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Lassané Kaboré, directeur général de la coopération : "Pour 2016, nous devons mobiliser 130 milliards de F CFA auprès des bailleurs"

Publié le samedi 23 janvier 2016 à 10h40min

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Lassané Kaboré, directeur général de la coopération :

A la tête de la Direction générale de la coopération depuis 2013, Lassané Kaboré, haut fonctionnaire de la CEDEAO en disponibilité, aborde, à travers cette interview, le bilan de l’interface du Burkina Faso avec ses partenaires techniques et financiers en 2015 et les perspectives pour 2016. Les difficultés d’absorption des ressources financières obtenues auprès des bailleurs ne sont pas non plus occultées. Le directeur général de la coopération revient également sur la coopération entre « le pays des Hommes intègres » et celui du Soleil Levant.

Sidwaya (S.) : La mobilisation des ressources financières est l’une des missions de la Direction générale de la coopération (DGCOOP), l’interface entre le Burkina Faso et ses partenaires. Comment l’avez-vous accomplie en 2015, dans le contexte de la Transition politique ?

Lassané Kaboré (L.K.) : L’année 2015 a été particulière du fait de la situation de la Transition ; elle a aussi été révélatrice de la solidarité de nos partenaires. Et pour cause, en 2015, les appuis budgétaires, c’est-à-dire des enveloppes financières que l’Etat peut directement utiliser à travers l’exécution de son budget ont connu une hausse. Ainsi au titre de l’année écoulée, ce sont 219 milliards de FCFA, environ le double des montants mobilisés en temps normal. Par exemple en 2014, les appuis budgétaires se chiffraient à 126 milliards de FCFA. Il y a donc eu un véritable effort des partenaires pour accompagner la Transition.

S. : Quelle place occupe le Japon parmi les bailleurs de fonds du Burkina Faso.

L.K. : Je ne souhaite pas classer les différents partenaires techniques et financiers du pays. Toutefois je tiens à souligner que les interventions du Japon sont très efficaces. L’appui des partenaires japonais est assez particulier parce qu’il relève d’un mécanisme spécifique : à savoir dans un premier temps faire des dons en riz ou en engrais ; dans un deuxième temps ces dons sont vendus et les produits sont stockés dans un compte à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BECEAO), enfin les produits des ventes sont utilisés pour financer un certain nombre de projets. En plus de la coopération bilatérale, le Japon à travers sa contribution au Fonds monétaire international, la Banque africaine de développement ou la Banque mondiale ou les institutions spécialisées du système des Nations unies finance également des projets au Burkina Faso dans le cadre de la coopération multilatérale.

S. : Quels sont les secteurs ciblés par la coopération nippone ?

L.K. : La coopération entre le Burkina Faso et le Japon concerne une diversité de secteurs à travers des projets qui sont mis en exécution soit par l’ambassade ou l’Agence de coopération japonaise (JICA). Les secteurs traditionnels sont la santé à travers la construction des centres de santé, l’éducation par la construction d’écoles et de lycées, entre autres, depuis 2015, la DGCOOP a amorcé des discussions avec le Japon afin de bénéficier de prêts directs dans le financement des routes et des autres infrastructures auprès de la JICA. D’ailleurs en ce moment, une équipe burkinabè séjourne au Japon pour finaliser ces négociations. L’objectif étant d’obtenir en plus du mécanisme traditionnel des dons ou des prêts à des taux faibles dit prêts concessionnels. La coopération va donc grandissante entre nos deux pays.

S. : Comment avez-vous traité le dossier qui a permis aux Editions Sidwaya d’acquérir un important lot de matériels grâce au financement de l’ambassade du Japon ?

L.K. : Il faut avouer que c’est la première fois que les Japonais financent un organe de presse au Burkina Faso. Tout est parti d’une démarche personnelle de la direction générale des Editions Sidwaya, qui faisait face un déficit en matériels roulant et informatique. Elle a donc approché la DGCOOP en 2013 afin que celle-ci puisse identifier un partenaire susceptible d’accompagner cet organe de presse pour résoudre ses problèmes ponctuels. A la suite de cette première prise de contact, une estimation des besoins a permis à la DGCOOP d’entamer des négociations avec l’ambassade nippone. Finalement en 2015, la démarche a abouti à l’allocation de 389 millions de FCFA au « journal de tous les Burkinabè ». Les négociations ont pris du temps car il fallait expliquer les enjeux de cet appui à savoir mettre Sidwaya aux normes et améliorer les conditions de travail des agents.

