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Jean Paul II : Chapitre dernier

Publié le lundi 11 avril 2005 à 07h41min

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Comme on s’y attendait, c’est dans le recueillement qu’une foule immense a pris d’assaut la place Saint-Pierre pour un dernier adieu à Jean Paul II. Ceux qui pour des raisons diverses n’ont pu effectuer le déplacement à Rome ont prié avec ferveur aux quatre coins du monde pour le souverain pontife, qu’ils avaient pris en affection.

Homme de Dieu comme Moïse, il a été pleuré dans tous les foyers et on gardera de lui l’image d’un Pape qui a été un rassembleur et un grand voyageur qui a répandu la Bonne Nouvelle.

La séparation a été douloureuse vendredi dernier à l’occasion de ses obsèques au Vatican, à Rome, quand après la messe son cercueil a été transporté vers l’intérieur, où il repose désormais près de la sépulture de l’apôtre Pierre, dans le caveau occupé avant lui par Jean XXIII, le « bon Pape Jean », adoré des Italiens et béatifié en 2000.

L’image forte qu’on peut retenir en ce moment, ce sont les banderoles qu’agitaient les fidèles, dont la plupart avaient des yeux larmoyants. Maintenant que les cloches ont cessé de retentir, le chapitre Jean Paul II est bel et bien fermé. Décédé le samedi 2 avril 2005 à 19 h 37 heure de Ouagadougou, à l’âge de 84 ans, il était le 263e successeur de saint Pierre.

En 26 ans et cinq mois de pontificat, il aura pesé sur l’Eglise catholique et la marche du monde. Durant toute sa vie, il a combattu pour une juste cause, et pour lui, le côté politique participait également de sa tâche : c’est-à-dire faire reculer les forces du mal et faire en sorte que sur cette terre que Dieu n’a pas abandonnée, chacun vive en paix avec autrui. Conseiller les dirigeants, enseigner les peuples, défendre la personne humaine, sa dignité et ses droits fondamentaux, faisaient partie de son sacerdoce.

Et on comprend pourquoi, pour l’accompagner à sa dernière demeure, le gotha du monde politique, du président américain George W. Bush à Aleksander Kwasniewwski, son homologue polonais, en passant par les présidents du Portugal, Jorge Sampaio, du Cameroun, Paul Biya, du Brésil, Lula Da Silva, de l’Algérie, Abdelaziz Bouteflika, d’Israël, Moshe Katsav, la présidente des philippines, Gloria Arroyo, le Français Jacques Chirac, s’est transporté à la place Saint-Pierre pour lui rendre hommage. La veille de son inhumation, le Vatican a rendu publique l’intégralité du testament laissé par le pape. Ce document de huit pages, dont l’original a été écrit en polonais, est composé de feuilles rédigées à différentes dates, dont le premier le 6 mars 1979. « Selon les desseins de la providence, il m’a été donné de vivre dans le siècle difficile qui vient de se terminer.

Il faut se demander si le temps n’est pas venu de répéter avec Siméon de la Bible « Nunc dimittis » ( « Vous pouvez maintenant me congédier »), avait notamment écrit le Pape en 2000, l’année du jubilé. « J’espère que le Seigneur m’aidera à reconnaître jusqu’à quand je dois continuer ce service auquel il m’a appelé le 16 octobre 1978 », avait aussi écrit le premier Pape slave de l’histoire entre le 12 et le 18 mars 2000, selon la version italienne du texte.

Quand on relit attentivement certains passages, on ne peut s’empêcher de penser au poème antique d’Alfred de Vigny sur Moïse. Ce dernier (c’est celui de Vigny et non des Juifs) dans ces vieux jours disait au Seigneur : « Ne finirai-je pas ? Où voulez-vous encor que je porte mes pas ? Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre ! La mort trouve à ma voix, une voix prophétique. Je suis très grand, mes pieds sont sur les nations... » Ces quelques vers, qui sont tirés du livre mystique, sont des plus beaux par la pensée. Karol Wojtyla a dû lire ce poème hébraïque. D’ailleurs quand il était jeune étudiant, ne s’enthousiasmait-il pas pour la littérature, le théâtre et la poésie ?

Ce testament montre aussi que Jean Paul II avait envisagé en 1982 d’être enterré dans sa terre natale polonaise, avant d’abandonner cette idée en 1985 pour laisser les cardinaux décider du lieu de son inhumation. Le pape avait également remercié la Providence divine grâce à laquelle la guerre froide s’est achevée sans un violent conflit nucléaire.

Karol, dans ce document, a demandé cependant que ses notes personnelles soient brûlées, et a précisé par ailleurs qu’il ne laissait derrière lui aucun bien matériel. Quant aux choses d’usage quotidien dont il s’est servi, il a demandé qu’on les distribue comme il apparaîtra opportun. C’était un homme simple que ce pape et au regard de ce qu’il a fait pour l’Eglise, on peut dire qu’il fut un géant. A présent que Jean Paul II est parti et que son souvenir restera vivant, les regards sont désormais tournés vers le conclave au cours duquel son successeur doit être élu.

C’est la date du 18 avril qui a été retenue et on apprend que cette élection ne se déroulera pas exactement dans les mêmes conditions que les précédentes. Jean Paul II a en effet élaboré des textes dans lesquels sont proposées un certain nombre d’innovations concernant l’organisation du conclave. L’innovation majeure, c’est qu’il ne sera plus désormais nécessaire de scruter le ciel pour voir si la fumée qui s’échappe de la cheminée de la chapelle est noire ou blanche afin de savoir si le nouveau souverain pontife a été élu. Il est maintenant prévu que dès la désignation officielle du Pape, les cloches de la basilique Saint-Pierre se mettent à sonner.

Difficile de dire qui sera le successeur de Jean Paul II tant les « Papabili » ont tous la même carrure. Si la thèse d’un Italien pour succéder à Jean Paul II est la plus répandue, la liste des « Papabili » comprend un Allemand et un Autrichien, quatre Latino-Américains, deux Indiens et un Africain.

Des Italiens, c’est Dionigi Tettamanzi (71 ans), archevêque de Milan, qui semble avoir tous les atouts. Théologien, cardinal depuis 1998, il est considéré comme un modéré. Proche de Jean Paul II, le Pape, pour lui témoigner sa confiance, l’a nommé en juillet 2002 archevêque de Milan, le plus grand diocèse du monde avec près de cinq millions de fidèles, faisant du coup de lui un des principaux « Papabili ».

Les Italiens ne cachent pas leur désir de récupérer leur « chose », mais les Latino-Américains ne veulent pas s’en laisser conter surtout que les fidèles catholiques sont plus nombreux dans l’hémisphère Sud. Il y a aussi les germanophones, dont Joseph Ratzinger, qui avait contribué à faire élire le Pape Jean Paul II en 1978. Fait cardinal le 25 juin 1977 par Paul VI, ce théologien très conservateur s’est opposé avec vigueur à la théologie de la libération, prônée par un secteur du clergé sud-américain, et aux théologiens réformistes comme Hans Kung ou Eugen Drewermann.

Nous autres Africains, chrétiens ou pas, aurions été bien contents de voir un « Nègre » à la tête de l’exécutif catholique. Mais force est de reconnaître que le Nigerian Francis Arinze, cardinal depuis 1985 et spécialiste de l’Islam, a peu de chances de s’asseoir dans le fauteuil pontifical. Quoi qu’il en soit, la tâche de celui qui aura les faveurs des cardinaux s’annonce rude, car il en va en religion comme en politique.

Observateur Paalga

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