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Un putsch plutôt imbécile mais salutaire pour le futur du Burkina

Publié le lundi 28 septembre 2015 à 13h57min

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Un putsch plutôt imbécile mais salutaire pour le futur du Burkina

Je sais que l’heure est grave pour discourir, mais j’ai la conviction que chercher à comprendre cette tragi-comédie qui frappe notre patrie pour la énième fois est une nécessité.

Appelons un chat, un chat. Ce qu’a perpétré le RSP n’est pas un coup d’État. C’eût été préférable, car cela eût pu signifier que c’est une armée régulière. C’est de terrorisme qu’il s’agit effectivement et rien d’autre. La garde prétorienne de Compaoré et de Diendéré a usé des mêmes méthodes que les djihadistes : enlèvements, séquestrations, demandes de rançons (amnistie) et exécutions sommaires (Sankara, Lingani, Zongo...).

Le communiqué de l’UA condamnant le putsch est, à cet effet, très clair. Les membres du « soi-disant CND », y est-il dit, sont « des terroristes ». Par conséquent, on peut se demander pour quoi la CEDEAO, elle, s’est mise dans la galère ? On ne négocie pas avec des terroristes. Négocier avec les crapules, c’est les conforter dans leurs agissements criminels. C’est vrai en ce qui concerne les djihadistes mais c’est surtout vrai en ce qui concerne nos terroristes maison du RSP. Dans les faits, depuis l’insurrection du 30 et 31 octobre 2014, jusqu’au 16 septembre 2015, notre peuple et ses dirigeants transitoires n’ont fait que subir les méfaits de ces terroristes.

Effectivement, leur prise d’otages n’a pas commencé avec ce dernier coup bas contre la transition et notre peuple. C’est dès les premières heures de la transition qu’ils ont pris le Président Kafando et le peuple burkinabè en otage, tout en prétendant assurer leur sécurité. Régiment de sécurité Présidentielle ? Mon… !

Les différents soubresauts qui ont émaillé la transition n’étaient qu’autant de façons pour ce corps improprement nommé d’élite de nous rappeler notre liberté confisquée.

Une mauvaise farce, oui !

Ce coup d’État est le plus imbécile qu’il nous ait été donné de voir au Burkina et ailleurs en Afrique. N’eut été le prix humain que cela coûte et le fait que notre peuple soit le dindon de cette farce, c’est à mourir de rire. Pourquoi ?

Primo, parce que les raisons du putsch sont pour le moins farfelues, louches et floues. Si le général avait dit : « c’est parce que ma femme a été recalée à la députation et parce que mon parti ne peut pas présenter mon candidat personnel, aux élections, que je fais un coup d’État, c’eut été plus clair.

Deuzio, parce que pour un général bardé d’étoiles dont le monde entier, parait-il, nous envie, il me semble être dans une ignorance insondable du contexte sociopolitique, géopolitique et même internationale concernant les coups d’État. Les coups d’État ne sont plus en odeur de sainteté. On est pourtant tout près du Mali où le second putschiste le plus ridicule s’est illustré à ses dépens, le premier du rang étant désormais burkinabè.

Tertio, comment un général spécialiste du renseignement et au parfum de la géopolitique sous-régionale et internationale, a pu aller rencontrer son mentor dans un pays voisin juste avant de faire un tel coup ; compromettant à la fois le malheureux et encombrant apatride et son redevable hôte. Autant se tirer une balle dans le pied.

Enfin, parce que les interviews du général putschistes sont pour le moins sidérants, étonnamment creux et sans consistance. L’on comprend pourquoi il restait dans l’ombre de son mentor et ne parlait pas. Et ne me dites pas que c’est parce qu’il est discret, tout expert espion qu’il serait. Je voudrais prendre l’exemple de cette interview qu’il a donnée à RFI. Le journaliste lui indique que Chérif Sy conteste son pouvoir et affirme assumer la présidence par intérim du Faso, voici sa réponse pour le moins curieuse : « Aujourd’hui, Chérif Sy est invisible dans le pays. On ne sait pas où il est, il est certainement caché quelque part, tandis que nous sommes là, nous sommes bien présents, nous sommes dans la présidence. Nous exerçons donc l’autorité de l’État ». C’est pareil quand on lui dit qu’il n’a pas de soutien de la population, et il répond que l’armée est avec eux. On le voit, cet homme n’a aucune considération pour son peuple. Ce n’est pas un démocrate de toute évidence.

