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« Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (13)

Publié le samedi 19 décembre 2015 à 11h13min

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« Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (13)

Le Burkina Faso ayant débuté, en mars 1991, la mise en place de son premier programme d’ajustement structurel, Bissiri Joseph Sirima (cf. LDD Burkina Faso 0541/Lundi 14 décembre 2015) va être en charge, pendant plus d’une décennie, du secrétariat exécutif du PAS et de la coordination des politiques de développement économique et social (PDES). « Le PAS, dira-t-il en 2009 à Sidwaya*, a été une expérience importante pour notre pays. Il a construit des fondations solides qui permettent de bâtir tout ce qui est fait aujourd’hui ».

Pendant cette période, il aura à gérer les effets collatéraux de la dévaluation du franc CFA en 1994. « Nous avions fait la proposition d’une dévaluation à 100 %. Notre hypothèse n’a pas été suivie et on a dévalué à 50 %. Ce n’était pas suffisant. Il fallait que, nous autres Africains, nous apprenions à vivre avec nos moyens et pas au-dessus. Une dévaluation de 100 % nous aurait permis de voir nos réalités en face. La dévaluation de 50 % fut politique et pas économique […] pour ne pas trop choquer nos chefs d’Etat. Ce jour-là, j’étais découragé »*.

En 2001, il sera nommé conseiller-directeur et chef du département économie et finances au sein du premier ministère (c’est alors Paramanga Ernest Yonli qui est premier ministre ; Sirima saluera « son approche » qui « était d’intégrer le secteur privé dans la gestion des affaires de l’Etat pour en faire le pilier de l’amélioration des finances du secteur public […] Il faut que nos localités fonctionnent aussi comme le privé, qu’elles puissent faire appel à l’épargne privée à travers des prêts bancaires »*). C’est aussi en 2001 qu’il va rédiger, pour le compte du ministère de l’Economie et des Finances une étude de 162 pages intitulée : « Compétitivité et croissance économique, orientation, stratégie et action ».

En févier 2006, Sirima va être nommé coordonnateur national de l’unité de coordination du programme du Millennium Challenge Corporation, qui sera la phase d’élaboration du programme. Et à la suite de la signature de l’accord entre les Etats-Unis et le Burkina Faso, le 14 juillet 2008, il assumera le poste de coordonnateur national du MCA-BF. La gestion du MCA va le projeter sur le devant de la scène économique et diplomatique ; il est dès lors l’interlocuteur de l’ambassadeur des Etats-Unis à Ouaga et le partenaire des Américains en charge du MCA. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il a été fait grand officier de l’Ordre national le 10 décembre 2014. Sa chance aura été que sa mission s’est achevée le 31 juillet 2014 à la veille de « l’insurrection populaire » qui lui offre, un an plus tard, une ouverture politique inattendue.

Dans la perspective de sa reconversion, il avait créé le Centre de recherche pour le développement économique et l’intégration africaine (Credia), un bureau d’études qui entend mener des recherches sur la manière « d’accompagner autrement le développement du pays et du continent ». Il dénonçait alors les agents de l’administration burkinabè « venus d’autres horizons qui, malheureusement, ont une autre façon de concevoir le succès professionnel ou la vie. Ils sont pressés de réussir, de s’enrichir. Cela est dommage. On le voit parce qu’ils sont intolérants lorsqu’ils font des revendications. On ne peut prendre un pays en otage parce qu’on est dans un secteur donné de l’administration. Ce n’est pas normal ». Lui qui affirmait avoir « servi [son] pays très dignement », prônait alors « l’amour » du Burkina Faso afin de « le faire sortir de la misère » et de travailler « dans le sens d’une véritable intégration africaine »**.

Sirima se retrouve aujourd’hui en tête de liste des premiers ministrables. Avec un atout considérable : il est un parfait connaisseur de la situation économique et sociale du Burkina Faso tout en étant un « politique » ayant une vision pragmatique de la « bonne gouvernance » du pays. Ce qui lui permet de savoir ce qu’il y a eu de bon dans la gestion passée, loin d’une vision dogmatique de la situation qui prévaut aujourd’hui dans le pays.

