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Diaspora : La culture burkinabè à l’honneur à Lyon

Publié le dimanche 17 mai 2015 à 08h26min

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Diaspora : La culture burkinabè à l’honneur à Lyon

Projection de film, conférence débats, diner-concert, défilé de mode, etc., les traditionnelles Journées culturelles de l’Association des Burkinabè de Lyon ont été à nouveau l’occasion de célébrer la culture du « Pays hommes intègres » dans cette ville.

Cette année, le Consul de France à Ouaga n’a pas été tatillon. Il a accordé à temps un visa à l’artiste musicien burkinabè Dez Altino, ce qui lui a permis d’animer le 9 mai le diner-concert, une des activités phares des Journées culturelles de l’Association des Burkinabè de Lyon (ABL) qui se sont déroulées le week-end dernier et dont Lefaso.net est partenaire. Tout de blanc vêtu, le Kundé d’Or 2013 a mis la salle debout dès le premier morceau et a tenu en près d’une heure le public en haleine, alternant du Warba et du Wuiré.
Peu avant minuit, les notes s’éteignent ; on range les guitares et on débranche les fils. Les militants de l’ABL empilent les chaises et les tables qui ont servi au diner, avant de nettoyer la salle.

Fin de l’édition 2015 des Journées culturelles de l’Association des Burkinabè de Lyon (ABL), un rendez-vous annuel qui met la culture burkinabè à l’honneur dans cette ville française qui accueille de nombreux Burkinabè (Etudiants, travailleurs) et entretient des relations de coopération avec Ouagadougou. « Je suis soulagé que tout se termine bien parce qu’en réalité, l’organisation repose sur une petite équipe et c’est très fatiguant », commente le président de l’ABL Marcelin Somé, avocat de profession. Il remercie les partenaires qui accompagnent sans rechigner l’ABL depuis des années, mais rappelle aux membres de l’association leur devoir de cotisation. Toutes les activités prévues se sont bien déroulées, de la projection de film suivie de débats le vendredi 8 mai au soir, au concert en passant par la conférence prononcée par le professeur Marius Ibriga, le Faso Quiz et le défilé de mode qui a mis à l’affiche les créations d’Angely’S Confection de notre compatriote Rosa Solange. Ce qui est frappant à propos du Faso Quiz, un jeu de culture générale, c’est la méconnaissance totale des auteurs burkinabè de romans par les étudiants. Autant les participants s’en sortent bien avec les questions sur la politique, le sport, la musique, autant ils sont incapables de répondre correctement aux questions portant sur la littérature burkinabè. A croire que les auteurs burkinabè sont totalement absents des programmes d’enseignement du cycle secondaire !

Comme à chaque édition, la conférence prononcée cette année par l’universitaire Marius Ibriga, par ailleurs président du Forum citoyen pour l’alternance (Focal), président de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE) a constitué le plat de résistance des Journées culturelles. « Mais c’est en tant que président du Focal que nous l’avons invité, tous frais payés », précise Maître Marcelin Somé, président de l’ABL, quelque peu agacé que le Collectif contre la confiscation de la démocratie au Burkina ait eu la primeur de ses analyses, en l’interceptant pour une conférence à Paris le 7 mai. Sans que l’on sache s’il faut le prendre au second ou au premier degré, le président de l’ABL a promis d’envoyer une partie de la facture « à nos amis de Paris ».

A Lyon, le conférencier a entretenu le public venu de plusieurs régions françaises et d’autres pays européens sur le thème : « Insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Etat des lieux, perspectives et rôle des organisations de la société civile ». Comme à Paris deux jours plus tôt, Marius Ibriga s’est d’abord livré à une clarification conceptuelle de ce qui s’est passé fin octobre : s’agit-il d’une révolution ou d’une insurrection populaire ? Il a ensuite analysé ce qu’il appelle le télescopage entre les attentes sociales et les exigences de la communauté internationale, une situation fort inconfortable pour les dirigeants de la Transition (Voir le compte rendu d’Auguste Bambara, attaché de presse à l’ambassade du Burkina, paru dans nos éditions du 12 mai). Les débats qui ont duré plus deux heures ont permis au conférencier de répondre aux nombreuses questions, notamment sur le nouveau code électoral, les arrestations de personnalités du régime déchu, l’avenir du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), la place des autorités coutumières et religieuses, la non participation de la diaspora aux prochaines élections et la décantation inévitable et nécessaire des organisations qui composent la société civile burkinabè.
Répondant à une question sur le nouveau code électoral « qui exclut le CDP des prochaines élections, et le moment à partir duquel faut-il considérer qu’une personne a soutenu ou pas la révision de l’article 37 », le conférencier a été clair : « Le CDP n’est pas écarté ; c’est seulement ceux qui se sont manifestés pour la révision de l’article 37 qui sont visés. Comme on ne peut juger une personne sur de simples intentions mais sur des actes, on prend en compte le moment où le projet de loi a été adopté en conseil des ministres ». Le CDP est donc libre de présenter des candidats, y compris les anciens ministres, les députés qui ont participé au vote préliminaire et les personnalités qui ont publiquement soutenu la révision de la constitution, avec le risque de voir ses candidats disqualifiés par le Conseil constitutionnel. « Il appartient cependant aux adversaires d’apporter la preuve et de convaincre le juge constitutionnel qu’un candidat de l’ex majorité tombe sous le coup du nouveau code électoral », précise Marius Ibriga. Il estime que le boycott préconisé par certains serait une mauvaise option et reste convaincu que si le CDP,
« qui est le parti le mieux structuré joue la carte des jeunes et des femmes, il peut s’en sortir avec une trentaine de députés et pourquoi pas être le faiseur de roi au second tour de la présidentielle ». Reste à savoir si les caciques de l’ancienne majorité se sacrifieront pendant cinq ans au profit de nouvelles figures ? Pour le conférencier, le nouveau code électoral comporte une vertu pédagogique et d’éducation civique. « Il faut que dans la mémoire des Burkinabè, de telles choses ne se reproduisent plus ».