Quel amateurisme ?, faut-il ajouter. Soumettre le premier ministre et le Président sur environ quelques kilomètres carrés à Ouagadougou est-il synonyme d’exercice du pouvoir d’État ? Le général sait-il vraiment ce que cela veut dire que d’assumer le pouvoir d’État ? Suffit-il d’occuper le palais présidentiel, de parader dans les rues de Ouagadougou, armés jusqu’aux dents, pour assumer le pouvoir d’État ?

Je pensais que cela exigeait au moins d’avoir une influence sur l’administration sur toute l’étendue du territoire. Or tout le monde sait que les putschistes ne régnaient que sur le palais de Kosyam, et encore ! Ils ont dû d’ailleurs proclamer la réouverture des frontières, car s’étant rendu compte sans doute qu’elles n’étaient pas du tout fermées puisque leur emprise ne dépassait pas Ouagadougou. Ils auraient dû pareillement lever le couvre-feu dans le reste du pays, puisque personne ne le respectait ailleurs que dans la capitale. Mieux, dans la capitale elle-même ce n’était pas que les gens respectaient ce fichu couvre-feu, mais tout le monde craignait pour sa vie devant des bandits armés qui n’hésitent pas à tirer sur tout ce qui bouge. La soldatesque du RSP a prouvé au moins une chose juste, qui avait été martelée par feu Thomas Sankara pendant la Révolution d’août 83 : « Un militaire sans formation politique est un criminel en puissance ». On peut maintenant dire clairement que le militaire inculte politiquement est sûrement un terroriste.

La honteuse et coupable médiation de la CEDEAO

Alors qu’elle aurait dû s’inspirer de la fermeté de l’UA contre les putschistes du RSP, de la condamnation sans ambages de l’ONU et de l’Union européenne de ces terroristes, la CEDEAO, comme souvent, s’est engagée dans une médiation impossible, au lieu de condamner clairement des actes qui relèvent du terrorisme. Le projet d’accord qui découle de cette pseudo-médiation est, en la matière, une insulte à l’endroit du peuple burkinabè et une insulte à l’intelligence tout simplement. C’est même une honte !

Voici un peuple qui courageusement se débat pour sa dignité et pour se libérer de trente années d’un système mafieux, un peuple dont le président et le premier ministre sont pris en otage par des renégats terroristes, des gangsters armés, et l’organisation régionales censée faire respecter les droits des peuples membres, leur demande ni plus ni moins que de se rendre à leurs tortionnaires.

Honnie soit la CEDEAO, dont les agissements, ici, paraissent pour le moins cavaliers et partisans. Quand on sait l’accointance entre l’ex-dictateur Compaoré et certains pouvoirs de la sous-région, premiers pourvoyeurs de ressources de la CEDAO, on peut avoir des doutes sur l’impartialité et la sincérité des médiateurs. Certains chefs d’État membres de l’organisation sous-régionale n’ont d’ailleurs pas condamné les putschistes alors qu’eux-mêmes ont eu la vie sauve et la reconnaissance de leur élection à l’engagement, y compris militaire, de la communauté internationale. A moins que l’attitude timorée, voire complice de ces chefs d’État voisins, accrédite l’hypothèse de l’échange de bons procédés entre eux et l’ex-dictateur et ses sbires au Faso. Du genre « je t’aide par mes commandos à acquérir le pouvoir dans ton pays et je t’aide quand tu auras des problèmes avec tes opposants ».

Et les droits de l’homme africain ?

Les burkinabè n’en seraient-ils pas dignes ? Nous savons tous que les crimes à l’encontre des droits de l’homme, les tortures et assassinats gratuits notamment, crimes contre l’humanité donc, sont imprescriptibles. C’est le B.A. BA du droit international depuis le procès contre les nazis, à Nuremberg, à la fin de la guerre de 39-45. Quand on commet ce genre de crime, il faut en être conscient et accepter les conséquences même à long terme. Pour prendre un exemple, Hussein Habré, pensait qu’il était inatteignable au moment des tueries sous son régime et même lorsqu’il était en exil au Sénégal. Aujourd’hui, il est jugé pour ses actes ignobles. On ne peut commettre des crimes gratuits contre son peuple, assassiner sans vergogne, atteindre à la sûreté de l’État en prenant notamment en otage les dirigeants d’un pays et tenir en joug son peuple et venir ensuite demander l’amnistie.

