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Nouveau site d’orpaillage de Tindangou : Agissons avant que l’irréparable ne se produise

Publié le mercredi 9 mars 2016 à 01h53min

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Nouveau site d’orpaillage de Tindangou : Agissons avant que l’irréparable ne se produise

Depuis quelques années, le Burkina Faso avec la bénédiction de dame nature, s’est inscrit dans le cercle restreint des pays producteurs d’or. Si l’exploitation de l’or ou orpaillage contribue à l’amélioration du PIB, permet la création d’emplois et engendre des richesses tant pour les multinationales que certains privés burkinabè, il n’en demeure pas moins qu’il existe le côté caché de l’iceberg dont on parle moins : l’impact de l’activité sur l’Environnement.

L’exploitation des mines d’or ou orpaillage, qu’elle se passe sous une forme moderne ou artisanale, comporte toujours des effets négatifs sur notre environnement. Mais la forme d’exploitation minière qui comporte le plus de nuisances sur le milieu naturel se trouve être l’orpaillage traditionnel. Le but de notre écrit n’est pas de jeter l’anathème sur qui que ce soit, mais d’attirer l’attention de l’opinion nationale et surtout le Gouvernement sur une grave catastrophe écologique en pleine gestation à proximité du village de Tindangou dans la Province de la Kompienga avec Pama comme chef lieu.
Au cours de la première quinzaine du mois de janvier 2016, de passage dans la zone pour une randonnée dans la concession de chasse Burkina Safari Club, je pu admirer à l’aller comme au retour, le magnifique panorama qui caractérise cette zone et qui ne laisse indifférent aucun amoureux de la nature. Quelques jours après mon passage, j’appris sur les ondes de la Radio Burkina au cours du journal parlé, la découverte de l’or dans le village de Tindangou suivie d’un véritable rush humain. L’article fut suivi par des interviews du Directeur Provincial de l’Environnement de l’Est et du concessionnaire de la zone de chasse dénommée « Yeryanga Safari » contigüe au nouveau site d’orpaillage. A entendre les intéressés, la situation semblait être sous contrôle. Des bornes avaient été placées sur le terrain aux fins de délimiter le champ de prospection des nouveaux orpailleurs et des agents forestiers postés sur le site pour la surveillance de la limite à ne pas dépasser. Pour paraphraser un adage de chez nous qui dit ceci, je cite : « Seul celui qui ne connaît pas le porc épic forme le point pour le boxer » fin de citation. En d’autres termes, seul celui qui ne connait pas la force de nuisance de la pratique de l’orpaillage traditionnel sur l’environnement pense qu’il est aisé de canaliser les actions négatives de ces acteurs sur le terrain.

Tout cela me semblait trop beau pour être vrai.

Je n’eus pas tort de rester dans le doute. De retour à Tindangou le 17 février 2016 en compagnie d’amis expatriés, ce qu’il m’a été donné de voir m’a tout simplement laissé sans voix ! A l’intérieur de cette zone sensée faire partie intégrante de la réserve partielle de Pama (cf. carte routière et touristique de l’Institut Géographique du Burkina), entre la RN 18 à l’ouest, la zone cynégétique de Yeryanga à l’est et le poste de pesage de l’ONASER au Sud, s’était créé en un laps de temps un « gros village » d’orpailleurs. Un fait majeur saisi tous les passants un peu curieux ou ayant juste un peu de temps pour observer ce capharnaüm. Des huttes sommairement fabriquées de seccos, de bâches ou de sacs en jutes sont disposées en quinconce comme un champ de champignons après une pluie. Des trous creusés pêlemêle avec de la terre entreposée aux abords. L’élément majeur qui vous saisit immédiatement, c’est la marée humaine constituée de piétons, de charretiers, de motocyclettes baignant dans une pollution atmosphérique indescriptible. Le décor digne d’un film western intitulé « La ruée vers l’or » ainsi planté, passons aux véritables problèmes que cette installation anarchique d’orpailleurs pourrait engendrer très prochainement sur l’Environnement si rien n’est fait.