Il dit que « la chose [qu’il] déteste le plus », c’est, « franchement », « l’hypocrisie ». Il dit : « J’ai le défaut de ne pouvoir cacher ce que j’ai sur le cœur. Les gens n’aiment pas toujours qu’on leur dise les choses en face. Je n’ai jamais pu m’empêcher de dire à quelqu’un, vraiment, ce que tu as fait là est mal. Je n’aime pas que l’on critique en l’absence de l’autre ». Il dit encore : « Je préfère toujours travailler avec les femmes qu’avec les hommes […] Une femme, quand vous déconnez, elle est capable de vous dire, ça ce n’est pas bien. Mais un homme ne vous dira jamais ça ». Il dit aussi : « Je n’ai pas beaucoup d’amis pour la simple raison que je n’aime pas l’hypocrisie ». Quant à la politique, elle doit dire « la vérité pour émanciper les populations afin qu’elles contribuent au développement » ; « le sens que je donne à la politique c’est qu’elle parle de développement »*.

Au-delà de l’homme qu’il est, il y a les convictions qui sont les siennes et une obsession : « Trouver des institutions qui conviennent à nos réalités traditionnelles ». « Dans le système que je propose, on doit pouvoir associer les forces traditionnelles et religieuses dans la gestion de la chose publique. Avant la Révolution d’août, les forces traditionnelles exerçaient un véritable pouvoir. Dans chaque localité, il faut associer ces forces qui ont une influence réelle dans le développement des villages. Est-ce qu’il faut instituer une assemblée qui tienne compte pour partie de ces forces traditionnelles et pour partie des modernes, à savoir les intellectuels et autres ? [c’était l’argument avancé par le pouvoir pour justifier le projet de sénat]. Même si on ne va pas constituer une assemblée, il faut arriver à trouver un système de consultation de ces chefs ».

Mais il entend, pour autant, que les chefs traditionnels restent à leur place : « L’erreur que commettent certains chefs traditionnels, c’est de militer dans un parti politique ». Interrogé alors (c’était en 2009) sur l’option affirmée par Salif Diallo en faveur du régime parlementaire, Sirima avait répondu : « A mon avis, choisir l’option d’un régime parlementaire plutôt qu’un régime présidentiel consent en réalité que nos pays doivent aller dans le sens de nos cultures. C’est un point de vue personnel. La colonisation a détruit nos racines. Tout ce que nous faisons actuellement, ce sont des copies qui ne correspondent en rien à nos traditions »*.

Vision originale ; il faut « regarder froidement la réalité ». Ainsi (en 2009), il se réjouissait que Denis Sassou Nguesso ait remporté les élections : « Honnêtement au Congo qui pouvait [le] devancer avec la puissance financière dont il dispose ? ». Même chose pour Ali Bongo, « qui est dans les affaires depuis longtemps », qui a « une influence réelle au sein de l’armée et dans la vie politique de son pays », qui a « été préparé en quelque sorte » alors « que les autres étaient loin de la gestion de la chose politique ».

Sirima partant ainsi du principe qu’on « peut réaliser l’équilibre par l’ordre ou par le désordre », oppose équilibre entropique et équilibre néguentropique. Il déplore qu’en Afrique, « souvent […] on n’aime pas travailler dans la durée. On entreprend rapidement et quand cela doit traîner trop, on n’est pas dedans. Alors que pour les ajustements, il faut suivre jusqu’au bout et avec la même rigueur. Les Africains n’aiment pas cela. C’est là où se trouve la difficulté ». Il dit aussi que « souvent, le tort encore pour nous les Africains, c’est toujours de chercher le bouc émissaire, chercher la responsabilité ailleurs, au lieu de nous regarder en face et situer nos faiblesse, nos forces afin de mieux exploiter une situation ». Il déplore que « souvent on dirait que les ministres cherchent plutôt à détruire ou à dévaloriser les œuvres de leurs prédécesseurs. On ne peut pas avancer dans un tel système »*.

