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La fiscalité internationale et le commerce électronique

Publié le samedi 4 juillet 2015 à 00h38min

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Les gouvernements sont préoccupés par l’impact que le commerce électronique peut avoir sur leurs sources traditionnelles de revenus.
En effet, les principes généraux de l’imposition se sont développés sur la base de l’économie « réelle ». La naissance de l’économie numérique pose un véritable défi à ces principes classiques ainsi qu’au cadre administratif, dans lequel ces principes sont mis en œuvre. En fait, beaucoup se demandent si les dispositifs fiscaux basés sur une économie réelle peuvent être appliqués efficacement dans le cadre du commerce électronique. Faudrait-il prévoir un nouveau dispositif plus adapté aux changements révolutionnaires occasionnés par le commerce électronique ?

La fiscalité internationale connaît essentiellement deux types de méthode mis en œuvre par les gouvernements à savoir le lieu de résidence et l’imposition à la source. La fiscalité basée sur le lieu de résidence correspond à l’impôt sur le revenu de toute personne ayant sa résidence dans le pays taxateur, qu’il s’agisse d’un individu ou d’une entreprise. L’imposition à la source correspond à l’imposition des non-résidents sur certains types de revenu perçus dans le pays taxateur.
Dans le cadre de l’Internet, l’identification du lieu d’exercice, de la valeur et du caractère de l’activité économique est plus difficile, rendant de ce fait la mise en œuvre des méthodes d’imposition encore plus difficile. L’impôt sur le commerce électronique à la fois dans le territoire national, mais également à l’étranger dans l’ensemble des lieux d’activités créerait des coûts bien plus importants que pour le commerce traditionnel, freinant ainsi son développement global.
C’est pourquoi les organisations internationales ont été obligées d’adopter une approche coordonnée à l’échelle internationale afin de réduire au minimum les probabilités d’une double imposition et de favoriser la croissance mondiale du commerce électronique.

I. Approches des Organisations Internationales

Deux organisations internationales telles que les Nations-Unies (ONU) et l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique( OCDE ) ont élaboré des traités-types dans le domaine fiscal qui servent de point de départ pour négocier des traités bilatéraux en la matière : la convention-type en matière d’imposition de l’ONU (ou plus précisément le Modèle des Nations-Unies concernant les doubles impositions entre pays développés et pays en développement) et la convention-type d’imposition de l’OCDE concernant le revenu et la fortune.

Les conditions cadres applicables en matière fiscale de l’OCDE, adoptées lors d’une conférence à Ottawa en 1998 sont composées de cinq principes de politique fiscale consacrés pour guider l’administration fiscale quant au traitement des activités de commerce électronique :
o la neutralité, la fiscalité devrait être neutre et équitable entre les différentes formes de commerce électronique ainsi qu’entre les formes traditionnelles et électroniques du commerce, pour éviter la double imposition ou la non-imposition involontaire ;
o l’efficacité, les coûts de conformité pour les entreprises et les frais d’administration devraient être réduits autant que possible ;
o la certitude/sécurité et la simplicité, les lois fiscales devraient être claires et simples à comprendre pour le contribuable ;
o l’efficacité et l’équité, la fiscalité devrait produire le montant approprié d’impôt au bon moment et devrait réduire au minimum les risques d’évasion fiscale et de fraude ;
o la flexibilité, les systèmes d’imposition devraient être suffisamment flexibles et dynamiques pour permettre une adaptabilité aux développements technologiques et commerciaux.

II. Vue d’ensemble sur les problématiques relatives à la fiscalité en matière de Commerce électronique

Selon les conventions fiscales, le concept d’établissement permanent (le « PE ») est un élément central dans le cadre de l’imposition basée sur la présence d’une entreprise dans un pays. Si un résident du pays A s’engage dans l’activité économique du pays B, il doit avoir un établissement permanent dans le pays B pour être soumis à l’imposition basée sur la présence dans le pays B. Si un établissement permanent existe dans le pays B et que le pays A impose également l’impôt sur le revenu de l’entreprise (sur la base de la résidence dans le pays A), ce dispositif fiscal peut constituer une barrière au commerce électronique à l’échelle internationale.

