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Crise ivoirienne : L’accord de Pretoria mi-figue mi-raisin

Publié le vendredi 15 avril 2005 à 07h38min

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La médiation du président Sud-africain, Thabo MBEKI, dans la crise ivoirienne a accouché d’un accord dit « Accord de Pretoria sur le processus de paix en Côte d’ivoire ». C’est le résultat auquel sont parvenus, après cinquante heures de discussion du 3 au 6 avril 2005 à Pretoria, les principaux protagonistes de cette crise dont le président GBAGBO.

En quatre jours de concertation intense à Pretoria, les principaux acteurs de la crise ivoirienne : le président Laurent Koudou GBAGBO, le Premier ministre du gouvernement de la Réconciliation nationale, Seydou DIARRA, l’ancien président Henri Konan BEDIE du PDCI, l’ancien Premier ministre Alassane Dramane OUATTARA du RDR et le ministre d’Etat, Guillaume SORO, Secrétaire général des Forces nouvelles, ont décidé sous la médiation du président Sud-africain, Thabo MBEKI, de faire la paix.

Ils l’ont signifié dans un document dit « Accord de Pretoria sur le processus de paix en Côte d’Ivoire » qui tient en 18 points. Sanctionnant donc le 6 avril la concertation, ce document final évoque entre autres, la cessation de la guerre, l’organisation des élections, les conditions d’éligibilité, le processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR).

Les critères d’éligibilité et l’article 35 de la Constitution

Question cruciale et brûlante de la crise ivoirienne, l’éligibilité à la magistrature suprême évoquée dans le point 14 de l’accord n’est pas élucidée. Son contenu ne réglant pas officiellement le problème de l’amendement de l’article 35 de la constitution qui a toujours mis à l’écart de scrutins l’opposant Alassane Dramane OUATTARA. Cet article que le président GBAGBO ne tient à modifier que par référendum reste donc en l’état.

Toutefois, le texte annonce que « le médiateur fera diligence pour régler cette question ». Il doit se prononcer d’ici une semaine (aujourd’hui même ou demain jeudi 14) sur les critères des candidatures à la présidence après avoir consulté le président de l’Union africaine, Olusegun OBASANJO et le Secrétaire général de l’ONU, Kofi ANNAN.

Cette option assez transitoire de résoudre la question de l’éligibilité, cause essentielle du conflit ivoirien ne va tenir que le temps de la présidentielle d’octobre 2005. Après quoi, l’article 35 pourrait s’inviter encore dans d’autres scrutins et avec lui, la polémique de concertation populaire si GBAGBO se succédait à lui-même.

L’accord au sujet de l’organisation des élections demande non seulement la participation des parties signataires à égalité dans le jeu politique mais aussi d’étendre le principe du financement des partis aux formations politiques non représentées à l’Assemblée nationale. Le texte prévoit une mouture de taille dans la configuration de la Commission électorale indépendante (CEI).

Les Forces nouvelles y obtenant six représentants contre deux pour les autres parties signataires. Les Nations unies sont invitées à veiller au bon fonctionnement de cette commission mais aussi à celui du Conseil constitutionnel.

La cessation de la guerre

L’Accord de Pretoria inscrit les promesses de désarmement en préambule et déclare « la cessation immédiate et définitive de toutes les hostilités et la fin de la guerre sur tout le territoire national ». Le texte tout en convenant que les prérogatives du Premier ministre sont suffisantes, charge celui-ci de conduire l’opération de désarmement et de démantèlement immédiat de toutes les milices à partir d’un plan d’action.

Reconnu dans son statut présidentiel de « chef suprême des armées », Laurent Koudou GBAGBO « désignera à cet effet, des unités des forces de défense et de sécurité » chargées d’assister Seydou DIARRA dans cette mission. Dans ce processus, les chefs d’états-majors des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) et des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN) doivent se rencontrer autour du plan national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (PNDDR) dès le 14 avril à Bouaké.

Les deux chefs d’état-majors ont également reçu mandat de formuler des recommandations spécifiques afin de refonder une armée attachée aux valeurs d’intégrité et de moralité républicaine et de procéder à la restructuration des forces de défense et de sécurité selon l’accord de Linas-Marcoussis.

