurs politiques et la société civile. Mais on a préféré avaler la pilule, si amère fût-elle. Aujourd’hui, une guerre civile peut éclater, si l’on n’y prend garde. Car la tension ne cesse de monter et la violence continue de "manger" les Togolais.

La CEDEAO, l’Union africaine et les autres institutions internationales, après avoir dérapé, doivent vite rectifier le tir. Sinon, l’histoire risque de les rattraper, quoi qu’il advienne. La sanction pourrait alors être plus foudroyante que jamais. Aujourd’hui, il est établi que les élections ont été émaillées de fraudes.

La simple image diffusée sur les chaînes de télévision, de ces soldats fuyant avec des urnes, est évocatrice de la mauvaise qualité des élections. Il convient donc de donner des signaux forts pour le retour à la normale. Avant qu’il ne soit trop tard.

Le Pays

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