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FRANCE : L’image écornée d’une diplomatie

Publié le vendredi 5 décembre 2003 à 10h44min

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de VillepinChirac avait hissé très haut le drapeau tricolore, convaincu les
Français de fredonner les airs de la Marseillaise, d’endosser le
plumage du coq gaulois, de donner des coups d’ergot à ceux
qui doutent de la grandeur de l’Hexagone, d’arborer la bannière
de l’enfant terrible de la planète, adversaire intraitable d’un ordre
mondial dont les contours sont cartographiés à Washington.

C’est donc avec surprise que subitement le monde entier a
appris la mise en berne de la diplomatie française, à travers une
grève du personnel dans toutes les chancelleries françaises du
monde. Une gifle infligée à la 4e puissance mondiale. Du coup,
les Français qui s’étaient mis à rêver et à danser au rythme
endiablé d’un chef d’orchestre d’une France qui gagne, se
rendent finalement compte que leur diplomatie n’est qu’un géant
au pied d’argile vite fragilisé par le séisme de la fronde des
personnels. Chronique d’une journée où la diplomatie française
s’arrêta.

Ce n’est pas une fiction à l’image de ce film imaginaire qui
campait le décor d’une journée où la terre se serait arrêtée.
Lundi dernier en effet, un mouvement de grève a presque
paralysé pendant 24 heures, le réseau diplomatique et
consulaire français, le second après celui des Etats-Unis.

Ce
mouvement de protestation largement suivi et qui est une
première mondiale dans les annales des relations
internationales, explique le ras-le-bol du personnel
diplomatique. Habituellement calmes, réservés et courtois, les
personnels diplomatiques français ont toujours préféré le
langage feutré des salons à air conditionné à la clameur dans
la rue.

En un mot, ils étaient reconnus jusque là plutôt comme
des encaisseurs de coups que des donneurs d’uppercuts. A
telle enseigne qu’ils sont parfois les premières victimes des
preneurs d’otages. Et pour paraphraser notre ministre des
affaires étrangères, Youssouf Ouédraogo, les ambassadeurs
sont des soldats d’un genre particulier chargés de convaincre
leurs interlocuteurs par la force de la persuasion.

Ce qui vient de
se passer dans les chancelleries françaises est peut-être le
revers de la médaille ; à force d’encaisser les coups, il faut bien
les rendre. D’autant plus que ces coups ne semblent pas cadrer
avec l’image que l’on se fait d’une France qui entend maintenir,
renforcer et étendre son influence dans le monde entier. Qui
l’eût cru ?

C’est avec surprise que le monde entier a appris que
la diplomatie française, jusque là incarnation de l’indépendance
nationale, avocate intraitable des faibles, des déshérités et des
laissés-pour-compte sur la scène internationale, intrépide
chevalier sans peur et sans reproche, qui ose défier la toute
puissante Amérique, trouble-fête, pourfendeur de
l’hégémonisme et de l’unipolarisme de l’oncle Sam, gardienne
des thèses tiers-mondialistes, locomotive de l’union
européenne, brille par son indigence financière.

Chantres de la
Francophonie, apôtres du précarré africain et zélateurs de
l’exception culturelle française vont devoir changer de lunettes
pour regarder la France perdre son prestige et l’admiration qu’on
avait pour elle et le coq gaulois baisser la crête et se tordre les
ergots.

Le général De Gaulle a dû se retourner dans sa tombe en
regardant d’un oeil désapprobateur, l’image de son héritier et
continuateur de sa politique de grandeur nationale s’écorner.
Celui qui n’avait jamais marchandé l’indépendance de la
France, qui n’avait jamais digéré toute forme de subordination
aux deux Blocs qui se disputaient le partage du monde, n’aurait
jamais supporté une telle diplomatie marchant à l’aide de
béquilles.

Doit-on se dire, au regard des revendications des
grévistes, que la diplomatie française sous Chirac est plutôt une
diplomatie-spectacle, simple épouvantail, un pétard mouillé
pour effrayer des marmots ? En tout cas, on a aujourd’hui
l’impression que tant que le fil qui conduisait au détonateur
n’était pas détecté, Chirac pouvait toujours déployer à travers le
monde sa diplomatie fouettarde.

En dévoilant le secret de cette
diplomatie clochardisée, c’est la réputation de Chirac qui est
sérieusement mise à l’épreuve. Morceaux choisis. "Au quotidien,
on manque de papiers, les ascenseurs ne sont pas en état de
fonctionner". "Villepin tu n’iras pas loin". "Le quai d’Orsay (siège
du ministère des Affaires étrangères), ce n’est pas Billancourt"
(quartier pauvre de Paris). "Cette grève est une première, mais
on est arrivé à un point de non retour".

Pour conclure, le
personnel des ambassades fustige au passage certaines
dépenses inconsidérées et de prestige de la première dame de
France. "Mme Chirac, lors de la béatification à Rome de Mère
Teresa, s’est déplacée avec une délégation de 50 personnes et
elle est descendue dans l’hôtel le plus cher de Rome, pour 12
000 euros (7 860 000 F CFA) la nuit, alors que la France
entretient quatre palais à Rome".
De telles dépenses qui, à n’en pas douter, sont des dépenses
de prestige, portent selon les grévistes, atteinte à l’image de la
France à l’extérieur.

Le Quai d’Orsay, c’est la vitrine de la France
à l’extérieur. Et c’est grâce au travail de ce personnel que Chirac
peut se promener sur tous les continents, auréolé de ses
attributs de président de la 4e puissance du monde. C’est donc
dire que l’image de la France est écornée et c’est en même
temps celle de Chirac qui en prend un coup.

Quelles leçons de
bonne gouvernance peut-il dispenser à nos Etats, dès lors que
lui-même est coupable de la mauvaise gestion des moyens
dont dispose son pays ? Bien au contraire, une telle pratique est
un encouragement à la gestion chaotique et à la cupidité de
certains responsables africains. La France n’est-elle pas l’un
des principaux bailleurs de fonds de certains pays africains ?

Et
quand celui qui fait l’aumône ne donne pas le bon exemple, il
est vain d’exiger du mendiant, la bonne conduite. Dans un tel
contexte, on comprend que Chirac soit moins regardant sur la
manière dont nos dirigeants gèrent leur pays. Entorses au droit
de l’homme, élections truquées (financées par la France) et
détournements peuvent continuer, pourvu que de temps en
temps nos dirigeants consentent à jeter aux citoyens de quoi ne
pas crever de faim.

C’est pourquoi Chirac, en visite en Tunisie, a
milité pour une démocratie du ventre.

"Le Fou"
Le Pays

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