L’accord de Pretoria prévoit d’ailleurs que « dès le début de l’opération de cantonnement » des anciens rebelles, 600 d’entre eux « recevront une formation accélérée par la section de la police de l’ONUCI ». Ils seront déployés aux côtés des forces de l’ONUCI pour « garantir la sécurité des biens et des personnes » au Nord. Une future carrière de gendarme ou de policier leur est promise « dès que l’administration de l’Etat sera rétablie sur l’ensemble du territoire national ».

Les Forces nouvelles acceptent de réintégrer le gouvernement de réconciliation nationale. Ceci fait, le ministre d’Etat, Guillaume SORO en relation avec le Premier ministre pourra soumettre au président GBAGBO un projet de décret portant nomination des membres du conseil d’administration de la Radio-télévision ivoirienne (RTI) jugée par l’accord comme « une institution importante » qui doit favoriser « l’unité et la réconciliation nationale » et dont « les émissions doivent couvrir immédiatement l’ensemble du territoire national ».

Les chances de l’accord de Pretoria
Comme si celui de Linas Marcoussis l’avait négligé, l’Accord de Pretoria contient un code de bonne conduite. Les parties signataires conviennent en effet, pour l’intérêt de la paix en Côte d’Ivoire, de se rapprocher et de poursuivre le processus de réconciliation nationale au-delà des élections. Pour leur part, ministres et députés sont appelés à finaliser et adopter les textes conformes à l’accord de Marcoussis au plus tard fin avril. En cas de différence d’interprétation sur tout ou partie de l’Accord de Pretoria, les parties signataires « doivent s’en remettre à l’arbitrage du médiateur ».

par Drissa TRAORE


Henri Konan BEDIE sur RFI : “L’Ivoirité est une notion culturelle...”

Accusé à tort ou à raison d’être le père de l’Ivoirité consécutif aux déboires des Ivoiriens, Henri Konan BEDIE a saisi l’occasion que lui a accordé la radio mondiale (RFI) pour se défendre. A Pretoria où il a été interviewé le 7 avril 2005, l’ancien président ivoirien refuse les allégations portées contre lui. Dans l’entretien qu’il a accordé à notre confrère, HKB parle des Accords de Pretoria, des avancées enregistrées et de son éventuel retour en terre ivoirienne.

RFI : M. BEDIE, s’il y a une partie de cet accord qui arrive à une conclusion qui surprend un peu, c’est de remettre entre les mains du médiateur et de la communauté internationale la question de l’éligibilité des candidats en Côte d’Ivoire. Est-ce que ce n’est pas d’abord l’affaire des Ivoiriens ?

HKB : Tout ce que la volonté commune entreprend est toujours une bonne démarche. Nous avons remis au médiateur le soin de procéder à deux dernières consultations, mais il est entendu que nous nous sommes entendus avec lui sur une proposition, mais nous avons volontairement mis l’embargo sur cette proposition jusqu’à ce que lui termine les consultations de son côté qui lui permettent d’agir selon la volonté générale.

RFI : A quoi cela sert-il de servir une décision une semaine plus tard si on la connaît déjà ?

HKB : Eh bien, elle sera toujours une décision le jour de sa publication ! Et comme cette décision est longuement attendue, je crois pour cela que le moment est idéal pour le faire.

RFI : quelle est la différence entre cet accord et ce qu’il y a eu avant, quelle est la différence avec Marcoussis, quelle est la différence avec ceux d’Accra ?

HKB : Il faut dire que tous les accords antérieurs et l’accord d’aujourd’hui (NDLR jeudi 7 avril 2005) se situent dans une trame. C’est vrai, généralement les problèmes naissent, évoluent, atteignent un paroxysme ; ensuite la pression se dégonfle jusqu’à ce que, comme disait quelqu’un, le tout passe. Donc nous ne sommes pas à l’ultime accord, mais presque l’ultime accord.

RFI : Pourquoi pas l’ultime accord ? Vous sentez qu’il y a encore quelque chose qui...

HKB : Sauf à des petits ajustements surtout dans le cas des préparatifs pour les élections ; tous les problèmes de fonds, nous les avons abordés et les propositions de solutions sont acceptées par tous. Nous pensons que demain, même si un parti gagne, étant donné le pluralisme et la jeunesse de cette démocratie apaisée je crois que celui qui gagne aura toujours intérêt à gouverner avec les autres, pas tous mais avec certains.

