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Téléphones portable : le boom d’un marché de "deals"

Publié le samedi 2 avril 2005 à 09h35min

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Avoir un portable aujourd’hui n’est plus une chose extraordinaire. Mieux, la concurrence s’est déportée sur le nombre et la qualité des portables possédés. Dans ce boom du mobile, des jeunes se sont regroupés dans des coins de rues de Ouagadougou et vendent qui, des portables de seconde main qui, des portables neufs, mais à des prix défiant toute concurrence. "Les deals" sont au rendez-vous non sans déboires.

L’explosion du marché des portables a favorisé l’apparition d’une autre forme de vente de ces outils de communication. Lorsque l’on arpente le bitume à hauteur du siège central de l’ONATEL, des jeunes interpellent les clients de façon sommaire. "Psst ! Psst !... Psst !" font-ils, prêts à défier les voitures pour proposer leurs produits : Des portables. Des jeunes vendent et échangent des portables.

Ils proposent soit de nouveaux portables contre des "secondes mains" moyennant une prime, soit ils en proposent directement des nouveaux à des prix défiant toute concurrence. Sous un soleil de plomb, Seydou Bougouma, président des jeunes est en plein marchandage. Il fait des va-et-vient entre son client, adossé à sa voiture et son associé, histoire de mettre en selle les dernières retouches sur le portable. Son associé démonte le portable, change la batterie et la puce, teste l’appareil et le remet au "président" qui fonce sur son client.

Le marché conclu, le "deal" est sanctionné par un sourire aux lèvres. "Nous achetons des portables et nous les remettons sur le marché. Ça marche car nous arrivons à gagner notre pain quotidien" dit-il. Dans ce "yaar" improvisé, les portables se vendent à bas prix. Des "secondes mains" sont proposés à 20 000 FCFA et même à 15 000 FCFA. Tandis que certains discutent du prix, d’autres à l’affût de potentiels clients, trottinent sur le pavé, un carton de potables en main. Les jeunes peuvent empocher 10 000 FCFA de bénéfice par jour.

Par mois, le "jack pot" est tout trouvé : 300 000 FCFA. Plus que le salaire d’un fonctionnaire de catégorie A de la Fonction publique burkinabè. En revanche, "les vaches maigres" de cet environnement sont les jeunes qui tirent le diable par la queue. Fluctuation du marché oblige, des vendeurs affirment passer souvent toute une journée sans empocher "un rond".

Les portables sur ce marché se troquent comme de petits pains. Les anciens portables sont échangés à la tête du client et en fonction des nouveaux convoités.

Ablassé Yaogo, père de 3 enfants, tire sa subsistance de cette activité. Le scénario d’échange est simple à ses yeux : "Un client apporte un portable de marque Nokia 3310 "seconde main" pour l’échanger contre un nouveau mobile de marque Samsung, double écran A800. Puisque je n’achète le Nokia 3310 qu’à 20 000 F et ne vend le Samsung A800 qu’à 100 000 FCFA, alors je dis au client d’ajouter 80 000 FCFA sur le Nokia 3310 pour prendre le nouveau Samsung".

De Dubaï à Ouagadougou via Hong-Kong

La clientèle de ce "marché" est variée. Ablassé affirme que toutes les couches sociales s’approvisionnent chez eux. "Que ce soit des députés ou des ministres, ils commandent chez nous des portables neufs", affirme entre deux tics Ablassé. Se grattant les ongles comme pour faire passer son tract, il déballe les contours de ce commerce. Souvent, ils quittent leur "lieu de travail" pour proposer aux fonctionnaires dans les bureaux des portables dont le prix est payé par tranches. Ablassé explique qu’il propose des portables de 300 000 FCFA payable en 4 ou 5 tranches.

Iliacé Naré est face au bitume, scrutant l’horizon, un sac en bandoulière, des portables dans les mains. Depuis 2001, ce jeune homme à l’allure d’un boxeur et d’une vingtaine d’années arrive, tant bien que mal, à tirer son épingle du jeu. "Lorsque je vends un portable avec un bénéfice de 2 500 F CFA, c’est une bonne affaire". Cet ancien employé de maison, converti en vendeur de portable affirme que les fournisseurs viennent de Dubaï, Hong-Kong ou d’Europe. Séni, lui, a son fournisseur qui, installé à Ouahigouya, fait la navette entre Ouagadougou et Dubaï ou encore l’Europe. Lorsque l’homme revient des contrées précitées, il appelle ses détaillants souvent à l’aéroport, leur livre la marchandise et rejoint Ouahigouya. Il ne percevra ses fonds qu’à son prochain voyage sur les pays suscités. Les affaires sont les affaires, dira l’autre.

Des déboires du "deal"

Karim Sana, depuis 1999, est un de ces jeunes qui ont impulsé un dynamisme au marché des mobiles de seconde main. Des déboires, ces jeunes en ont vécu tout comme des privilèges créés par la concurrence entre les trois opérateurs de téléphonie mobile au Burkina : Celtel, Telmob et Telecel. Ces privilèges s’attestent par le fait que ces jeunes vendent sur place les puces et les cartes d’abonnement d’un de ces trois opérateurs. Aussi, les jeunes sont abonnés en réseau dans l’un des trois opérateurs moyennant une facture de 4 500 FCFA par mois. Grâce à ce réseau, les jeunes communiquent sans carte prépayée. Cependant, et comme dans ce genre de métier où l’argent est roi et où parfois, le matériel prend le pas sur la conscience morale, des déboires sont souvent au rendez-vous des "deals". Et le vol se trouve en pôle position avec son corollaire de portables volés et revendus sur ce marché.

Les jeunes s’en plaignent car pour eux, il ne se passe pas trois jours sans qu’un problème de portable volé et revendu auprès d’eux ne se pose. La plupart du temps, ils font les frais de certaines personnes qui leur vendent des portables et en même temps, vont trouver des propriétaires pour les récupérer. Dans ce cas de figure, les vendeurs perdent et le portable et l’argent du mobile. "Mais pourquoi acceptez-vous de payer des portables dont la provenance n’est pas vérifiée" ? Le président hésite à répondre et finit par avouer : "Ce n’est pas de notre faute, ils viennent même avec les copies des reçus des portables et quand on achète, c’est des problèmes". Yaogo Ablassé, un peu amer, lance : "C’est pourquoi je n’achète plus de portable seconde main chez n’importe qui". No comment. A qui la faute ? Tous les "marchés noirs" ont leurs conséquences. Ces vendeurs sont mobiles, certains sont connus mais d’autres en revanche sont souvent de passage. La plupart du temps, ces derniers sont les brebis galeuses.

Au contact des portables, ils se sont familiarisés avec les marques. Ils les citent souvent comme un récital mémorisé.

La vente des portables de seconde main a ses rouages. Certains jeunes y gagne leur gagne-pain et cela non sans désagréments. N’est-ce pas là un exemple de lutte contre la pauvreté ?

Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

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