Durant la neuvième édition du festival franco-burkinabè « Lafi Bala » qui s’est déroulée fin juin dernier à Chambéry, dans le sud-est de la France, ses spectacles étaient les plus prisés. A chacune des représentations en plein air, le public, particulièrement jeune, était au rendez-vous, les premières places étant occupées bien avant le début du spectacle. Le contact est direct. Le conte étant intemporel, Bintou Sombié introduit le spectacle en commençant par où commence tout bon conteur : avant, avant, il y a très, très longtemps… Le jeune public est captivé et attend la suite !

Comédienne conteuse, Bintou Sombié l’est devenue par le biais du théâtre, une passion qui l’a saisie à partir de 1998 lorsqu’elle animait des causeries-débats de sensibilisation des jeunes des quartiers de Bobo-Dioulasso sur le Sida, les relations hommes femmes, l’avortement clandestin, etc. En 2001, elle rencontre le metteur en scène d’une troupe professionnelle, disposé à former les animateurs de théâtre. Ce dernier remarque très vite que Bintou Sombié sort du lot et lui propose de rejoindre sa troupe de théâtre. Une opportunité qu’elle a su saisir, et tout en continuant les animations, améliore sa formation aux côtés des professionnels.

Grâce à d’autres formations suivies à l’Institut français, elle se familiarise avec les notions de théâtre et de mise en scène. « De fait, la comédie était devenue mon métier puisque tous les matins, je répétais avec la troupe et j’avais l’occasion de rencontrer d’autres acteurs lors des tournées », explique t-elle.

A l’occasion du festival Yelelen qui se tient à Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du Burkina, elle assiste aux spectacles offerts par des conteurs et conteuses et découvre que les différents contes narrés ne lui étaient pas étrangers. « Ma grand-mère maternelle était une femme de l’oralité et a bercé mon enfance par des histoires que j’ai retrouvées chez les conteurs professionnels ». Elle découvre à l’occasion qu’on pouvait gagner sa vie en étant conteur, à condition bien entendu de maitriser l’art de la narration et l’appropriation du conte. Ce qu’elle fait, et après un baptême du feu en 2008 lors d’un festival, Bintou Sombié est entrée dans le cercle des conteurs, et enchaine depuis lors les tournées aussi bien au Burkina, qu’en Afrique et en Europe.

Son public, très large, couvre les tout-petits depuis les crèches jusqu’aux personnes admises en maison de retraite en passant par les adultes. « Je choisis le conte en fonction du public, et je travaille sur mon répertoire en adaptant par exemple le même conte au public à condition qu’il n’y ait pas un grand écart entre les deux », explique t-elle. L’objectif premier du conte, c’est de divertir, amuser l’auditoire, éveiller l’imaginaire de l’enfant, l’inciter à un travail de mémorisation et l’emmener à comprendre la morale qui se cache dans chaque histoire. C’est aussi un canal pour faire passer des messages et dénoncer des injustices. Comme ces milliers d’enfants qui se retrouvent dans les rues parce qu’ils n’ont pas d’endroit où dormir et qu’on appelle « improprement les enfants de la rue, comme si la rue pouvait enfanter alors que c’est à cause parfois de l’irresponsabilité d’adultes », s’indigne t-elle. Comme Socrate, Bintou Sombié exalte la parole qui facilite la rencontre, là où l’écriture incite à la distance par rapport à l’autre.

Joachim Vokouma ; Lefaso.net (France)