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Suppression de de "Presse Dimanche" : L’intolérable mépris des citoyens

Publié le mardi 9 décembre 2003 à 10h14min

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Au sortir de la Journée Nationale de Pardon et en dépit de la réserve de nombreux Burkinabé, la majorité de l’opinion avait accepté de croire en la volonté des gouvernants de s’amender. Ces derniers avaient senti le souffle de la catastrophe de si près qu’on pouvait croire qu’ils saisiraient la perche de la Journée Nationale de Pardon.

C’était la conviction de tout ce que le pays compte comme références morales et religieuses et de nombre de Burkinabé qui ont cru que cet exercice de thérapie nationale était un investissement au profit de la paix, un encouragement à reconstruire la cohésion nationale mise à mal. Mais il faut convenir une fois pour toutes que le régime qui nous gouverne est congénitalement incapable de changement. Tout ce qu’il fait, il le fait avec des arrière-pensées, avec des intentions félines qui cachent mal son attachement au régime totalitaire et globalisant des temps d’exception.

Un certain nombre de faits, allant de l’accueil de rebelles au Burkina Faso en passant par les putschs dans les partis, la volonté de ramener les pseudo CDR dans les services, les velléités de tripatouillage du code électoral.. jusqu’à aujourd’hui la suspension sans mot dire de " Presse Dimanche ", montre bien l’irrépressible volonté des tenants du pouvoir d’avoir la haute main sur toutes les libertés, tous les biens, bref sur tout le Burkina Faso pour le gérer comme un bien propre. Devant un tel pouvoir, il ne doit plus y avoir de concessions mais seulement une mobilisation déterminée pour lui dire qu’il n’est pas au-dessus des lois et de la Constitution. C’est notamment ce qui doit se faire avec cette suppression de " Presse Dimanche " qui ne dit pas son nom.

Point n’est besoin d’un sondage pour démontrer que cette émission figurait parmi les plus prisées sur l’ensemble du territoire national. On ne peut pas calculer le nombre de citoyens qui étaient prêts à sacrifier un pique-nique, une escapade au maquis du coin, une visite à des relations…, bref des occupations dominicales traditionnelles au bénéfice de cette émission.

Elle n’était pas seulement un défouloir à travers les joutes verbales qui opposaient les animateurs, elle était l’occasion d’informer, d’éduquer et de poser les vrais problèmes qui préoccupent les Burkinabé. Les I.A.C., les gestes jugés dispendieux aux députés, le coup d’Etat à l’ADF-RDA, les dons et cadeaux royaux de vacances. aux ministres, la route Boromo/Bobo, la crise ivoirienne, la crise irakienne, le coup d’Etat en R.C.A., les subventions occidentales à leurs cotonculteurs, la gestion opaque des "Bayirisé ", le mois de la solidarité, la présumée tentative de coup d’Etat, bref toutes ces questions et bien d’autres donnaient l’occasion aux participants de s’exprimer et de refléter par le fait les attentes, les critiques des Burkinabé. S’il y avait une émission qui pouvait effectivement constituer un thermomètre infaillible de la gouvernance nationale, c’était bien "Presse Dimanche ".

En d’autres pays de démocratie, on aurait choyé un tel instrument et c’est du reste ce qu’on observe avec des émissions comme " 100 minutes pour convaincre ", "Afrique Presse " sur RFI et CFI… Mais au pays des hommes intègres, c’est tout autre. Quoi d’étonnant au fond : l’ intention du pouvoir n’a jamais été de valoriser la démocratie mais d’en exploiter les mécanismes à son seul profit ; il espérait renforcer par l’émission son emprise sur l’opinion. Il pensait être en mesure de faire avaler par les téléspectateurs ses politiques et continuer à manipuler ainsi les électeurs en sa faveur.

A l’exercice, à son grand désagrément, il a eu faux sur toute la ligne. A chaque émission, les points de vue du pouvoir âprement défendus par ses représentants- ont été battus en brèche et le cauchemar a commencé car à chaque fois que les N’Do Mathieu, les Liermé Somé, les Sy Chériff…. prenaient la parole, le pays profond se reconnaissait en eux, et c’est ainsi qu’ils sont devenus les porte-parole des sans-voix, les redresseurs de torts, les fouineurs mettant régulièrement à nu les cabales diplomatiques, les dérives de la gouvernance. "Presse Dimanche " était devenu un contre-pouvoir crédible et partant, une contre-performance pour le gouvernement et il fallait trouver, plus encore que pour Médiascopie et autres émissions du genre supprimées, un moyen pour en finir.

Alors, sur instruction du Premier ministre à en croire l’Observateur Paalga du 05/12/2003, le Ministre Raymond Edouard Ouédraogo, un homme de presse a poignardé la presse. Il n’a pas fait que poignarder la presse, il a en obéissant aux ordres aveugles montré le plus grand mépris du pouvoir pour le droit à la différence, pour la majorité des Burkinabé qui se régalaient de cette émission, la seule qui venait rompre avec le gavage hebdomadaire dont ils sont l’objet du fait des séances propagande des médias d’Etat.

Quelques journalistes sustentés par le pouvoir se rejouiront ou réagiront mollement car cette émission véritable miroir infaillible, était leur mauvaise conscience. Mais le peuple dans sa grande majorité inscrira au débit du pouvoir ce énième geste de mépris à son endroit. L’opinion internationale, qui grâce à Dieu, revient de ses illusions premières par rapport à notre démocratie en trompe-l’œil, y verra un motif pour être encore plus circonspect par rapport à ce régime.

Finalement, Ernest Paramanga Yonli et Raymond Edouard Ouédraogo, dans un certain sens, ont rendu un grand service aux contempteurs du régime qui y trouveront, il ne faut pas en douter, des raisons supplémentaires pour œuvrer résolument au changement devenu vital pour le peuple.

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