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‘’ Nous n’avons jamais été au pouvoir, … ce sont toujours les mêmes qui sont au pouvoir ‘’, dixit Boubacar Sannou, vice-président chargé de la jeunesse du CDP

Publié le lundi 1er août 2016 à 13h00min

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‘’ Nous n’avons jamais été au pouvoir, … ce sont toujours les mêmes qui sont au pouvoir  ‘’, dixit Boubacar Sannou, vice-président chargé de la jeunesse du CDP

« Avenir politique d’Eddie Komboïgo », « vie interne du CDP », « questions de justice », « crise dans la commune de Kouka », « gouvernance Roch Kaboré ». Ce sont entre autres sujets abordés avec le vice-président chargé de la promotion des jeunes du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès), Boubacar Sannou. Député élu dans la province des Banwa à la Vème Législature (2012-2014), il fut le vice-coordonnateur du « réseau population et développement » de l’Assemblée nationale. Dans cette interview qu’il a bien voulu nous accordés, M. Sannou est sans langue de bois …

Lefaso.net : Comment se porte votre parti, le CDP, à ce jour ?

Boubacar Sannou  : Permettez-moi d’abord de remercier votre organe pour son travail d’encrage de la démocratie dans notre pays. Après tout ce que nous avons traversé comme difficultés, comme évènements depuis octobre 2014 à ce jour, nous pouvons dire que notre parti, le CDP, se porte toujours bien.

Lefaso.net : En tant que proche collaborateur du président du CDP, Eddie Komboïgo, comment se porte-t-il après sa mise en liberté provisoire ?

Boubacar Sannou : Le président du parti, Eddie Komboïgo, que nous avons eu l’occasion de rencontrer plusieurs fois après avoir bénéficié de la liberté provisoire, se porte très bien ; tant physiquement que mentalement.

Lefaso.net : Comment perçoit-il son avenir politique ?

Boubacar Sannou : Je pense que ça, c’est une question purement personnelle et je pense qu’en d’autres circonstances, il pourra vous donner des éléments de réponse précis.

Lefaso.net : Oui, mais quand vous échangez avec lui, donne-t-il l’allure d’être déçu de la vie politique, quand on sait que certains dans les mêmes circonstances ont rendu le tablier ?

Boubacar Sannou : Nous avons évoqué plusieurs questions depuis sa sortie, et même souvent sous l’angle politique. Mais nous n’avons pas encore abordé cette question de savoir quel bilan fait-il de son entrée en politique, de sa carrière politique et je pense qu’en temps opportun, il lui appartiendra de dresser son bilan et de tirer toutes les conséquences.

Lefaso.net : A-t-il marqué son retour au sein du parti … ?

Boubacar Sannou : Pour le moment, nous n’avons reçu aucun document en la matière et nous n’avons entrepris également aucune démarche allant dans ce sens pour avoir son opinion, son point de vue et nous sommes toujours dans une situation d’attente, d’observation. Je pense que dans les jours ou semaines à venir, ceux qui ont conduit les affaires depuis les évènements de septembre 2015 pourront probablement nous apporter une réponse en la matière.

Lefaso.net : Passées les joutes électorales, quel est le défi que votre parti s’assigne en ce moment ?

Boubacar Sannou : Effectivement, au sortir des élections municipales du 22 mai dernier, le parti s’est retrouvé encore, une fois de plus, troisième force politique. Ce qui a surpris certains observateurs de la scène politique. Mais, nous sommes un peu déçus de ces résultats. Qu’à cela ne tienne, force est de constater que nous gardons toujours notre esprit de combattivité et le défi principal, c’est la réorganisation du parti.

Lefaso.net : Que faut-il comprendre par réorganisation ?

Boubacar Sannou : Je crois qu’on ne peut pas refuser de voir les choses en face. Nous avons été ébranlés par les évènements de 2014 et la perte du pouvoir, nous avons été touchés, mais pas coulés, avec le putsch de septembre 2015. Force est de constater donc que le putsch a eu comme corollaire au sein du parti, l’exil de certains responsables de la direction politique nationale, l’emprisonnement de certains cadres et la démotivation ou le manque d’engagement encore d’autres cadres. Vous n’ignorez pas que certains se sont empressés de faire porter à notre Parti la responsabilité politique de ce putsch. Or, Dieu seul sait que notre parti, ses dirigeants et ses militants ne sont ni de près ni de loin mêlés à ce putsch. Donc, aujourd’hui, nous devons nous dire que le CDP d’avant 2014, même d’avant septembre 2015, n’est plus le même ; la direction politique a été touchée, le bureau politique national, le Conseil national, les structures du parti ; tant au niveau national, provincial que communal ont été touchées. C’est un véritable travail de reconstruction qui nous attend et la réorganisation doit aller dans ce sens.