Un établissement permanent est défini comme étant « une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité » (Convention de l’OCDE, article 5), à condition que les activités menées soient plus que des activités « préparatoires ou auxiliaires ».
Les éléments importants de cette définition sont un endroit fixe pour le commerce, une installation durable de l’établissement fixée dans la juridiction et l’activité économique est plus développée qu’une activité préparatoire ou auxiliaire. Si ces conditions sont réunies le dispositif fiscal sur le commerce électronique est applicable.
La première question qui se pose est de déterminer si le lieu de situation physique des programmes informatiques peut constituer un lieu fixe de l’activité commerciale. Le cas échéant, la question qui se pose alors est de savoir si les affaires commerciales sont assurées en intégralité par lesdits programmes informatiques. Est-ce qu’un certain degré d’intervention humaine est nécessaire pour permettre la réalisation de l’activité économique ? La question finale est de déterminer si les activités économiques sont plus développées que des activités préparatoires ou auxiliaires.

A. Lieux d’affaires fixes Place fixe de commerce

La seule existence d’un site web ne suffit pas à constituer un lieu d’affaires fixe pouvant être considéré comme un établissement permanent. Toutefois, l’équipement, servant à faire fonctionner un site web pourrait constituer un lieu d’affaires fixe, si le serveur est mis à la disposition de l’entreprise, par exemple, à l’endroit où l’entreprise possède des biens (ou des baux) et actionne le serveur. Cependant, de nombreuses entreprises disposent d’un site web d’accueil sur la base d’accords avec des Fournisseurs de Services de l’Internet (FSI), en vertu desquels les FSI fournissent un serveur sur lequel le site web se base. Ceci ne devrait pas permettre d’établir l’existence d’un établissement permanent, dans la mesure où il s’agit en réalité d’un crédit-bail détenu sur l’espace disque.
L’approche de l’OCDE prévoit des règles visant à déterminer le lieu d’établissement.
Un lieu ne constitue pas un établissement du seul fait qu’il s’agit de l’endroit :
o où se trouvent le matériel et la technologie sur lesquels s’appuie un système d’information utilisé par une partie en relation avec la formation d’un contrat ;
o où d’autres parties peuvent accéder à ce système d’information.
Le seul fait qu’une partie utilise un nom de domaine ou une adresse électronique associée à un pays particulier ne constitue pas une présomption que son établissement est situé dans ce pays.
Selon cette formulation, la présence de l’équipement n’est pas suffisante pour constituer un lieu d’établissement. Le nom de domaine ou l’adresse électronique ne peut pas permettre de créer une présomption relativement au lieu d’établissement.

B. Exercice d’une activité commerciale

La position, selon laquelle l’intervention humaine devrait être un critère déterminant pour savoir si les affaires sont permanentes sur le territoire n’est pas unanimement accepté par les spécialistes du domaine. Quelques pays ont considéré que la seule présence d’un serveur, ne peut jamais caractériser la pérennité des affaires. Cette vision est basée sur la conception, selon laquelle les affaires ne peuvent être réalisées de manière pérenne sans une certaine participation humaine. Le Commentaire de l’article 5 de l’OCDE confirme que les équipements automatiques qui exigent un minimum d’intervention humaine peuvent constituer un critère pour les établissements permanents et stables. Dans le cadre du commerce électronique, le lieu où se situe un serveur n’est généralement pas pertinent quant à la réalité de la fourniture des services et la majorité des transactions sur l’Internet ne nécessite une intervention humaine que dans une mesure très limitée.

C. Activités préparatoires ou auxiliaires}

Même lorsque entreprise est exploitée par une installation fixe d’affaires dans un État, la plupart des conventions fiscales prévoient une exception à la règle de l’établissement permanent pour les activités qui sont préparatoires ou auxiliaires. Cette détermination est faite au cas-par-cas, en tenant compte de la nature des fonctions activées sur le matériel informatique. Si la fonction est une partie essentielle et significative de l’activité économique dans l’ensemble ou qu’elle constitue une fonction centrale, elle n’est pas préparatoire ou auxiliaire.
Les exemples d’activités préparatoires ou auxiliaires cités sont les suivants : fournir une liaison ; la publicité des marchandises ou des services ; montrer un catalogue des produits ; relais de l’information par un serveur-miroir pour des raisons de sécurité et d’efficacité ; collecte des données du marché pour l’information de l’entreprise, et d’approvisionnement des clients potentiels.
En outre, ce qui est préparatoire ou auxiliaire ne comprend pas l’exécution de toutes les fonctions typiques de la vente, telles que la conclusion du contrat, le traitement du paiement et la livraison de produit.