S. : Quelles sont les priorités de la direction générale de la coopération en 2016, dans un contexte international marqué par une baisse de l’aide publique au développement ?

L.K. : Les prévisions de la DGCOOP en termes de mobilisation financière en 2016 tournent autour de 130 milliards de FCFA. Par rapport aux 219 milliards mobilisés en 2015, il y a un gap. Le plaidoyer auprès des partenaires reste notre arme pour mobiliser des appuis budgétaires qui se font de plus en plus rares. Concernant les appui-projets auprès d’institutions internationales de financement telle la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, le Fonds islamique de développement, le plaidoyer se poursuivra également. En ce moment il y a des évaluations de routes comme celle reliant Ouahigouya et Djibo qui sont en cours. Pour les appuis projets comme celui dont à bénéficier Sidwaya, je me garde d’évoquer les perspectives car je suis personnellement en fin de disponibilité et je dois retourner à mon institution d’origine, la CEDEAO.

S. : L’une des difficultés des pays en développement est l’absorption des montants qui leur sont alloués dans le cadre de l’aide publique au développement. Que peut-on dire de la situation du Burkina Faso et que faites-vous pour y remédier ?

L.K. : Le taux d’absorption des montants alloués est très faible, autour de 26% chaque année. Pour certains bailleurs comme la Banque mondiale, il est encore plus bas de l’ordre de 14% lors de la revue à mi-parcours. Il y a plusieurs raisons à cette situation. La première est l’immaturité des projets soumis à financement. Lorsque l’étude de projet est mal conduite cela se traduit par des difficultés lors de l’éxécution comme des appels d’offres hors enveloppe, c’est-à-dire des estimations en-deçà des prix du marché. Il faut donc de la rigueur dès la formulation des projets. En outre, il y a une dualité entre les procédures des partenaires et les textes nationaux.
Il n’est pas rare que malgré l’avis de non objection des partenaires c’est-à-dire son OK les procédures nationales empêchent de décaisser les fonds. La réflexion doit donc être menée pour lever ces obstacles surtout dans le cas de dons ou de prêts concessionnels, sachant que les partenaires sont en général très regardant sur la transparence, la compétitivité et sur toute la procédure. Certaines équipes projets manquent de qualification et de suivi et il faut que désormais des personnes vraiment compétentes soient mises à la tête des projets avec un mécanisme de suivi-évaluation efficace. Des réflexions ont été entamées en 2015 pour trouver des pistes à ces problèmes structurels pour améliorer les taux d’absorption.

S. : Votre dernier mot...

L.K. : J’ai eu la chance de travailler dans un environnement très incitatif avec des partenaires très compréhensifs. J’ai aussi eu la chance d’avoir à mes côtés, des collaborateurs très dévoués qui, malgré le contexte national difficile, sont restés mobilisés. Cela nous a permis de faire de notre mieux à la tête de cette direction et de renforcer les liens avec tous les partenaires. C’est l’occasion de remercier tous les partenaires qui m’ont tous accepté. Je voudrais remercier les journalistes pour avoir relayé le message de la DGCOOP. Etre parrain du Tournoi (de maracana) inter-rédactions (TIR) en 2015 m’a permis de mieux connaître le monde des journalistes.


Lassané Kaboré

Lassané Kaboré est inspecteur des Finances , cadre à la commission de la CEDEAO, entré dans la Fonction publique en 1996, directeur de la surveillance multi-latérale des politiques économiques et financières des Etats-membres de la CEDEAO à la Commission de la CEDEAO à Abuja.

Il est revenu au pays après avoir bénéficié d’une disponibilité de deux ans pour diriger la DGCOOP. Finalement, il y est resté trois ans car, de façon exceptionnelle, le CEDEAO lui a accordé une rallonge d’un an pour couvrir la période de la Transition. Dans les jours à venir, il retournera à la Commission de la CEDEAO à Abuja.

Interview réalisée par Nadège YE
Sidwaya

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