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USA - Banque mondiale : Une stratégie de l’étouffement

Publié le lundi 4 avril 2005 à 09h06min

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Une fois encore, la preuve est faite qu’en dépit des apparences, la plupart des organisations internationales sont des sanctuaires mortifères, de véritables morgues où se prépare le cercueil des pays pauvres. Refuges de technocrates carriéristes attendant de leurs gouvernements une retraite dorée, ces institutions ne sont en effet, pas des modèles de démocratie.

Tout se passe discrètement dans les salons insonorisés où ne prévaut pas le postulat démocratique selon lequel un pays , une voix, mais plutôt celui selon lequel, un dollar une voix. Forts de cela, les Etats-Unis n’ont pas unilatéralement imposé au reste du monde la guerre en Irak pour s’arrêter en si "bon chemin".

Il leur fallait à tout prix le nerf de cet unilatéralisme. En mettant le grappin sur la Banque mondiale, perçue par certains médias occidentaux comme une institution au "pouvoir gigantesque et qui détermine largement les aides et donc la politique économique de la plupart des pays en développement", Washington, manifestement, se donne tous les moyens de parfaire sa stratégie de l’encerclement et de l’étouffement du reste du monde afin de l’amener de gré ou de force à épouser la même vision du monde que lui dans tous les domaines.

En fait, les Etats-Unis se sont rendu compte d’une chose : malgré leur guerre planétaire contre le terrorisme international aux contours encore flous, leurs menaces d’envahir d’autres Etats et leur cartographie caricaturale d’un monde en axe du mal et du bien, l’antiaméricanisme ne cesse de gagner du terrain. L’Irak en est la preuve palpable.

Preuve aussi que les peuples n’ont pas la mémoire courte. Ils savent parfaitement bien et avec une absolue certitude, que dans l’histoire des nations, toute domination militaire devient une utopie quand elle s’inscrit dans la durée. Raison pour les Etats-Unis de changer de fusil d’épaule. Cette épaule pour les USA, c’est la Banque mondiale comme arme de chantage contre les Etats "voyous" auxquels cette institution, sur injonction de Washington, pourrait refuser toute assistance financière destinée à leur développement socio-économique.

En fait, si la nomination de Paul Wolfowitz a choqué, c’est moins parce qu’il est Américain. D’autres citoyens américains l’ont devancé à ce poste sans toutefois provoquer cette peur du lendemain. C’est plutôt son profil de faucon, partisan de la guerre "préventive" contre l’Irak et menée à partir d’un mensonge d’Etat, qui a provoqué cette levée de boucliers après l’annonce de sa nomination. On sait que le mode de désignation du président de l’institution se fait par consensus.

Pour Paul Wolfwitz qui n’avait pas de concurrent, ce n’était donc qu’une simple formalité après sa tournée des capitales européennes où il avait préparé les esprits. Certains chefs d’Etat européens, souvent contradicteurs intraitables des USA dans le monde, n’ont posé la moindre réserve quant au choix de ce faucon. Ils savent pourtant que ce banquier par procuration ne sera que le répétiteur et l’exécutant zélé de Washington. Mais, pour faire avaler la pilule amère du faucon enserrant les cordons du coffre de la Banque mondiale, Washington a fait des concessions.

En fait, ce fut un banquet du partage du gâteau. C’est ainsi qu’en contrepartie, la Grande-Bretagne s’est vu promettre le strapontin du PNUD, la France l’OMC et l’Italie, le HCR. Un maigre lot de consolation pour l’Afrique : les responsables des massacres au Darfour pourraient être traduits pour génocide devant la CPI (Cour pénale internationale) à l’exception des soldats américains impliqués dans des conflits armés.

Comme on le voit, en dépit des engagements du nouveau patron de la Banque mondiale de faire de l’Afrique sa "priorité", le doute est permis quant à la prise en compte des préoccupations du continent. D’abord parce que dans ses démarches pour accéder à son nouveau poste, le faucon "reconverti" en banquier a oublié l’Afrique car quantité négligeable dans le club de ceux qui décident de la politique de cette institution de Bretton Woods.

L’Afrique aurait pu espérer au moins de certains pays européens, pourfendeurs de la perception américaine de l’aide aux pays pauvres et dont les discours tiers-mondistes lui donnaient parfois l’illusion d’espérer dans cette jungle de l’indifférence quelques réticences, ne serait-ce que pour la forme.

Malheureusement, omnibulés par la perspective alléchante de leur participation à la construction de l’Irak avec en partie les milliards de la Banque mondiale, les Européens n’ont désormais plus d’yeux que pour Washington qui va désormais réguler les modes de financement de l’aide de ce "machin" américain en fonction du degré d’allégeance de chaque pays à l’Oncle Sam.

Les Africains sont donc prévenus. L’avènement de Paul Wolfwitz à la Banque mondiale dont les actions en Afrique sont parfois perçues avec juste raison comme antisociales à travers les programmes d’ajustements structurels (PAS) traduit l’amorce d’un virage dangereux en ce qu’il donne une arme de chantage supplémentaire à Washington pour tenter de domestiquer tout le monde.

Aux Africains, au regard de ce qui vient de se passer, en plus des précédents actes posés et qui font d’eux des laissés-pour-compte de toute éternité, de se convaincre qu’ils seront toujours sacrifiés sur l’autel des intérêts des grands qui savent se retrouver en dépit de leurs apparentes querelles qui ne sont que des écrans de fumée pour justement aveugler l’Afrique.

Le Pays

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