RFI : On vous a toujours présenté comme le père de la notion de l’Ivoirité et comme le père en quelque sorte de ce « fameux » article 35. Est-ce que vous regrettez maintenant d’avoir pris ces décisions à cette époque-là ?
HKB : Il faut faire remarquer que, que ce soit à Marcoussis, à Accra, 3 fois à Accra, aujourd’hui à Pretoria, vous verrez dans les accords qui sont signés que le mot ivoirité n’est jamais utilisé. Pourquoi ?

Parce que l’Ivoirité, ce n’est pas une loi, ce n’est pas une notion politique, c’est une notion culturelle. Quoique l’on fasse chaque peuple de la Côte d’Ivoire se voudra une nation unie ; avec ses 60 ethnies, elle devra toujours au niveau de son gouvernement travailler avec son identité culturelle. Donc, l’Ivoirité n’a rien à y voir avec la notion juridique constitutionnelle de l’éligibilité. Depuis donc Marcoussis, Accra et Pretoria ce sur quoi nous travaillons c’est sur l’éligibilité qu’il ne faut pas confondre avec l’Ivoirité ; on le fait souvent dans la presse internationale.

RFI : Il n’en demeure pas moins que l’éligibilité, telle que l’on la conçoit aujourd’hui n’est pas du tout celle que vous avez conçue à l’époque. Est-ce que vous pensez qu’à l’époque, l’Ivoirité et l’éligibilité étaient une erreur de vouloir écarter de la course Alassane OUATTARA ?

HKB : Mais jamais l’éligibilité n’a été formulée en fonction d’une personne. La constitution que j’ai laissée aux Ivoiriens stipulait que si on avait la double nationalité 6 mois avant les élections, on pouvait renoncer à celle à laquelle on n’y tenait pas et se présenter. Après le général GUEÏ, on a renforcé les clauses concernant l’éligibilité.

Je ne parle pas d’ivoirité. On a dit qu’il ne fallait pas s’être prévalu d’une autre nationalité, c’est-à-dire, on a fermé la porte à la double nationalité qui se trouvait être admise dans la constitution de 1958 que j’ai laissée au peuple ivoirien. Aujourd’hui, nous revenons à une formulation qui, je l’espère, si c’est agréé par nos partenaires qui sont l’UA et les Nations unies, fera le bonheur de tous.

RFI : Quand allez-vous rentrer en Côte d’Ivoire ?

HKB : A tout moment, mais entouré de toutes les précautions. Prendre des précautions ne signifie pas qu’on est défaillant ou qu’on a peur.
A partir d’une insécurité aggravée et généralisée, à des délinquants politiques, s’ajoutent des prisonniers qui se sont libérés eux-mêmes et qui n’ont d’autres moyens de vivre que des kalachnikov ou des pistolets, vous voyez que c’est périodiquement que l’on vient casser tout ce que nous possédons comme biens au PDCI ou ailleurs, au siège d’autres partis politiques.

L’insécurité est générale nous avons demandé que, ensemble, les forces du gouvernement de Seydou DIARRA, et les forces de l‘ONUCI puissent mettre pour chaque responsable politique, selon la prescription de Marcoussis des hommes pour assurer une première barrière. Mais les ressources sont rares, les ressources humaines sont rares, le Secrétaire général Kofi ANAN demande le supplétif, donc on n’a pas tous les moyens pour le moment.

Retranscription : Frédéric ILBOUDO



La sous-région dans la turbulence

Avec le temps, nombreux sont ceux qui ont certainement compris que la situation en Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002 que l’on qualifiait de « crise ivoiro-ivoirienne » est bien plus qu’une affaire interne à ce pays.
Sur les plans social, économique et politique, ses dégâts collatéraux affectent toute la sous-région.
Une situation dont la persistance à terme fera sombrer l’économie de la sous-région, singulièrement celle de la zone UEMOA.

Lors du dernier Sommet des chefs d’Etat de l’UEMOA qui s’est tenu à Niamey le 30 mars dernier, le gouverneur de la BECEAO, M. Charles Konan BANNY, même en se voulant rassurant sur l’économie des pays membres de cet espace économique, a tout de même laissé voir en filigrane que la situation n’est pas très rassurante : « La conjonction économique des Etats membres est marquée par des performances plutôt mitigées », a-t-il laissé entendre.