C’est la raison pour laquelle, je pense que si ce détestable projet d’accord était entériné, cela reviendrait à donner un quitus aux terroristes d’aujourd’hui et demain d’attenter à l’État, aux institutions et à la vie des gens dès lors qu’ils auraient un pet de travers ou dès lors que les lois votées par les représentants du peuple ne leur plaisent pas. Par conséquent, si la CEDAO ne peut pas aider le peuple burkinabè à se libérer des griffes de ce monstre malfaisant, qu’est le RSP et son chef Diendéré, qu’elle laisse notre peuple se battre seul pour les éradiquer ou mourir de dans la dignité.

Maintenant que le reste de l’armée semble avoir choisi le camp du peuple, on peut dire au diable les médiateurs de la CEDAO.

La Patrie ou la mort ! Nous vaincrons.

PS : Le cantonnement annoncé du RSP ne doit pas être considéré comme une solution durable. L’atteinte à la sûreté de l’État et la haute trahison dont ses éléments et leurs chefs se sont rendu coupables autorisent et rendent nécessaire désormais sa dissolution.
Concernant la participation aux élections, le CDP s’étant rendu complice du coup d’État ne devrait plus pouvoir participer aux élections, il devrait même être dissout pour ce motif.

Texte écrit avant le début du désarment et la dissolution annoncée du RSP.

David Sawadogo

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Vos commentaires

  • Le 28 septembre 2015 à 14:14, par Moussa G. En réponse à : Un putsch plutôt imbécile mais salutaire pour le futur du Burkina

    Je valide votre analyse et je suis entierement supporteur de tolerance zero pour les terroristes. Remarquer cependant que les autorites de la transition malgré leur courage et heroisme face a ce qui s’est passé sont en train de "leoncer" par rapport au desarmement total de l’ex RSP alors qu’ils ont été promptes au gel des avoirs.
    Honnetement entre desarmer l’ex RSP et geler les avoirs, lequel était prioritaire par rapport a la sécurité du peuple Burkinabe ?
    Terminons ce qu’on a commencé

  • Le 28 septembre 2015 à 14:24, par Moussa G. En réponse à : Un putsch plutôt imbécile mais salutaire pour le futur du Burkina

    Je valide votre analyse et je suis entierement supporteur de tolerance zero pour les terroristes. Remarquer cependant que les autorites de la transition malgré leur courage et heroisme face a ce qui s’est passé sont en train de "leoncer" par rapport au desarmement total de l’ex RSP alors qu’ils ont été promptes au gel des avoirs.
    Honnetement entre desarmer l’ex RSP et geler les avoirs, lequel était prioritaire par rapport a la sécurité du peuple Burkinabe ?
    Terminons ce qu’on a commencé

  • Le 28 septembre 2015 à 19:42, par Patriote En réponse à : Un putsch plutôt imbécile mais salutaire pour le futur du Burkina

    La rebellion dirigee par Diendere/Bassole est en marche. C’est la lutte finale ! Debout peuple du Burkina !

  • Le 29 septembre 2015 à 09:32, par OZ En réponse à : Un putsch plutôt imbécile mais salutaire pour le futur du Burkina

    Monsieur Sawadogo, je valide votre analyse mais, s’il vous plait (et cette remarque vaut pour les journalistes du faso.net, de RFI, et tant d’autres qui écorchent l’orthographe du mot burkinabé), orthographiez correctement : au singulier, Burkinabé (ou burkinabé pour l’adjectif) prend un accent aigu sur le "e", et un accent grave por signifier le pluriel : un Burkinabé, des Burkinabè.
    Merci.

  • Le 30 septembre 2015 à 05:46 En réponse à : Un putsch plutôt imbécile mais salutaire pour le futur du Burkina

    @ Patriote

    Vous voulez dire sans doute la fuite finale ?

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