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Présidentielle togolaise : L’opposition boira la légalité jusqu’à la lie

Publié le jeudi 7 avril 2005 à 09h07min

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Le 5 février 2005, la communauté internationale apprenait avec un mélange de satisfaction de sospotiques de l’Afrique, Gnassingbé Eyadéma de la République du Togo, après 38 ans de règne sans partage. La suite on la connaît, c’est cette situation d’instabilité que le décès du doyen des chefs d’Etat africains a générée.

A commencer par la désignation de son fils Faure Eyadéma par l’armée pour lui succéder, ce après une modification de la Constitution, en ses articles 65 et 144, par l’Assemblée nationale togolaise, dont 72 des 81 députés sont issus du Rassemblement du peuple togolais (RPT), le parti présidentiel.

Lesdits articles de la Constitution stipulaient respectivement que : « En casulagement et la disparition subite d’un des plus grands présidents de de vacance de la présidence de la République, par décès, démission ou empêchement définitif, la fonction présidentielle est exercée provisoirement par le président de l’Assemblée nationale » ;

« Le gouvernement convoque le corps électoral dans les soixante (60) jours de l’ouverture de la vacance pour l’élection d’un nouveau président de la République ».

Suite donc à la modification, le premier article disposait que le nouveau président terminerait le mandat de son prédécesseur, soit en 2008. Quant à l’article 144 réajusté, il y était écrit qu’ « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie en période d’intérim ou de vacance ou lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ».

Comme on le voit, c’était là des dispositions pour légaliser l’accession de Faure Eyadéma et lui permettre de bien s’amarrer au trône et de préparer un règne à vie comme son géniteur.

C’était sans tenir compte de la détermination de la communauté internationale, notamment de l’Union africaine et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, qui ont opposé leur refus catégorique à la manipulation de la Constitution pour légaliser le règne de Faure Eyadéma.

Le tocsin sonné par ces différentes organisations internationales avait donné l’espoir à l’opposition togolaise, qui a cru, au début, qu’à la faveur de la mort de Gnassingbé Eyadéma, s’était enfin présentée à eux l’opportunité en or de réaliser l’alternance.

Les pressions tous azimuts ont certes amené ce dernier et le Parlement à revenir les modifications qu’ils avaient opérées dans la Constitution, mais l’opposition s’est rapidement souvenue que les choses n’étaient pas à son avantage.

En effet, Faure n’a pas refusé l’appel de la Communauté internationale pour ce qui est de l’organisation de l’élection présidentielle dans les délais prescrits par la Constitution, c’est-à-dire la convocation du corps électoral dans les 60 jours de l’ouverture de la vacance du pouvoir.

Il a également accepté de céder l’intérim. Simple fin calcul politique ou hasard qui a tourné en sa faveur ? On ne saurait y répondre avec certitude, mais le constat qui prévaut aujourd’hui est que l’opposition togolaise a actuellement le dos au mur.

Elle qui s’est rendue compte que les règles des futures joutes électorales ne les arrangent pas. A qui les rivaux de Faure Eyadéma peuvent-ils en vouloir sinon à eux-mêmes pour avoir fait preuve d’imprudence dans la formulation de leurs conditions pour aller à l’élection ? Le RPT peut en tout cas s’estimer heureux, car les autres ont, comme dans un casino, joué et perdu.

Nous sommes à quelque deux semaines aujourd’hui de l’élection présidentielle, fixée, comme on le sait, au 24 avril 2005.

Et la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a déjà enregistré à ce jour quatre candidatures dont celles de Gnassingbé fils pour le RPT et d’Emmanuel Akitani Bob, son principal challenger de l’opposition dite radicale, laquelle avait appelé ses militants à battre le pavé pour dénoncer ce qu’elle a appelé « la révision frauduleuse des listes électorales ».

En même temps, elle exige le report de la présidentielle et réclame la reprise intégrale de la révision des fameuses listes. Faure, en s’arc-boutant au respect de la Constitution pour la tenue de l’élection présidentielle, donne donc l’impression d’être le légaliste et laisse l’opposition s’empêtrer dans ses propres contradictions.

Pendant ce temps, certains des prétendants poursuivent les consultations auprès de présidents de la sous-région. Le 4 avril dernier, le candidat du RPT, Faure Gnassingbé, et Léopold Gnininvi ont été ainsi reçus par Blaise Compaoré, qui est décidément le véritable manœuvrier de la scène politique togolaise post-Eyadéma.

Quel pacte ont-ils scellé avec ce dernier à Ouagadougou ? On ne le sait trop mais on imagine que ce dernier a dû les appeler à mettre balle à terre. Si l’élection va se tenir, comment va-t-elle se passer quand on sait qu’il est effectivement difficile d’organiser, en si peu de temps, un scrutin propre dans un pays comme le Togo, à supposer même que ce soit dans les intentions des maîtres de Lomé II ?

Dans le principe donc, l’opposition a raison de revendiquer un report de la présidentielle, mais à moins d’un cataclysme, elle sera obligée de boire la légalité jusqu’à la lie, dans la mesure où cette impréparation arrange les héritiers de « Calamity Gnass » qui doivent rire sous cape en se disant in petto : « Vous vouliez la légalité constitutionnelle ? Eh bien, vous l’aurez ».

Hamidou Ouédraogo
Observateur Paalga

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