D. Qualification des revenus

La plupart des pays effectue une imposition à la source sur certains types de revenu. En effet, l’imposition basée sur la présence n’a pas réellement les faveurs de nombreux pays en voie de développement, qui préfèrent généralement générer des recettes fiscales sur la base de l’imposition à la source. Ainsi, les prestations, les loyers et les redevances sur services peuvent tous être imposables à des degrés variables dans le pays, dans lequel ils apparaissent malgré l’absence d’un établissement permanent. Les paiements pour les marchandises et les services assurés en dehors du pays taxateur sont généralement considérés comme non imposables ou soumis au régime de l’établissement permanent. Cette différence rend importante la qualification du revenu en déterminant des lignes fiscales précises. La caractérisation du revenu est également importante, dans la mesure où des règles contradictoires peuvent accroître les risques de double-imposition. L’OCDE et les Etats-Unis ont analysé les questions de qualification de revenu dans le contexte du commerce électronique, mettant en évidence les difficultés d’appliquer les règles traditionnelles de qualification des revenus.

E. Détermination de la Source

La détermination de la source de revenu a suscité moins de débats à l’échelle internationale. Une fois que le revenu est caractérisé, les règles relatives à la source doivent être appliquées pour déterminer s’il s’agit d’une source nationale ou étrangère. Cette détermination est importante pour l’imposition à la source et pour celle basée sur la présence. De nombreuses règles relatives à la source reposent sur le lieu géographique ; il est donc difficile de les mettre en œuvre dans le monde du cyberespace. Les cas les plus complexes portent sur :
o le revenu de la fourniture de services numériques,
o le revenu de la vente du droit de propriété et
o la redevance sur l’utilisation des programmes informatiques ou de l’information numérique.

F. Administration fiscale

Le défi posé par le commerce électronique par rapport aux régimes fiscaux existants réside à la fois dans l’application des règles de fond elles-mêmes, ainsi que des procédures administratives permettant la mise en œuvre de ces règles de fond. Comme dans d’autres domaines, les questions de détermination de l’identité, du statut et de l’emplacement sont les principaux défis pour le commerce électronique, les entreprises et les autorités fiscales de même. L’application de la loidans le cyberespaceva inévitablement poser problème, en particulier lorsqu’elle vise lesfournisseurs non-résidents.Les acquisitions appropriées pour l’emplacement, par exemple, peuvent inclure la fourniture d’une adresse de facturation par carte de crédit ou l’adresse Internet Protocol du client. En particulier, les signatures numériques et de services de certification peuvent fournir une solution technologique sécurisée pour l’administration fiscale. Pour la distinction entre les professionnels et les consommateurs, les autorités fiscales devront fournir un accès en ligne aux bases de données, pour permettre la vérification des détails concernant l’inscription de la TVA. La mise en œuvre des initiatives relatives à l’administration électronique (e-administration), tels que l’activation du système de dépôt électronique de formulaires d’impôt et les paiements électroniques, sont un facteur important pouvant contribuer à une gestion réussie par les Étatsdes questions relatives à la fiscalité dans le cadre du commerce électronique.

Conclusion

Les gouvernements veulent faciliter le commerce électronique, mais sont inévitablement préoccupés par l’impact potentiellement négatif qu’une telle activité commerciale pourrait avoir sur leur base traditionnelle de revenu.Les législations existantes ne sont pas toujours transposables au commerce électronique et doivent donc être réadaptées. Jusqu’ici, un consensus international dans ce domaine a été relativement atteint entre les nations développées. Mais ce consensus ne permet pas de prendre en considération les besoins et les capacités des administrations fiscales dans les pays en voie de développement. Bien que certaines règles soient adoptées pour y pallier, la nature même de l’Internet crée des problématiques fondamentales quant à sa mise en œuvre par les administrations et les autorités fiscales, ainsi que pour les entités commerciales sur le plan de la détermination de l’identité et du lieu de situation de la personne ou de l’activité imposable.

SEOGO Karim,
Conseiller des Affaires économiques,
fseogo@yahoo.fr/70413748

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