* Entretien avec la rédaction de Sidwaya, mardi 1er septembre 2009.

** Entretien avec Kossaomané Anselme Kambiré, Sidwaya, 30 juillet 2014.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 19 décembre 2015 à 19:23, par Yiriba En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (13)

    Bon reportage informatif. Je partage plusieurs des positions et vision de M. Sirima. Ce dernier mériterait un poste économiste au gouvernement car sa vision et objectifs se basent sur les résultats, les capacités de l’individu et le travail. Naturellement il faut rester patient, car se développer ne se fait pas par la baguette magique d’une fée. Bonne chance à Sirima et peut-être qu’il pourra faire la différence ou du moins passer un enseignement pour la continuité d’un développement à l’africain.

  • Le 20 décembre 2015 à 10:58, par HIE En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (13)

    C’est un vrai bosseur. Il est intelligent et Infatigable. Il donne le bon exemple. Suivez Le

  • Le 20 décembre 2015 à 13:04, par veridik En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (13)

    SIRIMA est l’homme qu’il faut pour la révolution économique, sociale, culturelle, tant voulu par les burkinabé. bosseur et bon médiateur,il saura concilier les différentes positions au sein de l’administration publique et mener à bien les grands axes de développement. Financier,il a la confiance des bailleurs de fond et saura les convaincre. Aucun grief n’est à apporter à ce monsieur. C’est au pieds du mur qu’on juge le maçon.

  • Le 20 décembre 2015 à 13:29, par caoot En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (13)

    Onte voit venir, tu veut être PM ou Ministre de l’ECONOMIE..... ce qui est sûr on est bien calé et on t’attend. C’est trop théorique, nous on veut le concret : developpement individuel et collectif et mieux être du peuple. le reste c’est des debats intelo de ceux qui ont UN PEU

  • Le 20 décembre 2015 à 14:18, par Conscience Citoyenne En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (13)

    « J’ai le défaut de ne pouvoir cacher ce que j’ai sur le cœur. Les gens n’aiment pas toujours qu’on leur dise les choses en face. Je n’ai jamais pu m’empêcher de dire à quelqu’un, vraiment, ce que tu as fait là est mal. Je n’aime pas que l’on critique en l’absence de l’autre ». « Je préfère toujours travailler avec les femmes qu’avec les hommes […] Une femme, quand vous déconnez, elle est capable de vous dire, ça ce n’est pas bien. Mais un homme ne vous dira jamais ça ». « Je n’ai pas beaucoup d’amis pour la simple raison que je n’aime pas l’hypocrisie ». Quant à la politique, elle doit dire « la vérité pour émanciper les populations afin qu’elles contribuent au développement » ; « le sens que je donne à la politique c’est qu’elle parle de développement »*.
    Merci, Mr. Sirima.Beaucoup de gens en effet n’ aiment pas la verite. et beaucoup de nos intellectuels n’ en sont pas uns. En realite, ce sont des gros diplomes pour la plupart. Ce sont des perroquets sans moralite qui ont appris par coeur de leurs profs, d’ ou la faible force de propositions qu’ ils constituent. Ils sont presses, ils veulent manger, ils ne tirent pas lecon du fait que tous ceux qui se sont mis a vil prix sur le marche des achats des consciences se brulent immanquablement les ailes ; ils crient, se font distinguer par les pouvoirs en place afin de se faire acheter comme de vulgaires bonbons. C’est en ce moment qu’ ils font pire meme que les animateurs de djandjobas. Ne les appelez pas des griots parce que griot est un terme tres noble, qui a sa deontologie. Eux, leur deontologie, c’est les feuilles de banque. Mais l’ argent de la honte qu’ ils ont empoche finit par finir comme c’ est fini et les puissances avancent vers une autre cible puisqu’ ils sont nombreux a s’ aligner, sebile en main. Au suivant ! Mais , il y a quelques individus qui sont certes corruptibles comme tout homme, mais pas avec la meme monnaie utilisee pour acheter de la bouillie. Norbert Zongo en etait l’ exemple le plus connu mais il n’ etait certainement pas le seul. Ils sont rares mais ils existent toujours. Malheureusement, quand on t’ achete dans le noir, meme s’ il n’ y a pas eu de camera pour filmer l’ evenement, le peuple le sentira parce qu’ un intellectuel a la bouche enfarinee ne peut plus parler comme avant. La bouche pleine ne peut plus parler. C’est la seule bonne education africaine qu’ ils ont retenue. Quant au fait que vous n’ ayez pas beaucoup d’ amis a cause de votre franc- parler, vous n’ etes pas le seul. Mais en realite, il vaut mieux avoir une seule bonne dent blanche dans la bouche que d’ en avoir 34 de pourries. Car qui n’ aimerait pas marcher seul que d’ etre mal accompagne ?