Lefaso.net : L’un de vos combats, c’était d’obtenir la justice pour vos camarades détenus dans des maisons d’arrêt. Quelle est la situation de vos camarades encore détenus ?

Boubacar Sannou : Effectivement, nous avons un certain nombre de camarades qui sont toujours en situation de détention ; certains sont accusés dans le cadre des responsabilités qu’ils ont eues à assumer dans les mairies ; et d’autres, dans le cadre du putsch. Pour ceux qui sont détenus dans le cadre des activités antérieures, nous avons trois à quatre personnes : le maire Marin Casimir Ilboudo (ancien maire de la commune de Ouagadougou), Stanislas Ilboudo (qui a été maire d’arrondissement) puis son premier adjoint, Adama Tiendrébéogo dit colonel et Adama Zongo (ancien maire de Tanghin Dassouri), président de la FEDAP/BC (Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré). A eux donc, nous ajoutons un certain nombre de camarades notamment le camarade Emmanuel Konombo (secrétaire général de la sous-section du parti de l’arrondissement N°11), le camarade Abdoul Karim Bagagnan dit Lota, Noël Sourwèma (secrétaire général de la section provinciale du kadiogo), Fayçal Nanèma et M. Mando (militants du parti). C’est succinctement la situation au sein de notre parti ; une dizaine de camarades en détention, soit lié aux responsabilités occupées antérieurement, soit lié aux évènements du coup d’Etat. Le CDP, issu du congrès de 2015 surtout, a pour ligne de conduite de non seulement ne pas se mêler des activités de la justice mais également de ne pas commenter les actions judiciaires. Donc, nous faisons confiance à la justice de notre pays ; nous avons rencontré (même ce matin, jeudi, 28 juillet, ndlr) un certain nombre de camarades à la MACO (Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou), qui nous ont fait part de l’état d’avancement de leur dossier, certains sont dans l’incertitude, se posent des questions. Mais en attendant, nous nous réservons vraiment de commenter tout ce qui est relatif à la justice. Mais nous pensons que tel que prôné par les juges eux-mêmes depuis un certain temps, ceux qui ont en mains les dossiers des camarades auront la hauteur de vue nécessaire, de sorte que la justice se fasse ; parce que non seulement ce sont des concitoyens mais également par respect même de leur bonne foi et du serment prêté. Nous leur faisons donc confiance et attendons qu’ils (juges) fassent en sorte que force reste à la loi et que triomphe la justice.

Lefaso.net : Mais, d’aucuns pensent que certains de vos camarades sont détenus dans des maisons d’arrêt de par le simple fait de querelles entre leaders de votre parti !

Boubacar Sannou : Non, je pense qu’il faut toujours rester dans la logique que nous sommes dans un Etat de droit et nous avons confiance à nos juges. Je ne crois donc pas que des dossiers dont nous avons connaissance…, il y ait instrumentalisation quelque part. Je reste confiant et je ne crois pas aussi qu’en notre sein, et même s’il y a des mésententes, des gens puissent aller à ce point. Et même que la justice de notre pays accepte d’être manipulée de la sorte, gardant arbitrairement certains concitoyens en prison. Peut-être que si par ailleurs il y a manipulation, il faudra le rechercher ailleurs (rires) et pourquoi pas chez ceux d’en face.

Lefaso.net : Après avoir été interdits par deux fois de se rendre à Abidjan, le président par intérim, Achille Tapsoba et le trésorier, Zambendé Sawadogo, ont finalement pu s’y rendre la semaine dernière. D’abord, comment aviez-vous analysé ces interdictions faites à vos camarades ?

Boubacar Sannou : Nous sommes respectueux des décisions des autorités. Nos autorités administratives ont décidé que certains de nos camarades ne doivent pas être en mesure de voyager, nous attendons toujours que les raisons nous soient données ; non seulement à nous mais également à l’opinion nationale, à nos compatriotes et à l’opinion internationale pour que chacun puisse savoir ce qui leur était reproché. En attendant d’avoir ces éléments donc à notre disposition, nous nous réservons de commenter de telles mesures.

