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« Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (6)

Publié le mercredi 9 décembre 2015 à 23h00min

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« Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (6)

Aucune élection, nulle part dans le monde, ne se fait sur un programme. D’ailleurs qui les lit ? Et parmi ceux qui les lisent, quels sont ceux qui leur accordent de la crédibilité ? Le programme de Roch Marc Christian Kaboré est-il meilleur, pour les Burkinabè, que celui de Zéphirin Diabré ? A-t-il plus de chances d’être appliqué ? Parviendra-t-il à « bâtir avec le peuple un Burkina Faso de démocratie, de progrès économique et social, de liberté et de justice »* comme il s’y engage ?

Roch Kaboré peut bien proclamer que, « ensemble, le progrès est possible », il n’est personne pour penser le contraire et personne pour être convaincu que cela est suffisant ; et, surtout, que « le progrès » sera au bout du mandat présidentiel. Si tant est que l’on sache ce que recouvre ce mot de « progrès ».

Roch Kaboré est présent sur la scène politique depuis plus de vingt-cinq ans. Aux côtés de Blaise Compaoré d’abord ; puis, ces dernières années, en opposition à Blaise. A l’instar de l’évolution des électeurs eux-mêmes. La dernière réélection de Blaise remonte à 2010. Sans passion certes, mais sans problème majeur. A la tribune de l’Assemblée nationale, Roch Kaboré avait d’ailleurs relayé cette année-là le message du président du Faso invitant « l’ensemble des citoyens à approfondir les réflexions sur les réformes politiques indispensables à l’enrichissement dans notre société des valeurs de démocratie et de citoyenneté responsable ».

De manière quelque peu elliptique, ce mercredi 3 mars 2010, il avait aussi évoqué la révision de la Constitution par la voie référendaire. « La Constitution est le document politique par excellence qui appartient au seul souverain qu’est le peuple burkinabè pour organiser les institutions et garantir l’Etat de droit. Elle fixe elle-même la procédure suivant laquelle elle peut être révisée ». Il avait ajouté : « Seul le peuple est souverain pour trancher en dernier et se doter des institutions qu’il souhaite établir ». Il avait dit encore – et cela ne manque pas de sel aujourd’hui – que cette première session parlementaire de l’année 2010 était « l’occasion de réaffirmer notre position de principe contre toute prise de pouvoir par la force, en dehors des voies constitutionnelles […] La théorie des bons et mauvais coups d’Etat relève d’une rhétorique malsaine et étrangère aux principes républicains et démocratiques ». Cette proclamation intervenait au lendemain du coup d’Etat du 18 février 2010 mené par le commandant Salou Djibo à Niamey après que le président Mamadou Tandja ait organisé un référendum sur le tripatouillage de la Constitution afin d’obtenir le droit d’exercer un troisième mandat !

En 2010, Roch Kaboré était président de l’Assemblée nationale et Blaise Compaoré était président du Faso, réélu cette année-là avec plus de 80 % des suffrages exprimés. Quatre ans plus tard, en 2014, Roch Kaboré a claqué la porte du parti présidentiel, le CDP, et Blaise a été viré du pouvoir par une « insurrection populaire » qui ne voulait pas que la Constitution soit tripatouillée. « Insurrection populaire » qui a bien failli virer, à deux reprises, au coup d’Etat militaire. Sans les événements des 30-31 octobre 2014, il n’est pas certain que Roch Kaboré l’aurait emporté face à Blaise Compaoré lors de la présidentielle 2015 dès lors que, cette fois encore, l’opposition se serait présentée aux électeurs en ordre dispersé. C’est donc une donnée que le candidat à la présidence du Faso devait prendre en compte. Etre en rupture, le mot d’ordre étant « plus rien ne sera comme avant », sans pour autant apparaître comme un dogmatique.

Il aurait pu affronter Blaise Compaoré dans un face à face qui n’aurait pas manqué d’intérêt (même si, alors, c’est Zéphirin Diabré, leader de l’UPC et officiellement chef de file de l’opposition politique, qui apparaissait comme le challenger de Blaise). Le « changement » contre la « continuité ». Blaise seul contre tous, et notamment contre certains de ses anciens fidèles et autres hommes liges qui ont fait carrière dans son sillage. Le CDP contre le MPP et l’UPC. Mais le MPP, l’UPC et les autres partis d’opposition, n’étant pas parvenus à endiguer la volonté hégémonique des « compaoristes » et la révision de l’article 37 de la Constitution étant à l’ordre du jour, c’est une « insurrection populaire », jeune et urbaine, qui a changé la donne.

