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L’Etat à la barre pour spoliation

Publié le vendredi 15 avril 2005 à 07h25min

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A son audience du 14 avril 2005, le Tribunal du travail de Ouaga s’est penché sur deux dossiers retenus pour jugement. L’un d’eux avait pour protagonistes les ayants droit (héritiers) de feu Joseph Sawadogo, promoteur de l’ex-Société voltaïque d’émaillerie (VOLTEMA), et l’Etat burkinabè à travers le ministère des Finances et du Budget.

La liquidation forcée de la société pour laquelle les héritiers demandent une indemnisation à l’Etat est au coeur du différend dans lequel le tribunal rendra sa décision le 12 mai prochain.

La société VOLTEMA, de ce qui ressort des débats à l’audience, a été créée en 1977 avec comme activité essentielle, la fabrication de plats, d’ustensiles de cuisine. Elle s’est attelée à cette activité jusqu’en 1985, année à laquelle les ayants droit du propriétaire et principal actionnaire (décédé en 1984) et les autres associés ont été sommés par le ministère de la Promotion économique de l’époque de liquider la société. Après avoir vainement essayé d’obtenir des explications, et résisté aussi, ils finirent par obtempérer en mettant la clé sous le paillasson comme il leur a été demandé.

Par la suite, l’Etat qui s’est accaparé du patrimoine de la société, fit naître des cendres de cette dernière, en collaboration avec un groupe belge, la Société burkinabè d’émaillerie (SOBEMA). D’autorité, et aussi de façon arbitraire à en croire l’avocate des héritiers de M. Sawadogo, le ministère fixe la valeur totale de la défunte usine à 119 millions 892 mille 751 F CFA pour laquelle il promet le dédommagement de tous ceux qui avaient un intérêt dans la VOLTEMA.

Ces derniers contestent le montant de l’évaluation faite par l’Etat, font faire une expertise et communique la somme de 258 millions de F CFA comme étant la vraie valeur de l’usine. Mais l’Etat ne veut pas entendre parler de ce montant et s’en tient au sien. Les ayants droit finissent par l’accepter et attendent le dédommagement promis. Las de ronger leurs freins, ils saisissent, en 2003, le ministre des Finances et du Budget par rapport à cette promesse de l’Etat. Ce dernier refuse d’accéder à la demande d’indemnisation.

Alors les ayants droit se tournent vers le tribunal administratif de Ouaga auprès duquel ils introduisent, dans le courant de la même année, un recours de plein contentieux dans lequel ils demandent le paiement de la valeur attribuée par l’Etat à l’usine défunte c’est-à-dire la somme de 119 millions 892 mille 751 F CFA ainsi que des dommages et intérêts de 500 000 F CFA pour les divers préjudices subis.

Il n’y a pas eu spoliation

A la barre d’audience, la Direction des affaires contentieuses et du recouvrement (DACR), qui défendait l’Etat, a nié que VOLTEMA ait été spoliée ou dépouillée de ses biens. L’agent de la DACR brandit un contrat de vente signé à l’époque entre l’Etat et le liquidateur de l’usine. S’appuyant sur ce contrat, il affirme que l’Etat ne peut pas dédommager le promoteur de la défunte unité industrielle, qu’il n’a pas à payer pour la défaillance de la SOBEMA qui est différente de l’Etat.

Et le défenseur de l’Etat de donner pratiquement des leçons à la partie adverse : si le contrat de vente n’était pas valide, il fallait l’attaquer devant la justice, s’il y a eu contrainte à liquider (ce que l’agent ne reconnaît pas en faisant état, une nouvelle fois, d’invitation d’une société en difficultés à se liquider et non d’expropriation), il fallait attaquer l’Etat pour excès de pouvoir.

Toutes choses que la partie adverse n’a pas entreprises, relève l’agent de la DACR. En réponse, l’avocate du Cabinet SCPA Ouattara Sory et Salembéré, qui défend les ayants droit de Joseph Sawadogo, dira que l’Etat n’a pas le droit d’inviter une société privée à se saborder avant d’ajouter que les héritiers ont été dépouillés et obligés de céder les biens de l’usine contre une promesse d’indemnisation qui, malheureusement, n’a jamais été tenue.