Lefaso.net : Pourquoi n’entreprenez-vous pas aussi des démarches pour comprendre ce qui est reproché à ces responsables, si tant est vrai que l’acte est jugé grave ?

Boubacar Sannou : ça été fait. Nos camarades ont saisi leur avocat qui a envoyé une lettre interpellative aux autorités en charge de la sécurité. Aucune réponse n’a été obtenue. Le ministre de la sécurité a eu à dire que ce n’est pas la première fois que des compatriotes sont empêchés de voyager. Donc, il se présente être le mieux placé pour réagir à cette question. Mais comme vous l’auriez constaté vous-même, le Chef de l’Etat a présenté lui-même ses excuses à nos camarades et au CFOP. Ce qui veut dire que les autorités chargées de la sécurité n’avaient pas de bonnes raisons de les interdire de voyager. Il faut éviter que l’arbitraire s’instaure comme forme de gouvernance dans ce pays.

Lefaso.net : Une photo prise au cours de cette visite avec l’ex-président du Faso, Blaise Compaoré, a fait le tour…, suscitant des commentaires controversés. Quel sens donnez-vous à une telle image ?

Boubacar Sannou : C’est vrai que beaucoup de gens ont été surpris de découvrir la photo de l’ex-Président Blaise Compaoré en compagnie de ses camarades, une photo où il apparaît plus rayonnant que jamais, une photo qui a effectivement suscité des commentaires controversés ; des partisans ou des adversaires. Mais, je pense que n’étant pas à la place de ceux qui ont publié la photo, je ne peux pas savoir exactement l’état d’esprit qui les animait. Néanmoins, je pense que pour des communicants, cela est un message envoyé par Blaise Compaoré à ses concitoyens, à ses anciens camarades, pour dire qu’il va bien, il se porte bien et tout va.

Lefaso.net : Quel a été votre ressentiment lorsque vous avez vu la photo ?

Boubacar Sannou : En tant que militant du CDP, et homme l’ayant accompagné (même si c’est un petit bout de temps) dans sa gestion de la vie publique nationale, et vu aussi le rôle qu’il a joué dans ce pays (même si les interprétations sont diverses ; pour les uns il a été l’un des meilleurs, pour d’autres il a été le pire), j’ai vraiment été touché de savoir qu’il va bien. Je garde l’image d’un homme qui a pu quand même dégagé un certain consensus dans la gestion de la vie publique au niveau de notre pays. C’est un message d’espoir, de combat qu’il envoie à tout le monde ; pour dire à chacun pour dire qu’après les honneurs, après la gloire, on peut continuer à vivre comme un citoyen ordinaire.

Lefaso.net : Revenons sur les élections municipales, qui n’ont malheureusement pas encore fini de faire parler d’elles de par les violences enregistrées. Quelle analyse faites-vous de ces violences et actes d’incivisme ?

Boubacar Sannou : De prime abord, le constat fait est que ces actes de violence ont été posés principalement par des militants du parti majoritaire et ses alliés. Je pense que, comme tout compatriote, nous avons effectivement assisté à des scènes de violences inouïes ayant même causé des morts d’hommes dans certaines localités et nous nous inclinons devant la mémoire de ces disparus. Pour vous dire que le message lié à l’engagement politique, à la vie politique, est un message biaisé, un message mal compris et mal assimilé ; parce que pour beaucoup d’acteurs, l’engagement politique signifie l’accès à des avantages, à des honneurs et à tout ce qu’ils ne pouvaient pas avoir avant. Si fait que les gens ne mettent plus en avant les idéaux, les convictions mais plutôt les intérêts individuels en disant qu’accéder à tel poste m’offre des honneurs, des avantages, des relations. Ce qui complique davantage les choses. Mais tous ceux qui y entrent, lorsque vous leur poser la question, ils vous diront que c’est avec amertume, avec regret qu’ils se retrouvent dans cette situation. Il va donc falloir que ce mythe qui entoure l’homme politique et le domaine politique, par lequel on croit qu’on peut avoir tous les avantages, soit brisé et qu’on comprenne que la politique est un sacerdoce. Tout comme on s’engage à l’église ou à la mosquée pour servir Dieu. Si on s’engage dans la politique, c’est pour servir ses populations, son peuple et non soi-même. Donc, il va falloir que ce message passe et que les populations comprennent que l’homme politique est en réalité comme un prêtre ; c’est le plus pauvre de la communauté et que les hommes politiques également se mettent dans la tête qu’ils ne peuvent pas entrer en politique pour s’enrichir (peut-être moralement) mais plutôt s’appauvrir matériellement et financièrement. Tant que ce message ne sera pas assimilé, et par les populations et par les leaders politiques, nous assisterons toujours à ces situations de violences ; puisque pour les gens, c’est accéder aux avantages, à la richesse et à ce qu’ils n’avaient pas hier.

