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Côte d’Ivoire : La fin de toutes les illusions

Publié le lundi 8 décembre 2003 à 12h25min

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Peut-on aujourd’hui analyser, avec une petite chance de voir un tout petit peu juste, la situation de la Côte d’Ivoire ? Entre la fin du ballet diplomatique pour essayer de renouer le dialogue entre les Ivoiriens et la détérioration brusque et profonde de la situation, personne n’a rien vu venir. Personne, sauf Laurent Gbagbo dont on peut dire maintenant qu’il ne veut et n’a jamais voulu de la paix. Ce qui est aussi sûr c’est que contre vents et marées, il entend mettre en œuvre son option militaire, ce n’est qu’une question de temps.

Il a préparé cela depuis longtemps. D’abord en commençant par réarmer une armée démunie et qui fut en quelque sorte sans ressources parce qu’il a fallu aller chercher les ex-rebelles dans leur fief de Bouaké.

Comment depuis mardi ne pas se souvenir des paroles à l’emporte-pièce du ministre de la Défense d’alors, Moïse Lida Kouassi disant avec un ton triomphaliste que la libération de la région Nord se ferait en quarante-huit heures.

Les ennemis, disaient-ils en l’occurrence, étaient en déroute, les forces loyalistes s’apprêtant à contrôler la zone de démarcation.

Ce bluff fut très vite éventé et le revers subi, l’humiliation pour ne pas dire, on s’en rend compte à présent, était resté en travers de la gorge d’un président, qui a longtemps attendu son entrée dans l’histoire. Mais une entrée hélas ternie par son ennemi héréditaire, Alassane Dramane Ouattara accusé d’être l’instigateur occulte de cette rébellion.

Un échec personnel que Laurent Gbagbo tient à effacer et pour cela il semble prêt à passer en force, défiant une communauté internationale et surtout la puissance colonisatrice constamment renvoyée dans les cordes.

La France putsching ball

Ce n’est pas seulement la manifestation de la souveraineté qui dicte le comportement du pouvoir d’Abidjan. Non, Laurent Gbagbo a fait du règlement de la crise une affaire personnelle et on le sait, dans une telle situation, les actes posés ne sauraient en aucun cas porter le sceau de la rationnalité.

C’est pourquoi, inconsciemment, il perçoit en la France la source de tous ses maux, alors qu’au début de la rébellion elle a tenu le rôle de protecteur de son pouvoir. Mais Linas-Macoussis a marqué la rupture nette, le sentiment dominant étant dès cet instant la trahison. La rencontre de Marcoussis a sonné le glas de cette ambition morbide de faire voir aux impertinents qui ont sali son règne. La vengeance de Gbagbo préparée et mûrie dès le lendemain du 19 septembre 2002 prenait un sérieux plomb dans l’aile à l’issue de Marcoussis.

Toutes les occasions sont bonnes dès lors de faire avaler à la France sa potion magique censée résoudre tous les problèmes. Gbagbo a décidé de montrer que Marcoussis est la mauvaise solution et qu’il ne peut rien et ne va rien régler.

Le France est même devenue indésirable depuis quelques jours, Gbagbo pensant que son armée est fin prête à en découdre. Surarmée, hyper entraînée, cette armée-là ne ferait qu’une bouchée des rebelles, à condition que la France dégage.

L’os Mathias Doué

Ainsi avant d’aller en croisade, il y a, en plus de la force de l’opération Licorne, un autre obstacle à lever, la hiérarchie militaire, qui ne veut pas de la guerre. Avec en tête Mathias Doué, l’armée a compris qu’elle risque d’être le dindon de la farce dans l’affaire utilisée par des politiciens qui n’en valent décidément pas la peine. Aussi, réunie en juillet dernier, les forces armées nationales de Côte d’Ivoire avaient laissé entendre qu’il n’était plus question que les Ivoiriens s’entretuent. Une déclaration enregistrée telle une douche froide par le camp présidentiel, voyant ses rêves d’aller mater la rébellion partir en tout cas, provisoirement en fumée.

Depuis, le général Mathias Doué, chef d’Etat-major des FANCI est l’homme à abattre mais comment, là est la grande question. Essayant depuis le début de la crise de naviguer à équidistance entre les différents pôles d’influence, il a vu sa situation se dégrader, quand une poignée de soldats a pris d’assaut en début de semaine la télévision nationale. Là et sans ambages, ils ont exigé la démission du chef d’Etat major des forces armées ivoiriennes.

Inutile d’être grand clerc pour comprendre que le grand manipulateur était derrière tout ça. La saga a ainsi continué avec les manifestations de rue de loubards recrutés pour exiger sous la houlette du fameux Charles Blé Goudé le départ des soldats français pour, bien entendu, la reprise des hostilités.

Ainsi l’humiliation subie dans la tentative de prise de Bouaké serait lavée et Laurent Gbagbo du même coup sera le président qu’il se voyait être ; celui qui aura réussi à effacer Houphouet-Boigny au panthéon des grands hommes du siècle dernier.

Une haute ambition malmenée par un politicien ne comptant pas dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara. Cette obsession l’aveugle au point qu’on ne peut plus rien pour Laurent Koudou Gbagbo.

Souleymane Koné
L’Hebdo

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