De l’occupation illégale et de la dégradation de la réserve partielle

Au Burkina Faso, la gestion des forêts classées et des réserves partielles relève de la compétence de la Direction Générale des Eaux et Forêts, Département technique du Ministère de l’Environnement, de l’économie verte et du changement climatique. Théoriquement, toute occupation d’une forêt qu’elle soit classée ou non est régie par une autorisation des services compétents dudit ministère. Pourtant nous doutons très fort que les orpailleurs de Tindangou disposent d’une quelconque autorisation. N’ayons pas la mémoire courte et ne laissons pas surtout l’histoire se répéter ! Les forêts de Dida (dans la COMOE) et des Balés à proximité de la Commune rurale de Boromo sont allègrement occupées par les orpailleurs sous le regard impuissant voire complice de l’administration des Eaux et Forêt de l’Etat. Pour qui connait les capacités de nuisances de l’orpaillage traditionnel sur l’environnement, cela se passe de commentaires. Il se pratique malheureusement au détriment de la gestion durable de nos ressources naturelles que nous avons pourtant obligation de préserver pour les générations futures. Les arbres et arbustes sont abattus sans état d’âme pour des constructions d’abris de fortune, pour la cuisine ou pour servir d’étaies dans les galeries. Les sols transformés en véritables gruyères ou paysages lunaires ne font jamais l’objet de restauration après le départ de ces acteurs.
Les Provinces de la Tapoa et de la Kompienga constituent les derniers grands sanctuaires de la faune burkinabè. Pour tous ceux qui empruntent régulièrement la RN18, il est très fréquent d’observer à certaines périodes de l’année, à la lisière de la réserve des troupeaux d’éléphants, de buffles et d’autres animaux sauvages. Aussi, il est fortement à craindre que les risques avérés d’effondrement des galeries creusées par les orpailleurs ne se transforment en pièges mortels pour certains animaux. Les orpailleurs creusant en souterrain pour la recherche du précieux minerai, à ce jour, rien ne prouve que leurs galeries ne soient pas allées au-delà des limites fixées en surface par les services forestiers.

La recrudescence du braconnage

Le braconnage se définit comme un délit constitué par l’action de chasser ou de pêcher sans permis et sans autorisation en des endroits réservés. Les trois concessions de chasse en plus de l’ex-zone de la Présidence du Faso, déjà confrontées au phénomène de braconnage à grande échelle des éléphants, devront dorénavant faire face à celui des petites espèces animales telles les cobs de Buffon, les ourébi, les céphalophes etc. La proximité du site d’orpaillage avec des concessions de chasse aidant, cela va inéluctablement engendrer chez certains adeptes du gain facile, la tentation de braconner à peu de frais du gibier pour un éventuel approvisionnement des multiples gargotes installées sur le site. Si toutefois les mesures de lutte anti braconnage au demeurant insuffisantes ne sont pas renforcées par les services forestiers et les concessionnaires, cela risque de porter un préjudice non négligeable et irréversible à cette richesse faunique qui fait des envieux dans la sous région ouest africaine.

Les risques avérés d’empoisonnement de la faune et de la population de toute une région

Sous nos cieux, l’orpaillage traditionnel rime avec l’usage incontrôlé du cyanure et du mercure, substances toxiques et dangereuses dont l’ingestion peut s’avérer mortelle pour l’homme et pour la faune.
Le site d’orpaillage de Tindangou se situe à quelques encablures des frontières du Benin et du Togo. Avec la porosité de nos frontières, la duplicité de certains agents des douanes et l’analphabétisme des orpailleurs sur la dangerosité des substances ci-dessus citées, rien ne pourra empêcher leur introduction et leur utilisation frauduleuse sur le terrain.
Le risque majeur, c’est que le site d’orpaillage se situe en plein cœur du bassin versant de la rivière Singou qui se jette dans le fleuve Pendjari qui marque la frontière naturelle entre le Burkina Faso et le Benin.
En l’absence de forages, les populations du village du Tindangou et des hameaux de cultures environnants utilisent de nos jours pour leurs usages divers, les eaux des petits cours d’eau qui alimentent la rivière Singou qui est par excellence l’abreuvoir naturel de l’ensemble de la faune vivant dans les concessions cynégétiques de Yeryanga, Burkina Safari Club et du Campement du Buffle Rouge.
Au Burkina Faso, sur les différents sites d’orpaillage artisanaux, nul n’ignore l’utilisation du cyanure ou du mercure pour extraire le minerai d’or de la roche concassée. Seulement nous craignons très sincèrement que ces produits chimiques très toxiques ne soient drainés vers les cours d’eau précédemment cités. De nos jours, le bidon d’eau de vingt (20) litres se vend à deux mille (2000) francs CFA sur le site d’orpaillage. Au regard de la cherté de cette denrée combien essentielle qu’est l’eau, touchons du bois que des orpailleurs mal intentionnés ne soient tentés de se rendre sur le site du barrage de la Kompienga situé à quelques jets de pierres pour « laver » leur minerai et bonjour les dégâts !