Lefaso.net : Votre fief, Kouka, a été particulièrement touché par des violences ; qu’est-ce qui explique cela ?

Boubacar Sannou : Effectivement, c’est avec regret toujours que j’aborde cette question liée à ce qui est arrivé dans ma commune, Kouka. La situation de Kouka est un véritable amalgame ; c’est une situation qui, vue de loin, pour certains apparait de prime abord comme une opposition politique entre le CDP et le MPP. Mais, la crise de Kouka n’est pas née seulement cette année, c’est une crise qui date d’au moins dix ans, précisément depuis les années 2005, qui a évolué en 2013 pour aboutir à ce que nous connaissons aujourd’hui. Lorsqu’on jette un regard superficiel, on peut ne peut que se convaincre qu’il s’agit d’une rivalité politique .La question n’est pas à ce niveau. La question de fond concerne la moralité des actuels leaders politiques de la commune de Kouka. Ceux qui ont été désignés par le parti au pouvoir pour diriger la commune de Kouka, ont une moralité qui est remise en cause par les populations du village de Kouka à cause des antécédents dans la gestion de la chose publique. Le de Kouka qui est le chef-lieu de commune non seulement fait environ 50% de la population de ladite commune mais contribue à hauteur de presque 95% des recettes de cette commune. Et ces populations qui ont-elles-mêmes pris leur destin en main depuis les années 80 (c’est l’une des rares localités du pays où presque toutes les infrastructures administratives ont été réalisées par les populations : bureaux de préfecture, la résidence du préfet, le bureau de la poste, la brigade de gendarmerie, le commissariat de police, le lycée départemental, le service d’élevage, l’auberge populaire, des salles d’hospitalisation etc.) sur la base des recettes générées par les ristournes du coton refusent de confier leur destin à des gens qui n’ont pas bonne presse en matière de gestion de ressources publiques. Depuis qu’un certain nombre d’acteurs ont eu accès à ces ressources, par le biais de l’Union nationale des producteurs du coton, les populations ne voient plus passer ces ristournes. Aussi, ces mêmes acteurs qui dirigent la filière coton sur le plan local se retrouvent aujourd’hui dans des sphères politiques, dans des organes de parti politique. Donc, non seulement les populations ne voient pas les ristournes de leur coton, elles ont également l’impression d’être doublement volées parce que ces gens qui ont dirigé ces exécutifs locaux pendant au moins dix ans n’ont laissé aucune ressource aucune réalisation et cela est vérifiable sur le terrain. Pire, de ce qui ressort, ces conseils municipaux n’ont jamais pu mobiliser plus d’une quinzaine de millions par an comme recettes. Et ces populations se sont rendues compte qu’avec la délégation spéciale (2015-2016) pour une dizaine de mois, elles ont pu mobiliser 56 millions (uniquement dans le chef-lieu de commune) .Et en moins d’un an, elles ont pu réaliser trois salles d’hospitalisation, des hangars, des boutiques et bien d’autres investissements. Quand vous allez donc dire à ces populations que ces gens, qui les ont pillés depuis des années, doivent revenir encore pour prendre en main leur destin pour plusieurs années, pensez-vous que pour elles, il s’agit encore d’une question liée à des partis politiques. Et je pense que dans une correspondance en date du 03 juin 2015 adressée au président du MPP (le parti qui a eu le plus de conseillers), les populations de Kouka avaient demandé à ce que le parti désigne d’autres candidats pour présider le conseil municipal plutôt que ceux qui, non seulement ont dirigé leur structure faîtière qui est l’Union des producteurs de coton mais également ont été à la tête de cette commune. Et dans cette correspondance, les risques de détérioration du climat social de la localité avaient déjà été portés à sa connaissance. Et toutes les autorités administratives du Ministre de la sécurité en passant par le gouverneur, le Haut-commissaire et le préfet avaient été ampliatrices .Et dans la même correspondance, elle sollicitait du président du MPP un audit de la gestion antérieure de leur commune. Mieux, à plusieurs reprises, par des correspondances adressées à l’administration publique, les mêmes populations ont demandé à ce qu’un audit soit fait non seulement de la gestion de la commune mais également de cette structure. Mais le dommage est qu’elles n’ont jamais, en tout cas à ma