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Dècès de Jean Paul II : L’Afrique perd un avocat

Publié le lundi 4 avril 2005 à 09h06min

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Le monde se souviendra et parlera pendant longtemps de Karol Wojtula, ce Polonais qui est décédé le 2 avril dernier à Rome à 84 ans, après avoir été pendant vingt-sept (27) ans le chef de l’Eglise catholique sous le nom de Jean-Paul II. Plus que la longévité de son pontificat, c’est la place qu’a occupée ce religieux "hors pair" dans l’Eglise mais aussi sur la scène internationale.

L’homme qui a quitté définitivement ce monde après avoir laissé des images insoutenables notamment dans les médias d’une maladie qui le rongeait atrocement était digne du plus grand respect, de la plus grande admiration. Il faut donc comprendre la compassion quasi-générale qui a accompagné l’annonce de sa disparition.

On dit souvent que "qui veut voir le pape se rend à Rome’’. Jean-Paul II a brisé le mythe de ces papes inaccessibles en parcourant le monde dans tous les sens. Les Burkinabè, pour ne citer qu’eux, ont eu droit, à deux reprises, en 1980 et 1990, aux visites du pape. Ils se souviennent de ces foules nombreuses qui lui ont réservé un accueil enthousiaste pour ne pas dire délirant.

En brisant le mythe d’un pape cloîtré entre quatre (4) murs, Jean-Paul II a tenu à dire que le chef de l’Eglise doit partager sur le terrain, les réalités de l’humanité : ses peines, ses joies et ses espérances. L’Afrique a été au cœur de son combat, car c’est dans ce continent confronté à la pauvreté, aux maladies, aux conflits armés qu’on veut entendre le message de paix et de solidarité de l’Eglise. L’appel à la mondialisation de la solidarité de Jean-Paul II a été d’une grande pertinence dans ce monde où le repli sur soi, l’égoïsme des Etats voire l’indifférence face au sort des pauvres sont devenus la règle. La création de la Fondation qui porte le nom du célèbre disparu et dont le siège est à Ouagadougou pour venir en aide aux populations du Sahel à travers des actions de développement est une manifestation concrète de solidarité et de soutien.

Les Africains se rappellent le premier synode des évêques africains à Yamoussoukro dans les années 90 où il a été question de l’inculturation ou disons de l’enracinement de l’Eglise dans les valeurs africaines. Jean-Paul II a été l’un des premiers chefs de l’Eglise à comprendre rapidement que la religion catholique pourrait bien perdre du terrain en Afrique si elle continuait à nier les réalités des cultures africaines ou à apparaître comme un moyen d’acculturation ou un instrument de domination, de colonisation occidentale. L’Afrique doit rester elle-même donc fidèle à ses valeurs, a dit le pape.

C’est avec toujours Jean-Paul II que le dialogue islamo-chrétien s’est intensifié. Ce qui lui a valu dans les années 80, une visite au Maroc, en Tunisie et en Egypte et la nomination au Vatican du cardinal nigérian Francis Arinze comme responsable de la Commission chargée du dialogue islamo-chrétien pendant longtemps.

Quel que soit ce que l’on pense en Afrique ou ailleurs de l’œuvre du pape, on ne peut nier qu’il a été un grand de ce monde contemporain. Il a tenté avec plus ou moins de bonheur de bâtir une Eglise solide, humaine, proche des peuples, soucieuse des préoccupations des populations.

Homme de paix, Jean-Paul II l’a été assurément. Son opposition ouverte à la guerre du Golfe et même à celle contre l’Afghanistan, sa défense du droit des Palestiniens à un Etat, son combat pour les droits de l’homme sont, entre autres, des exemples qui démontrent que le pape était courageux et à l’écoute du monde.

Jean-Paul II n’a pas eu que des admirateurs. Ses positions sur certains sujets ont été incomprises voire rejetées dans nombre de milieux. Il en est ainsi de son opposition radicale à l’avortement, au mariage des prêtres, à voir des femmes officier des messes, à la peine de mort, à l’euthanasie, à la contraception sur le Sida. Ses positions sur ces problèmes de société l’ont éloigné quelque peu de certains cercles de pensée qui le jugent réactionnaire sinon conservateur et rend son discours peu crédible. Même ses positions sur le néolibéralisme avec ses effets néfastes passent aux yeux de certains pour suspectes tant la complicité entre l’Eglise et le monde capitaliste est réelle. Tout comme son acharnement à détruire le communisme qu’il avait en horreur.

L’heure est maintenant au bilan d’un pontificat qui n’aura laissé personne indifférent. La forte personnalité de Jean-Paul II et la longévité de son pontificat ont profondément marqué le monde. Les Africains garderont de lui le souvenir du pape qui s’est le plus intéressé à eux, celui qui a été leur meilleur avocat et qui les a défendus dans un monde où règnent l’injustice, l’égoïsme, la raison des plus puissants.

Bessia BABOUE
Sidwaya

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