En effet, le rapport annuel de la commission indique un taux de croissance de 3,3% en 2004 et un taux d’inflation de 0,6%. Quand on sait que dans la zone UEMOA, il est escompté un taux de croissance de 7% pour réduire de manière sensible la pauvreté, on peut dire que le chemin qui reste à parcourir est bien long. Dans les différents pays membres, on peut évoquer plusieurs raisons pour justifier la faible performance économique ou la contre performance.

Au Burkina Faso, au Mali, au Niger, on pourrait évoquer la mauvaise campagne agricole, l’invasion acridiènne, la fluctuation « incontrôlée » du dollar, le cours du pétrole etc. Cependant ces pays enclavés ne peuvent certainement pas faire fi des conséquences directes et indirectes de la crise qui secoue la Côte d’Ivoire depuis 2002.

Le taux de croissance du Burkina Faso qui « côtoyait » les 6% a chuté pour être autour de 4,4%. La crise ivoirienne y est grandement pour quelque chose. Et ce ne sont pas les opérateurs économiques burkinabè, maliens et nigériens qui diront le contraire, eux qui sont obligés de jouer d’astuces ou d’acrobaties pour maintenir le cap en se tournant de plus en plus vers les corridors portiers du Togo, du Ghana et du Bénin.

En vérité, toute la sous-région a été victime de cette crise qui n’a que trop duré. Les conséquences sont dramatiques sur toute l’économie sous-régionnale menacée et sa monnaie le FCFA avec. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien si ces derniers temps un certain débat se mène en « sourdine » sur une probable dévaluation du FCFA.

En tout cas avec cette crise en Côte d’Ivoire, un pays qui représente plus de 40% des richesses de l’Union, et sans être un expert en économie, on peut tout de même avancer que les ingrédients si on n’y prend pas garde, sont en train d’être réunis pour la dévaluation du FCFA.

Au regard donc de tout ce qui précède on ne peut que souhaiter que l’accord de Pretoria obtenu sous les auspices de Thabo M’BEKI soit le bon et le dernier. Sinon, la sous-région ne pourra certainement pas tenir longtemps dans cette turbulence sociale, économique et politique.

par Ben Alex Béogo



Les petits pas de MBEKI, la poigne d’OBASANJO

Mbéki a-t-il pris le dessus sur... Obasanjo dans la cours au siège de l’ONU ?.

Alors que l’on désespérait quant à une sortie négociée de la crise ivoirienne, l’Accord de Pretoria signé la semaine dernière vient raviver les espoirs.
Un point de plus (peut-être) pour Thabo MBEKI dans la course à distance qui l’oppose à Olusegun OBASANJO pour le fauteuil de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.

Crise burundaise, conflit des Grands-Lacs et maintenant crise ivoirienne Thabo MBEKI le président sud-africain, « ratisse » large et prouve chaque jour la vitalité de sa diplomatie.

Dans les trois cas, le président MBEKI aura fait montre d’une courtoisie et d’une parfaite connaissance des dossiers qui ont fini par convaincre les protagonistes de ces crises de sa bonne foi et de son impartialité. On est mémoratif dans ce régistre, que les différentes factions de la rébellion burundaise avait récusé le président MBEKI, convaincues que celui-ci « roulait » pour le camp présidentiel.

L’irrédentisme de certaines de ces factions a même entraîné un retard dans la transition politique au Burundi. En RD Congo cependant, MBEKI a plutôt dû batailler ferme pour amener les frères-ennemis congolais autour de la même table. Du fait de la guerre civile qui sévissait dans le pays depuis 1998 et avec la mort « mystérieuse » de KABILA père deux ans plus tard, la confiance était totalement rompue entre les protagonistes de la classe politique congolaise.

Tout le mérite revient donc à MBEKI d’avoir mis sur pied cette transition qui tient malgré les suspicions et les a-priori qui persistent toujours. Une situation qui nous rapproche de la Côte d’Ivoire, où malgré la rupture de confiance entre les divers camps, un accord a été trouvé à charge pour Thabo MBEKI de le « polir ». Au moment où vous lisez ces lignes, MBEKI a peut-être livré sa « potion magique », qui nous l’espérons, sera comestible pour tous. L’Afrique du Sud est donc en train de devenir sous MBEKI, une puissance régionale, fortement soutenue par l’Oncle Sam.