L’objet du présent écrit n’est pas de jeter l’anathème sur la pratique de l’orpaillage artisanal qui engendre non seulement de nombreux emplois pour les jeunes et participe à la création de richesse sur le plan national, mais de prendre à témoin l’opinion nationale sur la dangerosité de la pratique d’orpaillage à Tindangou qui se traduit par une occupation illégale et la destruction d’un pan de la réserve partielle, du braconnage d’animaux sauvages et des risques potentiellement élevés d’empoisonnement des ressources hydriques de la zone.
Nous n’avons à priori aucune animosité contre la pratique de l’orpaillage traditionnelle. Conscient de l’intérêt que la sauvegarde et la gestion rationnelle de la faune sauvage pourraient apporter au pays tout entier, nous pensons qu’il sied que les Ministères de l’Environnement, de l’Energie, des Mines et des Carrières, de l’Administration Territoriale et de la sécurité intérieure en synergie mènent des actions coercitives pour la fermeture pure et simple de ce site.
Enfin, il ne serait pas superflu de proposer aux Ministères ci-dessus nommés de se pencher plus sérieusement sur le déplacement des autres sites d’orpaillage artisanaux, des hameaux de cultures et des villages qui squattent les réserves fauniques.
La destruction de l’Environnement ne rapporte absolument rien à une nation. Ensemble, œuvrons pour la sauvegarde de la faune et des forêts burkinabè !

E.H. Yacouba TRAORE
Membre de l’Association des Chasseurs
Pour la préservation et la valorisation de

la Biodiversité (ACB-BF)
10 BP 13945 OUAGADOUGOU
Email : trayac@hotmail. com
Cél. 70 23 86 29

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Vos commentaires

  • Le 8 mars 2016 à 21:20, par le visionnaire En réponse à : Nouveau site d’orpaillage de Tindangou : Agissons avant que l’irréparable ne se produise

    Voila pourquoi ces gens ont été chassé de la Guinée et certains ont voulu incriminer ce pays qui n’a fait que ce qui lui commandait le bon sens. Au BF, ils détruisent tout et l’État ferme les yeux sur ces cas d’incivisme. Ce qui est grave, c’est que ce ne sont pas les fils du terroir qui mènent ces actes, il va falloir agir énergiquement

  • Le 9 mars 2016 à 08:40, par ISMO En réponse à : Nouveau site d’orpaillage de Tindangou : Agissons avant que l’irréparable ne se produise

    Je peux vous assurer une chose !
    Ils vont utiliser le barrage pour laver leur minerai.

  • Le 9 mars 2016 à 11:18, par kombasséré En réponse à : Nouveau site d’orpaillage de Tindangou : Agissons avant que l’irréparable ne se produise

    Bon article, mais le laxisme et autres basses considérations feront que le changement tardera à venir ; souvenons-nous que ces anarchistes avaient constitué des collines de charbon de bois à vendre à Ouaga ; Nous ne savons pas quelle a été la suite judiciaire réservée à ces prédateurs de l’environnement....

  • Le 9 mars 2016 à 20:36, par Roukia En réponse à : Nouveau site d’orpaillage de Tindangou : Agissons avant que l’irréparable ne se produise

    Ces personnes nuisent non seulement à l’environnement mais aussi et surtout à leur santé et devenir. Ils contracterons des maladies de toute sorte. L’or ne va pas couler de flot comme ils l’esperaient. Au final, des enfants descolarisés, torturé par la faim car il ne sera plus question de cultiver car" ça rapporte peu" Mon dieu si seulement ils savaient que tout ceci n’est qu’un mirage. La terre de notre pays n’est certes pas des plus genereuse mais elle peut nous nourrir si on la respecte. Esperons que le gouvernement et tout un chacun s’engage pour la promotion de l’agriculture de l’élévage et de la pêche qui aussi rudes soient ils nous ont jusqu’ici nouris dignement.

  • Le 11 août 2016 à 16:14, par Hélène En réponse à : Nouveau site d’orpaillage de Tindangou : Agissons avant que l’irréparable ne se produise

    tout est une question d’équilibre si nos autorités ne participent pas à cela nous allons droit dans le mur il ne pourra même plus y avoir d’agriculture dans une zone polluée !
    plus d’animaux , plus de touristes plus d’aide pour les villageois .....plus de villageois
    Où sont les autorités responsables dans le pays des hommes intègres ??????????????

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