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Pénurie d’eau au secteur 17 de Ouagadougou : Les femmes perdent le sommeil

Publié le mercredi 27 avril 2005 à 07h10min

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A Pissy, secteur 17 de Ouagadougou, de longues files de barriques s’observent de jour comme de nuit aux bornes-fontaines. L’eau potable fait défaut. Certains disent qu’il y a pénurie (populations), d’autres qu’elle est localisée (administration). Qu’en est-il exactement ?

Depuis le 18 mars 2005, une frange de la population de Pissy (secteur 17 de Ouagadougou) vit un calvaire : la pénurie d’eau. Un calvaire qui se manifeste par des longues files de barriques, de bidons, de seaux d’eau.

12h35, à la fontaine qui jouxte le château d’eau en construction, des femmes et des jeunes attendent "la source de vie" depuis 7h selon certaines, d’autres depuis 10h. Henry Nikièma est le "Koomnaba", le gérant de la fontaine. "Nous veillons ici souvent pour avoir de l’eau". Par jour, l’homme rapporte que des coupures intempestives surviennent au moins toutes les 2h30 mn. Selon ses explications, cet état de fait est dû à la faiblesse de la pression en temps de chaleur.

Pour Ablassé Ouédraogo, propriétaire de barrique d’eau, entre 5h du matin et 12h00, il n’a eu qu’une seule barrique d’eau. Des femmes assises à l’ombre semblent prendre leur mal en patience à voir leurs attitudes. Certaines allaitent leurs bébés, d’autres couchées à même une natte ou sur un banc semblent reprendre des forces.

A bout de force, certaines femmes dorment, d’autres essaient de "tuer" le temps en causant. Les moustiques ne sont pas loin surtout que ... Malgré cette situation, le directeur départemental ONEA/Ouaga, Lamine Issiaka affirme "qu’il ne sied pas de parler de pénurie d’eau dans le contexte actuel à Ouagadougou. Pénurie ? Oui, poursuit-il, mais autour de l’ancien château d’eau de Pissy qui, selon lui, a été construit à la même hauteur que les habitations", dixit le directeur.

Cependant, Awa Kaboré qui, depuis 2 jours, vient à peine d’avoir sa première barrique d’eau à 22 heures ne semblent pas "gober" cette explication qui relève de la théorie pour elle. Bébé au dos, s’échinant tant bien que mal pour faire sortir sa barrique de la "pléiade" de fûts posés, elle explique : "Nous sommes obligées de quitter nos foyers à des heures tardives, ne serait-ce que pour avoir l’eau nécessaire pour la boisson".

Dans cette foule grouillante au beau milieu de la nuit, un élève clame : "Je suis élève mais, je viens à cette heure chercher de l’eau" (NDLR : 22h30 mn). Et l’élève de se tourner vers ses copains qui jouent à courir sur l’alignement des bidons "Comment peut-on étudier ses leçons dans ces conditions ?". En ce lieu, trois sorties d’eau alimentent les fûts. Une pour les bidons et les seaux, une pour les barriques à usage de ménage (privé) et la dernière, pour les vendeurs de barriques.

Au chat et à la souris

Le "koomnaba" de cette fontaine, Ablassé Nana affirme veiller à la fontaine pour ravitailler ses clients. Il est obligé souvent de fermer à 7h le lendemain non seuleent pour se reposer mais aussi par manque d’eau suite aux coupures. Tandis qu’une jeune fille fait la navette entre le tuyau et son fût à l’aide d’un seau à la lueur de la lampe-torche du "koomnaba", la femme assise sur son bidon essaie de calmer les pleurs de son enfant. Une autre n’a trouvé mieux que de s’étaler sur l’alignement des bidons qui s’étend sur au moins 30 mètres.

De l’autre côté de la sortie, la file des barriques avoisine 50 mètres. Mieux, disent les jeunes, certaines nuits, la longueur de la file est doublée. Non loin, sur un bidon posé à l’écart de la file, une femme tête baissée, semble s’interroger : à quand mon tour de service ? Il venait d’être 22h45 mn.