La course au Conseil de sécurité

Une situation qui fait des envieux, car avec la réforme de l’ONU, l’Afrique est en passe d’occuper un fauteuil au niveau du Conseil de sécurité. La « bagarre » a déjà commencé entre le Nigeria et l’Afrique du Sud, lors du dernier Sommet de l’UA tenu à Abuja en fin janvier 2005.

Le ministre nigérian des Affaires étrangères avait presque qualifié les Sud-africains de « faux noirs » ajoutant qu’avec son poids démographique, le Nigeria était le seul à même de représenter le continent au niveau de l’instance onusienne. Une querelle superfétatoire qui disperse les forces du continent et montre l’immaturité de certains de ses dirigeants. En tous les cas, le Nigeria est lui aussi un prétendant et son président est lui aussi un intercesseur gracieux dans certaines crises, même si la méthode OBASANJO est plus musclée que celle de son homologue sud-africain.

Dans ce registre, la gestion de la crise togolaise a montré combien OBASANJO pouvait être un faucon quand la situation le commandait. Le jeune Faure GNASSINGBE qui rêvait d’être calife à la place de son défunt père a été sommé de respecter la légalité constitutionnelle pour ce faire.
OBASANJO a été intransigeant sur la question, allant même jusqu’à invoquer une intervention militaire pour ramener Faure et les putschistes du 6 févier 2005 à la raison.

Face à tant de fermeté, Faure a plié, mais n’a pas rompu, si tant est que c’est l’un de ses obligés, Abbas BANFO qui s’est vu « bombardé » président intérimaire en attendant les élections. OBASANJO a par ailleurs démontré sa poigne de fer dans le dossier libérien et plus particulièrement dans le « cas » Taylor. Il a refusé d’extrader ce dernier ainsi que l’exigeait Washington, au nom de la parole donnée au « fugitif » de Monrovia après sa perte du pouvoir.

L’égalité constitutionnelle, respect de la parole donnée, OBASANJO s’inscrit dans le bon créneau, même si certains faits ne plaident pas en sa faveur dans cette guerre des chefs. Le Nigeria refuse, en effet, de se plier à la sentence de la Cour internationale de justice de la Haye qui a reconnu la souveraineté du Cameroun sur la presqu’île de Bakassi objet de litige entre les deux pays. Pour un prétendant au Conseil de sécurité, cela fait un peu désordre, tout comme la mal-gouvernance économique qui semble être une marque de fabrique du Nigeria.

« Oba » l’a du reste compris lui qui s’échine à combattre la corruption qui touche les sphères les plus hautes de l’administration et qui est devenue un fait banal au Nigeria. MBEKI - OBASANJO, deux hommes et deux styles donc, avec un seul objectif une reconnaissance mondiale.
Qui remportera ce duel à fleurets mouchetés ?
Wait and see, même si c’est le continent qui tire pour le moment tous les bénéfices de cette situation. La résolution pleine et entière de la crise ivoirienne donnera en tout cas une longueur d’avance à MBEKI.
par Alpha YAYA



De Marcoussis à Pretoria

Voici bientôt 3 ans que dure la crise en Eburnie. Trois ans au cours desquels bon nombre d’actions ont été mises en œuvre, ou tenté d’être mises en œuvre pour sortir le pays de l’ornière. Mais hélas ! De Marcoussis en passant par Accra I, II, III, sans oublier Bamako, I, II, Libreville et aujourd’hui, Pretoria, toute la communauté internationale s’est mobilisée autour de « l’éléphant d’Afrique » mais en vain. Les accords de Pretoria seront-ils enfin la solution à la crise ? Wait and see.

Que de chemins parcourus pour la résolution de cette crise qui est en passe de déséquilibrer toute la sous-région ouest-africaine. Depuis le 19 septembre 2002 où s’installa la crise politico-militaire qui a entraîné la partition de la Côte d’Ivoire, nombreuses furent les missions de bons offices mises sur pied par la communauté internationale pour ramener les protagonistes à la raison. Ainsi, le « conclave » Linas-Marcoussis, dans la banlieue parisienne aura eu le mérite de faire taire les armes pour privilégier le dialogue pour une sortie de crise.