connaissance, vu même une simple lettre de réponse de l’administration ou même un procès-verbal d’une quelconque réunion que l’administration a eue avec elles. Alors, lorsque des populations qui, pendant 20 ans, ont pris leur développement en main se voient tirer vers le bas par des gens et assistent impuissantes à ce que leur commune qui était dans les années 95 classées parmi les 35 premières villes de ce pays se retrouve être parmi les dernières du pays, n’allez pas dire à ces populations que ceux qui sont la cause de cette régression peuvent encore être la solution à leur développement. La question est plus liée à la moralité très douteuse de ceux que le MPP a mis à la tête de cette commune. A cela, il faut ajouter le mépris et du MPP et des autorités administratives face aux plaintes et autres sollicitations de ces populations. Et là où je regrette encore davantage la situation de Kouka ; lorsque des populations posent des inquiétudes, soulèvent des préoccupations, le minimum c’est de leur répondre. Si le président du MPP avait daigné, une seule seconde, envoyé une mission pour écouter ces populations, ça aurait pu changer la donne. Les populations de Kouka ont refusé d’aller au MPP parce que tout simplement ceux qui sont à l’origine de leur misère sont allés encore prendre le MPP et se sont imbriqués dans les structures du parti pour toujours empêcher leur développement. Les populations n’ont pas eu d’oreille attentive de la part du MPP et l’administration aussi est restée inerte. Lorsque les populations posent une préoccupation liée à la gestion de la chose publique, le minimum pour l’administration, c’est d’assumer ses responsabilités et d’ouvrir une enquête. Si une enquête avait été diligentée pour dire aux populations que les accusations portées contre X ou Y sont fausses ou confirmées, elles allaient comprendre et se calmer. Mais, au lieu de cela, personne ne veut assumer ses responsabilités et aujourd’hui, chacun cherche un coupable en disant que ce sont certains acteurs qui sont derrière, je dis non. Si les gens avaient assumé leur responsabilité, cette situation ne serait pas arrivée. J’ai entendu à plusieurs reprises des propos du genre « ce sont des populations rebelles… ». Si tel est le cas, comment ont-elles pu par elles-mêmes se hisser parmi les 35 premières villes en 1995 ? Kouka malgré ses trente à trente-cinq mille habitants, est une des rares localités chef-lieu de commune à ne pas disposer d’un système d’adduction d’eau potable fonctionnel. Que dit l’administration ? Quelles réponses ceux qui gèrent cette commune depuis 2006 ont-ils apporté ? Cette population, à la demande de l’administration publique, notamment du haut-commissaire des Banwa et du préfet de la commune de Kouka, est sortie sur une distance de près de quinze kilomètre pour refaire la route, si fait qu’aujourd’hui, la province des Banwa n’est pas l’objet d’un enclavement absolu. Mais comment une population peut répondre de cette façon à l’appel de l’administration et se retourner quelques jours après contre certaines décisions de cette administration ? Tout simplement parce que, lorsqu’il s’agit de lauriers on se les jette mais quand il s’agit d’assumer ses responsabilités on préfère les fuir. Et cette fois-ci, je le dis, l’administration n’a pas assumé ses responsabilités et si le MPP l’avait fait également, on ne serait pas à cette situation. J’ai vu une délégation du MPP se déplacer à Barani ; la situation là-bas devait amener tous nos compatriotes à réfléchir. La situation à Barani est très loin de la situation de Kouka. A Barani, un groupe d’individus s’opposent à ce que le candidat désigné par le parti qui a eu la majorité puisse être élu maire, tout simplement dû à son rang social. Mais à Kouka, la population s’oppose simplement à quelqu’un qui est de moralité douteuse. Et l’administration trouve les ressources nécessaires pour aller imposer l’élection de ce maire (de Kouka) et ailleurs où on rejette un concitoyen tout simplement par son rang social, l’administration s’en accommode et le MPP s’en accommode et mieux, envoie des leaders pour aller négocier même cette situation. Vous voyez qu’on assiste aujourd’hui à une situation où à la limite on se demande s’il n’y a pas deux catégories de citoyens : ceux qui peuvent être réprimés parce qu’ils ne sont pas avec le parti au pouvoir et ceux qu’il faut chouchouter parce qu’ils sont avec le pouvoir.