  • Le 21 décembre 2015 à 13:30, par citizen En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (13)

    Les griots ont commencé déjà ! Des pan africanistes qui ne peuvent même pas soutenir leur propre petit frère en situation d’étudiant venu du fond des cascades et prétendent être bien. Un bon économiste ne fait pas consommer l’electricité de la sonabel que le pauvre contribuable peine pour faire fonctionner par un duplex inhabité de ouaga 2000 et refuser de payer les factures au temps de la compaorose (Blaise et sa bande). C’est justement le P.A.S. qui a fait que le Burkina est en retard. Si tu deviens un premier ministre ou un ministre de l’économie, le Burkina va reculer pire que pendant la compaorose. Donc tu était un bon économiste quand Norbert ZONGO a été assassiné en ayant eu le courage de dénoncer la gabégie de la compaorose ou bien c’est après l’insurection et le coup d’Etat manqué que tes talents de bon économiste te sont révélés ? Vrai hypocrite que toi, y en a pas ! Si le président Rococo ne fait pas attention tu risque de le trahir un jour si tu es nommé ministre ! Si la honte pouvait tué... N’importe quoi...

  • Le 21 décembre 2015 à 16:51, par Mite En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (13)

    Monsieur le Président DEMOCRATIQUEMENT ELU PAR LE PEUPLE svp dites nous que vous n’allez pas laisser ces nominations de jupon et de dernière minute de la transition salir votre top départ !
    Rappelez ces ambassadeurs et si vous les estimez compétents vous les renommerez. Si vous les laisser ça passera pour une faiblesse ! Je ne souhaite pas qu’à l’interne et surtout à l’international on ait l’impression que le Président du Burkina est faible, qu’on peut lui imposer des choses. Vous êtes la force et la volonté du peuple !
    Quand à Zida la retraite était l’issue sans difficulté mais à défaut qu’il retourne dans sa caserne même si nous savons que son crash au poste de Général risque de mettre le feu à cette caserne ! En aucun cas, ayant fait parti de la transition et militaire de surcroît, le garder comme ambassadeur ne saurait laisser une bonne marque pour votre mandat !
    En arrivant Zida était une personne. Aujourd’hui avec la fin de la transition il est une autre personne parce pris désormais par la boulimie du pouvoir. Il faut le freiner pendant qu’il est encore temps.
    Roch qui cotoie Zida ce serait pas très tranquilisant.

    Message du plus grand fan de Michel et de Zida jusqu’à récemment en octobre !

  • Le 6 janvier 2016 à 19:00, par Mamadou En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (13)

    Franchement je ne connais pas l’homme alors que c’est un frère de la Comoé. Il est intègre et travailleur en le suivant. Je suis d’avis avec lui et il pouvait être un bon premier ministre pour le pays car rigoureux dans le travail et chaque ministre suivrait ses pas ou sera débarqué. Bravo à toi frère, tu as ta place dans le gouvernement.

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