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Crise ivoirienne : Que va décider Mbeki ?

Publié le mercredi 13 avril 2005 à 07h24min

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Depuis hier, tous les regards sont braqués sur Pretoria, la capitale sud- africaine. C’est en effet de là que le président Thabo Mbeki, dernier médiateur en date dans la crise qui secoue la Côte d’ivoire depuis le 19 septembre 2002, devait rendre incessamment son arbitrage sur ce qui constitue encore le nœud gordien de la crise : le problème de l’éligibilité à la présidentielle d’octobre prochain.

Après la signature, mercredi dernier, d’un accord proclamant la fin des hostilités, les différents protagonistes de la crise attendent du président Mbeki qu’il annonce sa position sur le fameux article 35 de la constitution, à l’origine, selon plus d’un observateur, de tous les malheurs de la Côte d’ivoire.

En effet, l’accord de Pretoria, considéré comme celui de la dernière chance, avait déjà réglé entre autres problèmes ceux du désarmement et du démantèlement des milices ; du retour des rebelles aux affaires, et avait fixé à demain 14 avril le début du processus de désarmement avec la rencontre qui doit, en principe, réunir à Bouaké les états- majors des forces loyalistes et rebelles.

Le nœud du problème demeure donc et l’on se demande si le médiateur Mbeki aura maintenu la position qui était jusque-là celle défendue par sa « feuille de route pour la paix » le 10 janvier dernier à Libreville au Sommet des chefs d’Etat du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine : on se rappelle qu’alors, le plan Mbeki, adopté par les chefs d’Etat présents et soutenu par la communauté internationale, avait admis qu’une éventuelle modification de l’article 35 de la constitution ivoirienne pouvait être soumise à référendum.

Cette position rejoignait alors celle du camp présidentiel, à la grande satisfaction de Laurent Gbagbo, au grand dam donc de ses adversaires qui ne veulent pas entendre parler de référendum et qui pourraient rejeter aux calendes ivoiriennes le DDR (Désarmement, Démobilisation et Réinsertion), si la proposition de Mbeki ne leur était pas favorable.

Or, si l’on en croit le scénario en partie dévoilé par l’opposition et considéré comme le plus plausible par les diplomates, le médiateur sud-africain serait sur le point de changer son fusil d’épaule, après en avoir référé à ses mandants, ainsi qu’il l’avait déclaré la semaine dernière. Selon les pronostics en effet, la nouvelle formule autoriserait exceptionnellement tous les candidats à concourir pour la présidentielle.

Si tel était le cas, la pilule serait difficile à faire avaler aux faucons du clan présidentiel, qui contestent déjà certains points de l’accord signé la semaine dernière seulement : en premier lieu, ils désapprouvent l’éventualité de l’incorporation de rebelles au sein des forces armées réformées a fortiori la participation à la présidentielle d’Alassane Dramane Ouattara, considéré par le camp Gbagbo comme l’instigateur de la crise.

Si ces pronostics s’avèrent exacts, la question de l’éligibilité risque fort de constituer le grain de sable qui grippera pour longtemps la machine du Plan national DDR prévu par l’accord de Pretoria et dont la ville de Bouaké devait, dès demain 14 avril, abriter les préliminaires comme indiqué plus haut.

Pour l’heure, et malgré l’annonce la semaine dernière de la fin des hostilités, la tension reste palpable entre les protagonistes de la crise ivoirienne. D’un côté, pour rassurer ses partisans, Laurent Gbagbo assure qu’il ne signera aucun texte visant à abroger le précieux article 35 sans qu’il ne soit passé auparavant, par la sanction populaire.

De l’autre, les rebelles pointent un doigt accusateur sur le camp présidentiel, soupçonné de vouloir déjà « torpiller » l’accord, dont l’encre n’est pas encore sèche, par la préparation d’une offensive et le recrutement de mercenaires.

Dans un climat aussi délétère, on peut se demander comment sera accueilli de part et d’autre l’arbitrage sud-africain, quels que soient ses termes, chacun des protagonistes voyant midi à sa porte. C’est en effet sur le fil du rasoir, que le médiateur devra, à la question qui déchire depuis des années la Côte d’ivoire, trouver la réponse la plus diplomatique et la plus satisfaisante pour l’ensemble des Ivoiriens.

Mais il a beau être le plus habile des négociateurs, on se demande comment le successeur de Mandela pourra trancher le nœud gordien du drame ivoirien sans mécontenter l’une ou l’autre des parties, même si toutes déclarent lui faire confiance et s’en remettre à son extrême sagesse.

Les acteurs politiques ivoiriens ne pouvant s’entendre, c’est en tout cas à lui que revient la tâche ingrate de les réconcilier. Et si la décision tant attendue lui était défavorable, Gbagbo aurait toujours beau jeu de dire à ses troupes qu’il n’y est pour rien et qu’il faut respecter le choix de Mbeki.

Une porte de sortie donc honorable pour celui qui ne peut même plus voir ADO, ne fût -ce qu’en peinture. Mais sauf à être d’une extrême naïveté, il serait illusoire de penser que l’équation ivoirienne puisse être résolue sans que le soit son problème matriciel : la candidature du gourou des républicains.

H. Marie Ouédraogo
L’Observateur

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