Lefaso.net : Quelle solution pour une sortie de crise donc ?

Boubacar Sannou : Elle est simple et je l’ai toujours dit, pour cette situation qui ne date pas d’aujourd’hui, je me suis déplacé plusieurs fois. Le président de l’Union nationale des producteurs de coton, Karim Traoré ; l’ancien président François Traoré ; l’ancien conseiller du Président Blaise Compaoré, Gabriel Tamini… sont tous témoins ; il n’y pas ce que nous n’avons pas fait pour que ceux qui, aujourd’hui, se retrouvent être au-devant des choses, révisent leur position. Notre dernière initiative date de février 2016 où un certain nombre de ressortissants de Kouka, dont moi-même, s’y sont rendus, ont réuni tous les villages pour qu’une solution puisse être trouvée. Mais, ce sont les mêmes acteurs qui ont refusé parce que tout simplement si une solution est trouvée, leur intérêt sera remis en cause. Sinon, la solution est très simple : il faut que l’Union nationale des producteurs de coton détermine sa position ; ou elle est une structure faîtière ou elle est un parti politique. Si c’est une structure faîtière, que ses responsables quittent les structures des partis politiques conformément à l’article 07 de la loi 064. Ensuite, que le ministère de l’administration territoriale en tire toutes les conséquences par rapport à la loi suscitée pour dire qu’on ne peut pas être responsable de la structure faîtière et être également membre de structures de partis politiques. Pour vous dire qu’aujourd’hui, sur le terrain, l’Union nationale des producteurs de coton apparaît plus comme une structure qui défend l’intérêt d’un parti politique que l’intérêt des producteurs de coton. Il faut aussi simplement que l’administration fasse l’audit de la gestion à la fois de la mairie et de l’Union nationale des producteurs de coton afin de mettre tout le même sur un pied d’égalité. Je pense que si un audit est fait et que chacun est situé, on aura bouclé définitivement cette question. J’ai entendu par diverses voix, que cette situation est liée au fait que le maire n’est pas du village de Kouka et cela me fait rire parce que lui et moi sommes des cousins et en plus, il a tous ses plusieurs investissements à Kouka d’où il tire environ 99% de ses revenus. Dire donc qu’il n’est pas de ce village est une véritable contradiction et un argument très facile à vendre. Personnellement, je pense que pour son honneur, ce monsieur (maire) peut lui-même demander un audit de sa gestion pour montrer à tous qu’il n’est pas ce qu’on pense de lui et le MPP gagnerait également à aller dans ce sens pour prouver à la population qu’il ne couvre pas des voleurs, des gens de moralité douteuse. Sinon, il n’y a pas de mésententes entre villages, entre communautés ni entre individus ; il s’agit simplement d’un certain nombre d’individus qui ont pris en otage le développement d’une localité.

Lefaso.net : Ces gens étaient tous du CDP, peut-on comprendre, mais le problème s’est apparemment accru avec leur basculement de l’autre côté… !

Boubacar Sannou : Effectivement, puisque les gens qui dirigent les structures faîtières des producteurs se sont retrouvés dans les structures politiques pour réellement couvrir les forfaits qu’ils auraient à commettre dans les structures faitières. Le monsieur, qui est contesté, a été maire contre la volonté du CDP en 2013 mais il n’a jamais mis pied un seul jour à la mairie de Kouka jusqu’à ce que les conseillers municipaux soient dissous. C’est pour vous dire que ce n’est pas une crise qui date d’aujourd’hui, c’est une vieille crise. Et à l’époque, la population a refusé absolument qu’il mette pied à la mairie et jusqu’à la dissolution des conseils municipaux, il n’a pas apposé sa signature sur un seul acte de naissance d’un enfant ; parce que les populations l’ont dit au CDP qui n’a pas voulu le sanctionner. Donc, elles l’ont empêché de mettre pied à la mairie. Et cette situation prévaut jusqu’à ce jour parce qu’à l’heure où je vous parle, j’ai appris qu’il y a une session du conseil municipal et l’autorité a décidé de la tenir dans un autre village et non à Kouka (chef-lieu) et qu’une correspondance en date du 22 juillet aurait été adressée au gouverneur (de la boucle du Mouhoun) pour l’informer de cette situation. Nous sommes toujours, dans tous les cas, dans la recherche de solution et chacun doit assumer ses responsabilités. Et l’administration doit faciliter cette recherche de solution. Autoriser que les sessions du conseil se tienne en dehors du chef-lieu de commune, peut exacerber les positions et laisser croire que les uns ont triomphé sur les autres alors que c’est l’ensemble qui fait la commune