Le nombre élevé de fûts et de barriques en cette heure de la nuit est impressionnant. Selon les femmes et les jeunes, la présence de barriques s’explique en partie par le fait que les agents de la mairie réclament des patentes de 3000 F au porteur des barriques au cours de la journée. Alors pour éviter de payer cette taxe qu’ils estiment être de trop, les propriétaires de barriques préfèrent jouer au chat et à la souris avec la mairie en venant à la fontaine à la tombée de la nuit.

Face à cette situation, que fait l’ONEA pour ravitailler les fontaines ? Lamine Issiaka répond : En dehors de ces forages, il y a eu un apport du château-d’eau de Gounghin à hauteur de 3000 m3/jour pour la zone". Cependant, reconnaît-il, "tout cela réunit, ne suffit pas à couvrir les besoins des populations de Pissy, encore moins, de ceux-là qui sont autour du château".

Qui avec des barriques, qui des bidons ou des bassines, tout est mobilisé pendant des heures attendant que l’eau soit disponible

L’interrogation qui coule de source est de savoir si les études pour la réalisation de ce château ont été prévisionnelles. Le directeur départemental pense que les études n’ont pas été réfléchies. Cependant, il recadre ses propos en affirmant "qu’au moment où on construisait le château, il n’y avait personne autour du château. Les études avaient sous-estimé le développement de Pissy. Sinon, sur un plateau, on ne doit pas faire un réservoir au sol". A qui la faute ? La population, elle, souffre des imprévisions de ces études. Et le coût de la denrée rare en prend un coup.

Et Ziga dans tout cela ?

Le château-d’eau en construction est prévu pour finir en décembre 2005, selon Lamine Issiaka Pour une barrique qui s’achetait à 150 F, il faut maintenant 600 F en cette période de pénurie. Or, la barrique est remplie au prix de 65 F, la journée, 75 F, la nuit tombée. L’écart est faramineux. Le vendeur rétorque : "C’est le prix de la fatigue" Saïbou Barro, élève en classe de 4e est assis sur sa barrique à la queue de la file : "Hier, explique-t-il, la file barrait toute la voie" ce n’est pas une petite affaire que d’avoir de l’eau ici.

Vraiment, si on pouvait s’en sortir sinon...". Il ne termine pas sa phrase et l’accompagne d’un hochement de tête en signe de désolation. Pour s’en sortir, le directeur départemental de l’ONEA compte sur les constructions des infrastructures qui permettront de couvrir la totalité des besoins en eau des populations de Pissy. Un château-d’eau est en construction dans la zone.

Mais celui-ci ne se terminera, selon Lamine Issiaka, qu’en décembre 2005. Pour ce qui est de l’eau du barrage de Ziga qui alimente déjà les secteurs 26, 27, 28, 29, 30, le Sud du 15 et une partie du 25, des infrastructures adéquates permettant de la transporter jusqu’à Pissy sont en phase de réalisation, selon le directeur départemental de l’ONEA/Ouagadougou. Quant au château-d’eau en construction, le constat est qu’il reste beaucoup à faire quant à la finition de la cuve du château et l’installation des machines et le branchement des tuyaux. Débuté en août 2004, il devrait finir dans 18 mois.

Selon les prévisions, le réservoir pourrait contenir 3010 m3, celui du château 2 000 m3. Cette capacité, ajouté à celle des autres infrastructures disponibles ou en chantier pourrait couvrir la demande de 70 000 l à plus de 80 000 l par jour que consomment les populations de Pissy.

En attendant, les nuits à la belle étoile des jeunes et des femmes de Pissy à la fontaine se poursuivent jusqu’à ce que les vannes du ciel daignent nous pourvoir de cette denrée rare : l’eau. A quand la fin du calvaire ? Nul ne le sait.

Daouda Emile OUEDRAOGO(ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

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