Du même coup, une icône a refait surface : Thomas Sankara ; et les politiques comme les militaires qui s’étaient emparés du pouvoir, afin de ne pas se couper de la société civile qui avait balayé un régime en place depuis près de trois décennies, ont surfé sur la vague « révolutionnaire ». On exhumera des cadavres et ce sera tout : la « Révolution » n’était plus, ni pour les uns ni pour les autres, compte tenu des contraintes internes et des contraintes externes, à l’ordre du jour. Ce sera la « Transition » malgré les velléités de quelques-uns, qui n’avaient pas compris grand-chose, d’en rajouter. A vouloir aller trop vite trop loin, on se retrouve nulle part !

Roch Kaboré, d’emblée, au lendemain des événements des 30-31 octobre 2014, avait appelé à considérer « un contexte qui tient compte des réalités » et non pas à agir « de façon dogmatique »**. Retour à la Constitution (suspendue par l’armée dans un premier temps) et instauration d’une transition confiée à « quelqu’un qui soit dans l’action politique » et non pas à un militaire. Pour le reste, le cadre étant mis en place, le leader du MPP va se consacrer à sa candidature à la présidentielle sans chercher à interférer, outre-mesure, dans le fonctionnement de la « transition ». Le MPP, il ne faut pas l’oublier, était tout juste opérationnel : son premier congrès s’était tenu au début du mois d’avril 2014, soit moins de sept mois avant « l’insurrection populaire ». Le très technocratique banquier qu’est Roch Kaboré va alors laisser les mains libres à Salif Diallo, 1er vice-président du MPP, pour affirmer sa ligne politique.

Diallo va électriser les militants du MPP en leur promettant, dès avril 2014, d’être à Kosyam en novembre 2015. Il va dénoncer « l’imposture » de ceux qui tentent « l’instauration dictatoriale d’un régime à vie » et promettre que « bientôt, [ils] vont payer pour leur forfaiture quand le peuple, avec le MPP, sera au pouvoir ». Il va fustiger les « notabilités politiques » et les « notabilités financières » et menacera, de « prendre le pouvoir par d’autres voies » que les urnes « si on donne des résultats frauduleux ». « Dès l’avènement du MPP au pouvoir, nous allons changer radicalement la gouvernance, affirmera-t-il. Nous allons dissoudre tous les ministères existant, nous allons reconstruire de nouveaux ministères qui répondent aux aspirations du peuple […] Nous allons réformer l’armée et les forces de défense de ce pays pour que l’armée, la gendarmerie, la police, la douane, les eaux et forêts constituent des forces soumises au pouvoir civil démocratiquement élu […] Nous allons dissoudre l’Assemblée nationale actuelle, nous allons dissoudre les mairies actuelles, nous allons dissoudre les conseils régionaux actuels pour permettre au peuple, dans une transparence absolue, de désigner ses représentants authentiques ».

Il avait également précisé lors de ce premier congrès du MPP : « Il y aura 50 % de femmes au gouvernement contre 50 % d’hommes. La jeunesse sera également représentée dans ce gouvernement à 50 % ». A ses « camarades », il promettra un « programme social-démocrate » qui « consacre une économie de marché régulée », un nouveau code minier afin que « les travailleurs miniers [puissent] prendre des participations dans les sociétés minières ». Il leur garantira « qu’en trois ans, nous ramènerons la Coupe d’Afrique des nations ici » et que « nous allons poursuivre pour nous qualifier pour la Coupe du monde ».

* C’est l’intitulé du programme de Roch Marc Christian Kaboré, un document d’environ 90 pages.

** Entretien avec Nicolas Champeaux, RFI, mardi 4 novembre 2014.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 9 décembre 2015 à 20:12, par BENDITT En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (6)

    Excellence Monsieur, le Président
    ma voix est certainement petite et je voudrais me joindre aux grandes voix pour vous adresser nos vives félicitations et vous transmettre nos vœux de succés et de réussite. Le chemin semble long, mais soyez rassurer que le mannes de nos ancêtres ne vous laisserons pas choir. Votre victoire est le signe d’une parfaite confiance du peuple Burkinabé à votre mais également la volonté de Dieu le Père qui vous consacre. Sachez que vous aviez sa grâce nécessaire pour mener à bien cette mission et il vous accompagnera.
    Mon seul souhait que j’aimerais vous transmettre sinon vous proposer c’est trouver les voies et moyens pour un dépôt de gerbes de fleurs en vous inclinant sur les tombes de nos martyrs avant tout autre fin.
    Merci pour une bonne compréhension et soyez rassurer de toute ma sympathie.

  • Le 10 décembre 2015 à 15:24, par L’Oeil du peuple En réponse à : « Kaborévolution » ou « changement dans la continuité » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (6)

    Qu’est-ce qu’ils peuvent apporter au peuple Burkinabè de nouveau ? Je ne vois pas si ce n’est un changement dans la continuité. Peut-on redresser un tronc d’arbre déjà grand au risque de ne pas le casser ?27 années de gestion du pouvoir d’Etat =27 années de gestion des mêmes habitudes. On ne peut jamais changer la manière de faire asseoir un chien. Je crois un peu au président ROCK, mais pas ses compagnons de lutte.

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