Lefaso.net : Comment appréciez-vous votre vie dans l’opposition politique avec les adversaires d’hier ?

Boubacar Sannou : J’ai eu à le dire à certains de vos confrères qu’il est vrai que pour les uns, nous sommes dans l’opposition mais nous, nous disons aux uns et aux autres que nous n’avons jamais été au pouvoir ; parce que ceux qui ont été au pouvoir, ce sont toujours les mêmes qui y sont. Nous, nous avons toujours été sur le banc de touche. C’est maintenant que nous sommes véritablement entrés sur le terrain de jeu (terrain politique). Nous nous accommodons de cette situation parce que véritablement notre quotidien n’a pas changé, notre situation n’a pas changé ; puisque nous étions des acteurs inactifs, nous exécutions les ordres de nos devanciers (ceux qui sont actuellement au pouvoir). Aujourd’hui, nous les avons remplacés à la direction du CDP. C’est pour vous dire que notre état d’esprit est différent de celui d’avant et que l’actuel CDP, je pu vous le dire, ce n’est pas ce CDP qui était au pouvoir.

Lefaso.net : Il a été depuis longtemps annoncé un congrès du parti mais qui tarde à se concrétiser. Qu’est-ce qui coince ?

Boubacar Sannou : Effectivement, force est de reconnaître que les évènements de septembre 2015 ont porté un coup à la direction politique du parti avec l’exil de certains responsables et la mise en retraite d’autres , volontairement ou involontairement. Ce qui fait qu’il y a nécessité à réorganiser cette direction et les congrès se tiennent également en fonction des textes du parti (les congrès ordinaires et les congrès extraordinaires). Je pense que la nécessité aujourd’hui d’un recadrage de la nouvelle direction est unanimement perçue par tous. Maintenant, comment et quand cela doit se faire, c’est la question qui reste posée.

Lefaso.net : Des querelles de positionnement seraient à la base de la situation de blocage. Il se susurre que le président Eddie komboïgo veut rebelotter, Achille Tapsoba qui assure actuellement l’intérim veut être confirmé et Juliette Bonkoungou entend imprimer sa vison ...

Boubacar Sannou : Je crois que tout regroupement humain déjà fait naître des ambitions ; la volonté de leadership s’impose. Donc, nous trouvons tout à fait normal ce choc des ambitions où les uns et les autres veulent diriger. Il est tout à fait normal que dans un parti, il y ait des courants qui animent un parti politique. L’objectif principal doit être d’atteindre l’objectif global pour tout le monde. C’est vrai que suite aux évènements que nous avons connus, certains ont émis des vœux … Tout se dit, des noms circulent, mais je pense que pour le choix du président, que ce soit dans le cadre d’un congrès ordinaire ou d’un congrès extraordinaire, il appartient au président actuel (Eddie Komboïgo), de prendre sa décision en temps opportun et au congrès (instance suprême du parti) de décider de qui peut diriger le parti.

Lefaso.net : Mais au regard du contexte actuel et des réalités du moment, quel peut être le portrait-robot du prochain dirigeant du parti ?

Boubacar Sannou : Je pense que toute organisation naît, grandie et doit également se conforter avec des structures bien précises. Peut-être que j’ai ma petite idée par rapport au prototype de celui qu’il faut pour diriger le CDP... mais, le congrès et les instances vont, en temps venu, arrêter les critères de celui qu’il faut. Mais, je pense qu’il faut un homme rassembleur, un homme jeune, dynamique, à l’écoute de son prochain et avec une vision prospective, un homme qui a la carrure d’un véritable homme d’Etat et à notre sein, ce n’est pas ce qui manque.