Mme Angeline Rita Sawadogo/Cissé, représentant le défunt promoteur, a raconté un peu les conditions dans lesquelles la liquidation de la société est intervenue. C’est au cours d’une entrevue avec le ministre de la Promotion économique de l’époque qu’elle a été informée de la création par l’Etat d’une nouvelle usine et de la mise à la disposition de celle-ci de l’actif de VOLTEMA, dit-elle.

Poursuivant son récit, elle dit que sa question sur le sort réservé au promoteur n’a pas eu de réponse ; le ministre s’étant contenté de dire qu’il n’a pas à discuter avec elle et lui a enjoint de procéder rapidement à la liquidation. Par rapport à l’absence d’une action en justice contre l’Etat, elle a fait savoir qu’à l’époque, personne n’osait le faire compte tenu du contexte d’Etat d’exception. Sur ce, madame le commissaire du gouvernement intervient pour dire que Mme Sawadogo, seule ou avec les autres, pouvait bien saisir la Chambre judiciaire de la Cour suprême, vu que manifestement une ses droits sont lesés.

En outre, Mme le commissaire observe aussi que le contrat de vente signé par le syndic liquidateur n’a jamais été contesté par les ayants droit ou les autres actionnaires, que tous ceux qui avaient un intérêt dans la VOLTEMA ne se sont pas manifestés pour être dédommagés lors de la liquidation de la SOBEMA intervenue plus tard. Comme dans un jeu de ping-pong, l’avocate rétorque que les ayants droit ne pouvaient pas saisir la Cour suprême parce que l’injonction du ministre a été le couronnement d’un processus minutieusement préparé. Concernant la liquidation de la SOBEMA, les ayants droit ne pouvaient pas se manifester parce qu’ils ont affaire à l’Etat et pas à cette usine.

Longue attente d’un dédommagement

Par la suite, le président demande à savoir ce que représentent les 119 millions dont le paiement est au coeur du recours. A sa suite, Mme le commissaire du gouvernement fait savoir qu’il y a lieu de dissocier les biens personnels du défunt et ceux de l’usine et que la qualité des requérants se pose également. Comme réponse, le Cabinet Ouattara Sory et Salembéré fait savoir que les 119 millions représentent la valeur attribuée unilatéralement à l’usine par l’Etat et dont une promesse de paiement a été faite aux héritiers.

Aujourd’hui, c’est cette somme que ces derniers réclament tout en sachant qu’elle est en deça de la valeur réelle de l’usine. Le cabinet a fait aussi savoir que la part des choses est difficile à faire dans le patrimoine, étant donné que l’Etat s’est accaparé de l’actif de l’usine en laissant le passif, ce qui a amené les ayants droit à éponger par la suite les dettes de l’usine.

Mme le commissaire du gouvernement, prenant la parole en dernière position et après avoir fait la genèse du contentieux, a conclu à l’irrecevabilité du recours pour défaut de qualité des requérants. Auparavant, elle a relevé l’absence de pièces dans le dossier se rapportant à la liquidation de la succession de feu Joseph Sawadogo. Le dossier a été mis en délibéré au 12 mai prochain.

Par Séni DABO


La cause d’un universitaire entendue

Le Tribunal du travail de Ouagadougou a vidé son délibéré le 14 avril dernier dans le recours introduit par le maître de conférence en sociologie, Jean-Bernard Ouédraogo, contre le chancelier, président du conseil de la formation et de la vie universitaire. Un recours par lequel l’universitaire demande à la juridiction d’ordonner la levée de la mesure de suspension de son salaire qui perdure après son retour de stage et de condamner l’Etat burkinabè à lui payer des arriérés de salaire de 2 millions 948 mille 160 F CFA (cf. compte rendu des débats du 10 mars dans notre édition du 18 mars 2005). Le président du tribunal, en rendant sa décision hier 14 avril, a, dans la forme, déclaré le recours de l’universitaire recevable.

Dans le fond, il a déclaré irrégulière la suspension du salaire du maître de conférence et ordonné la levée de la mesure. Compte tenu de cette irrégularité, l’Etat, à travers l’Université de Ouagadougou, a été condamné à payer à l’agent la somme de 2 millions 671 mille 799 F CFA au titre des arriérés de salaire. Toutefois, le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts de 500 000 F CFA formulée par M. Ouédraogo au motif qu’elle est mal fondée.

S. D

Le Pays

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