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Coup d’Etat du CND : Une quinzaine de journalistes tabassés, des motos incendiées ou caillassées

Publié le mardi 29 septembre 2015 à 19h47min

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Coup d’Etat du CND : Une quinzaine de journalistes tabassés, des motos incendiées ou caillassées

Dès la prise en otage des autorités de la transition le 16 septembre dernier, les éléments du régiment de sécurité présidentielle ont été tentés de mettre les médias sous coupe réglée. La plupart des organes de presse ont été contraints au silence, des journalistes menacés ou bastonnés, leurs montures caillassées ou incendiées… Rarement, une telle violence s’est abattue sur les hommes de médias au Burkina. Retour sur une semaine de folie, semaine au cours de laquelle le 4e pouvoir aura été une des grandes victimes.

Dès l’annonce de la séquestration du président du Faso et de l’ensemble du gouvernement de la transition, le 16 septembre, par les éléments du RSP, radio Oméga a fait appel à l’ensemble de ses journalistes pour réaliser une édition spéciale. « Fidèle à notre ligne éditoriale, nous sommes rapidement rentrés en studio et avons essayé de recouper les informations pour les rendre au public », précise Bernard Bougouma, responsable du service multimédia et des langues nationales de ladite radio. Mais, la situation va évoluer plus tôt que prévue. Ce qui était qualifié de séquestration du gouvernement s’apparente de plus en plus à un coup d’Etat.

« Des jeunes sont arrivés, se réclamant du Mouvement pour la rectification de la démocratie, ils disent être venus diffuser un message où ils appelaient le peuple burkinabè à soutenir le coup d’Etat qui vient de se passer et qui va aboutir à des élections libres et transparentes. Nous avions déjà enregistré d’autres messages aussi et on se préparait pour les diffuser. C’est là que le premier groupe de RSP est arrivé en V8 autour de 16h50mn. Ils ont dit qu’ils sont là et qu’ils attendent leur supérieur hiérarchique. Après une quinzaine de minutes, ils sont partis. Le second groupe est arrivé après dans une voiture de marque Mercedès. Et leur message était clair : ou vous coupez, ou on incendie la radio. Ils avaient du carburant avec eux, avec des civils qu’on n’a pas pu identifier. On a coupé, ils ont vérifié que l’émetteur n’émet plus, ils sont descendus et c’est à ce moment qu’ils ont incendié les motos à l’aide de l’essence qu’ils avaient », raconte, amer, Bernard Bougouma. Au total, six motos ont été calcinées. Mais, il n’y a pas eu de violence physique exercée sur les journalistes, précise-t-il.

Des coups de toutes sortes et du matériel emporté

A la radio Savane FM, ils ont eu moins de chance. Les éléments du RSP qui leur ont rendu visite ont emporté une partie de leur matériel de travail. Ainsi, certaines radios, par mesure de sécurité, ont coupé leur émetteur, non sans cacher le matériel qui pouvait l’être. Les éléments du RSP seraient ensuite allés chercher des techniciens pour aller arrêter les émetteurs de certaines radios.
Mais, les atteintes à la liberté de presse ne se sont pas arrêtées là.Les journalistes qui ont tenté de faire leur travail ont été agressés. Ceinturons, cordelettes, rangers… ils ont reçu des coups de toutes sortes. C’est le cas de Jean Jacques Conombo de Sidwaya qui dit ne même pas savoir combien d’éléments l’ont battu. Son appareil Photo a également été écrasé. Ouï Koïta travaille pour Burkina 24. Il a été tabassé dans les locaux de la télévision BF1. C’est là que Bonaventure Paré du Faso.net aussi a reçu quelques coups.

Un acharnement contre les médias

Une liste non exhaustive fait état d’une quinzaine de journalistes physiquement violentés au cours des événements liés au coup d’Etat perpétré par le Conseil national pour la démocratie du Général Diendéré. « En tout, nous avons recensé une quinzaine de journalistes dans cette situation, une liste provisoire », soutient Guézouma Sanogo, président de l’Association des journalistes du Burkina (AJB). Même ceux qui disposaient de Laisser-passer signés par les officiers du RSP ont été tabassés. C’est dire que les journalistes et les médias ont été martyrisés au cours de cette semaine. Même hors de Ouaga, des radios ont été brulées et des journalistes menacés. C’est le cas à Zorgho (radio Laafi) et à Mogtédo. « Nous avons perçu l’action du CND comme un acharnement contre les médias et les journalistes, à la limite comme une vengeance puisqu’on veut faire payer aux médias et aux journalistes tout ce qu’ils considèrent comme des attaques dans la presse », note Guézouma Sanogo.

Une réouverture dans la peur

Après le rétablissement des institutions de la république, les différentes radios ont rouvert les unes après les autres. La situation tend à se normaliser. A la radio Oméga ce 28 septembre, l’inquiétude était encore palpable chez les journalistes. « La situation actuelle ne rassure pas surtout avec le communiqué de l’Etat-major parvenu à notre rédaction en fin de matinée. Donc, les journalistes sont partagés actuellement entre craintes, inquiétudes et espoir », explique Bernard Bougouma. C’est quasiment le même sentiment qui prévaut dans la plupart des médias de la capitale.
La plupart des médias disent avoir reçu le soutien moral des confrères, mais aussi des associations professionnelles ainsi que des leaders politiques. L’AJB, quant à elle, dit avoir reçu le soutien de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), la Fédération africaine des journalistes (FAJ), l’Union des journalistes de l’Afrique de l’Ouest (UJAO), ainsi que d’un syndicat suisse. Tous ont publié des déclarations de soutien aux journalistes burkinabè.

Une radio clandestine pour résister : 108 FM

Pendant cette période de répression, le Centre de presse Norbert Zongo est ouvert pour permettre aux journalistes de pouvoir continuer à travailler parce que les sièges de beaucoup de médias étaient surveillés. Donc, nous sommes restés ici pour collecter des informations sur ce que les journalistes vivaient. Mieux, avec la relative accalmie, l’AJB a décidé de rendre visite aux blessés pour leur apporter soutien et réconfort. Mais aussi les inviter à persévérer dans le professionnalisme car, « la meilleure façon pour une presse de triompher de ses contempteurs, c’est d’être professionnelle ».
Faut-il le noter, pendant la fermeture des différentes radios de la capitale, une radio clandestine a vu le jour pour appeler les Burkinabè à résister. Il s’agit de la "Radio de la résistance " qui émettait sur la fréquence 108 FM depuis les studios de Savane FM. Ouverte au lendemain du coup d’Etat (18 septembre), elle a été coupée vendredi nuit par les éléments du RSP. Elle a permis de diffuser des messages de la résistance, notamment les déclarations du président du Conseil national de la transition (CNT), Shérif Sy.

Moussa Diallo
Lefaso.net

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