Lefaso.net : Parlant de vos camarades exilés, il y a l’ancien dirigeant, le secrétaire général, Assimi Kouanda, dont on n’entend plus parler, avez-vous de ses nouvelles ?

Boubacar Sannou : Oui, nous avons de ses nouvelles par personne interposée et nous savons qu’il se porte bien.

Lefaso.net : Vous semblez parler peu de lui… !

Boubacar Sannou : Depuis les évènements des 30 et 31 octobre 2014, il faut reconnaître qu’un certain nombre de nos camarades ont été touchés dans leur âme, moralement et fragilisés, etc. Donc, le camarade Assimi Kouanda a, après introspection, décidé de se mettre en retrait des activités du parti. C’est un choix que nous respectons, à partir du moment où il a lui-même pris cette décision de se mettre en retrait. Voilà pourquoi, jusqu’à ce qu’il décide de revenir, nous préférons restés discrets à son sujet.

Lefaso.net : Sept mois après son accession au pouvoir, quel est le jugement que vous portez sur la Présidence de Roch Marc Christian Kaboré et son équipe ?

Boubacar Sannou : Effectivement, cela fait sept mois que nous avons un nouveau Président du Faso et une équipe gouvernementale et nous observons. Mais, en me focalisant sur certains rapports et écrits, on note que la situation économique est des plus difficiles. Les plaintes se multiplient et les requêtes sociales se font de plus en plus pressantes. Hors selon des informations à notre disposition, la situation de recouvrement des recettes tant fiscales que douanières est des plus préoccupantes. Le besoin de financement pour un équilibre budgétaire lors de la loi de finances rectificatives d’avril était de plus de 300 milliards. La dette intérieure s’évalue à plus de 200 milliards et moins de 10% pourront être apurée au cours de 2016.Comment les opérateurs économiques peuvent ils s’en sortir quand on sait qu’ils sont tous les principaux employeurs du pays ? Les inondations en cours risquent de rendre la production agricole plus aléatoire. Ce qui va rendre encore la situation économique difficile. En matière d’emplois des jeunes, les choses bougent difficilement alors que nos Etats souffrent plus de déficit d’emplois que de déficit de démocratie. Bref, la situation n’est pas aussi reluisante comme on l’aurait souhaité. Egalement, quand on voit comment certains gouvernements post-transition ont été accompagnés par des bailleurs de Fonds (Mali, Centrafrique, etc., ) comparativement à notre situation , nous sommes en droit de nous demander si nous ne sommes pas abandonnés par la communauté internationale. La situation est donc inquiétante et il appartient au gouvernement de trouver des solutions qui puissent avoir l’adhésion de tout le monde, de rassurer les investisseurs et de relancer l’économie.

Lefaso.net : Pas plus tard qu’hier, Dr Ablassé Ouédraogo a jugé de « grave », la situation nationale. Quelle est votre appréciation sur cette sortie ?

Boubacar Sannou : Chacun a ses éléments d’informations et d’appréciations et Ablassé Ouédraogo a certainement ses éléments qui lui permettent de qualifier la situation de « grave ». Certains diront que la situation est même « très grave », d’autres même diront que la situation est « catastrophique ». Pour nous, la situation est « inquiétante » ; elle n’est pas rassurante. Nous cherchons une lisibilité des actions gouvernementales mais difficilement, nous les observons. Je respecte les observations de Ablassé, parce qu’il a certainement des éléments dont je ne dispose pas. Mais, je pense que c’est une situation qui interpelle tout le monde parce que lorsque vous écoutez, de la ville à la campagne, ce n’est pas facile.

Lefaso.net : Votre regard sur l’avenir du Burkina ?

Boubacar Sannou : Personnellement, je vois un Burkina meilleur, un Burkina radieux. Cela est ma vision mais la réalité aussi peut être autre. Mais, je pense que le Burkina sera ce que nous tous, nous voudrons qu’il soit, en commençant par les gouvernants et en associant tous les acteurs politiques. Nous avons tous hérité de ce pays et nous devons le transmettre à nos enfants dans un Etat meilleur que celui dans lequel nous l’avons hérité de nos aînés. Il appartient donc à chacun de s’élever au-dessus de ses intérêts partisans et personnels et de voir l’obligation de rendre compte à la génération qui vient et travailler dans ce sens.

Oumar L. OUEDRAOGO
(oumarpro226@gmail.com)
Lefaso.net

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