A Marcoussis, les points d’achoppements consécutifs à la crise, notamment les questions de nationalité, d’identité, le régime électoral, l’éligibilité à la présidence de la République, le régime foncier, les droits humains, le regroupement, le désarmement, la démobilisation, etc. ont fait l’objet d’accords.

Cet accord dit de Marcoussis a été entériné par les chefs d’Etat à Kléber devant le président français Jacques CHIRAC et Kofi ANNAN de l’ONU. Mais très vite, sur le terrain, son application va s’avérer impossible au regard de la mauvaise foi manifeste de certaines parties notamment celle du président ivoirien Laurent Koudou GBAGBO. « Les accords de Marcoussis sont des propositions » lancera-t-il. Dès lors, les choses étaient parties pour se « gâter » de nouveau dans le pays.

Malgré les pressions multiples et multiformes pour les faire appliquer, rien n’y fit. Les acteurs de la crise chercheront des prétextes pour en découdre sur le terrain de la violence. Après Marcoussis, ils ont été invités à Accra dans la capitale ghanéenne pour tenter de « débloquer » ce qui coince dans les accords. Trois fois ils se seront rendus dans ce pays, mais en vain ; à chacune des rencontres, Laurent Koudou Gbagbo usera de subterfuges pour bloquer à nouveau ce que lui-même a ratifié devant ses pairs.

En effet, pendant qu’il signe les accords les jeunes « patriotes » dopés à sa cause mettront tout en œuvre pour « saboter » le travail accompli et rejeter du même coup toute possibilité de retour à une paix véritable. Les accords d’Accra I, II, III, n’ont fait que confirmer la pertinence de ceux signés à Marcoussis.

En dépit de Marcoussis-Kleber, d’Accra I, II, III, la situation stagne « constipant » le pays dont la partition est consommée : le gouvernement légal de GBAGBO régnant sur une partie et les Forces rebelles rebaptisées forces nouvelles avec leur secrétaire général Guillaume SORO, contrôlant tout le Nord du territoire. On est à présent dans une situation de ni paix ni guerre, et qui insidieusement porte des coups terribles à l’économie de toute la sous-région.

Pretoria un accord de plus

Les multiples échecs constatés dans l’application des accords de Marcoussis, d’Accra I, II, III, de Lomé, etc. le regain de tension consécutif aux attaques des positions des Forces nouvelles et des pourparlers qui en ont suivi ont convaincu de la nécessité de trouver un nouveau médiateur dans la crise : Thabo M’BEKI. Mandaté par l’Union africaine, il avait la délicate mission de concilier les différents protagonistes pour une sortie de crise.
M’BEKI pourra-t-il réussir là où l’ONU, l’UA, la France, etc. ont échoué ?

La tâche s’annonçait donc difficile pour le président Sud-Africain car à plusieurs reprises, Laurent K. GBAGBO a « roulé » ses pairs et toutes les bonnes volontés dans la farine. Après plusieurs mois de tractation, M BEKI aussi est arrivé avec les protagonistes à la signature d’accords dits Accords de Pretoria. Ceux-ci contiennent plus où moins les « racines » de ceux de Marcoussis rejetés jusque-là par Laurent Koudou GBGABO et les siens. Que ce soit la déclaration de fin de guerre, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion en passant par la délégation des pouvoirs au Premier ministre, à la question de l’éligibilité, toutes ces questions avaient été examinées à Marcoussis. Rien n’a donc fondamentalement changé dans les accords.

par Frédéric ILBOUDO


Le bout du tunnel ?

« N’expliquez jamais les raisons pour lesquelles vous prenez une décision : la décision peut être bonne et les raisons mauvaises », disait TALLEYRAND. En établissant le parallèle avec la crise qui secoue la Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002, peut-on, à l’analyse, dire que la raison qui a guidé les protagonistes ivoiriens à signer l’accord de Pretoria, est la fin de la crise ?

La crise ivoirienne a été depuis 2002 l’objet de plusieurs accords, proposant des thérapies à son solutionnement. Vains cependant semblent être les efforts des thérapeutes qui sont en présence d’un malade pas du tout « coopératif ». Les médicaments n’étant pas pris comme il se doit, il est évident que leur efficacité ne peut être constatée ! Cette caricature est pour peindre la situation que vit la Côte d’Ivoire.

En effet, d’Accra à Lagos en passant par Marcoussis et Bamako, tous les accords proposés et acceptés n’avaient pour seul but que la sortie de crise dans ce pays. Malheureusement, leur application s’est heurtée à la mauvaise volonté, si ce n’est à la mauvaise foi de certains acteurs de cette crise. Si ce n’est pas Laurent Koudou GBAGBO qui refuse l’application de tel ou tel point des accords, c’est Guillaume SORO et ses hommes qui claquent la porte du gouvernement, laissant Seydou DIARRA, le Premier ministre, médusé et ne sachant à quel saint se vouer.

Il faut le dire, depuis 2002, la Côte d’Ivoire et l’économie de la sous région sont otages de deux hommes : Laurent Koudou GBAGBO et Guillaume SORO. De part et d’autre, on a vraiment l’impression qu’aucun ne souhaite une sortie de crise. Si ce ne sont pas les extrémistes du camp GBAGBO qui bouchent l’issue de sortie, ce sont les radicaux de Guillaume SORO qui ralentissent le processus de paix. Cela était devenu comme un jeu où chacun semble trouver d’ailleurs du plaisir, du vrai plaisir.

Est-il encore besoin de revenir sur certains faits et gestes ainsi que sur les déclarations des deux camps pour s’en convaincre ? Toujours est-il que la situation était stagnante : GBAGBO convaincu qu’il est, malgré tout, président de toute la Côte d’Ivoire, Guillaume SORO se « proclamant » président de tout le nord du pays.

Doit-on applaudir ?

En tous les cas, le médiateur de l’Union africaine (UA), le président Sud Africain Thabo M’BEKI a réussi à déplacer tous les protagonistes de cette crise en Afrique du Sud et à leur faire signer de « nouveaux » accords pour sa résolution.

A l’annonce de ce fait, quoique pas inédit dans cette recherche de paix en Eburnie, nombreux sont les optimistes qui brûlaient d’envie d’applaudir mais en regardant dans le rétroviseur, ils ont vite fait de dire, « attendons de voir » et avec juste raison ! A quelques exceptions près, les accords de Pretoria sont des « copies conformes » de ceux de Marcoussis, d’Accra I, II, etc. Comme pour dire que ce ne sont certainement pas les accords qui ont manqué pour la paix en Côte d’Ivoire, mais plutôt la bonne volonté et la bonne foi des hommes chargés de les appliquer qui ont fait défaut.

C’est pourquoi et à l’image de ce que sont devenus les précédents accords de paix, on ferait mieux d’être moins enthousiaste et de rester prudent car ce qui s’est passé à Pretoria, on en a déjà vu avec les mêmes acteurs ivoiriens sous d’autres cieux. Très vite, le consensus obtenu est battu en bêche lorsqu’à l’application sur le terrain, certains aspects des accords semblent défavorables à l’une ou l’autre partie.

Toutefois si ces accords de Pretoria traduisent effectivement la volonté des protagonistes de sortir enfin de la crise, on ne peut que s’en féliciter et surtout prier que celle-ci (la volonté) n’aille pas une fois de plus se noyer dans la Lagune Ebrié, acculée par des jusqu’aux boutistes à qui la situation présente profite.

A Marcoussis, ils ont chanté l’hymne national main dans la main et bu le champagne de la victoire, de la paix. Est-ce pour autant que la crise a été résolue ? Nous ne voulons certainement pas jouer aux oiseaux de mauvais augure, mais connaissant ces « créateurs du coupé décaler », il ne serait pas surprenant qu’à l’image de cette danse ces accords soient « coupés » ou « décalés », si ce n’est tout simplement « recalés ».

Quoi qu’il en soit, nous espérons que l’évolution de la situation en Côte d’Ivoire après ces accords nous donnera tort. C’est ce qu’espèrent tous les Ivoiriens et la communauté internationale. Vivement que le « Zoulou » réussisse là où presque tout le monde a échoué, car en réussissant, c’est toute l’Afrique du Sud qui en tirera les dividendes. N’oublions pas que ce pays « cherche » une place au Conseil de sécurité de l’ONU. Un franc succès dans cette médiation serait un vrai atout qui permettrait de distancer les autres postulants.
par Ben Alex Béogo

L’Opinion

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