« Pourquoi n’a-t-on pas arrêté les dignitaires de l’ancien régime et pourquoi on relâche ceux qu’on a interpellés ? », demande un étudiant ? « Parce que dans le feu de l’action, ils ont fui avant qu’on mette la main sur eux, certains ayant été exfiltrés par l’armée française ». Quant à ceux qui ont été récemment interpellés, comme l’ancien directeur général de la Sonabel Salif Kaboré, ou l’ancien ministre Jérôme Bougma, « la Transition s’honore de respecter les règles de droit et de procédure, au risque de perdre les procès non sur le fond, mais sur la forme. C’est pourquoi l’ancien Dg de la Sonabel a été mis liberté conditionnelle pour des raisons de santé, et Jérôme Bougma qui est suspecté de malversations commises en tant que ministre, doit être jugé par la haute de cour de justice ». A Paris comme à Lyon, l’enseignant de droit à l’université de Ouaga a insisté : « Il y a la présomption d’innocence qu’il faut respecter et ne pas céder à la clameur populaire qui veut des sanctions toute suite » et d’ajouter : « Aujourd’hui, c’est l’autre, mais demain ça peut être votre tour et vous et là, vous serez content de bénéficier de la présomption d’innocence ». Il a aussi indiqué que dans notre corpus juridique, il y a la prescription, autrement dit, l’abandon de poursuite contre un présumé coupable de délit. « Si certaines personnes clament haut et fort qu’elles sont prêtes à répondre devant la justice, c’est parce qu’elles savent que les faits qui leur sont reprochés sont prescrits », ironise, le contrôleur d’Etat.

Sur la place et le rôle du Régiment de sécurité présentielle dans les institutions républicaines, le conférencier a souligné que si cette élite de l’armée a pris le pouvoir contre l’Etat major, « c’est parce qu’elle avait la puissance de feu plus que les autres n’avaient pas », mais il lui parait évident que le RSP doit être dissout et intégré dans l’armée en tant que corps d’élite. A la demande du président de la transition, Michel Kafando, une commission planche d’ailleurs sur le sujet et devait remettre son rapport fin avril. « Il faut institutionnaliser la sécurité présidentielle et supprimer au maximum le pouvoir discrétionnaire du président car le risque de l’arbitraire est patent », suggère Marius Ibriga.

« Quand les chefs coutumiers font de la politique, je considère qu’il y a un mélange des genres », tranche un participant. Un avis que ne partage pas totalement le conférencier, qui rappelle qu’à chaque fois qu’une crise politique est intervenue dans notre pays, on a eu recours à des structures ad ’hoc dans lesquelles siègent les religieux et les coutumiers pour trouver des solutions, preuve, selon lui que « ces structures jouent un rôle fondamentale dans notre société », d’où la nécessité de leur trouver un statut comme l’ont fait la Côte d’Ivoire et le Ghana.

Faut-il changer de république ou faut-il simplement toiletter la constitution du 2 juin 1991 ? Oui, répond sans hésiter le conférencier, ne serait-ce que pour signifier qu’on « est passé à autre chose ». Mais quand le faire par référendum pour lui donner une légitimité populaire ? La réponse à cette question n’est pas aussi simple. « Si on met dans le même scrutin, les législatives, la présidentielle et le référendum, on risque de créer la confusion chez beaucoup d’électeurs », prévient-il. Une nouvelle constitution peut se heurter aussi à un problème de droit surtout son passe à un régime parlementaire, car le président qui sera élu en octobre 2015 l’aura été selon les dispositions de l’ancienne constitution, laquelle lui accorde des pouvoirs bien précis. « S’il n’est plus rien parce qu’on est passé à un régime parlementaire, ça va poser d’autres problèmes ». Membre de la société depuis longtemps, le président du Focal a été interpellé sur la prolifération et la politisation des organisations de la société civile avant et après l’insurrection populaire. Réponse du conférencier : « Il faut faire la distinction entre les organisations qui existent depuis longtemps et celles qui ont été créées récemment. Les premières sont de type intellectuel et faisaient un travail d’explication et de dénonciation à travers des conférences de presses, des colloques et dans des rapports. Les secondaires, au contraire, sont dans la contestation et ce sont elles qui ont été dans les barricades les 30 et 31 octobre ». D’où leur exigence d’avoir 15 sièges sur les 30 réservés à la société civile au Conseil national de Transition. « A la fin de la transition, quand tout sera rentré dans l’ordre, il y a aura une décantation parmi car nous avons que certaines associations sont des appendices de partis politiques », pronostique Marius Ibriga. L’exclusion des Burkinabè de l’extérieur aux prochaines élections s’est naturellement invitée aux débats. Selon le conférencier, des acteurs politiques étaient convaincus que la diaspora était acquise à l’ex majorité et que son vote allait faire changer sensiblement les résultats, d’autant « qu’on n’avait pas la certitude que les électeurs sont bien Burkinabè ».

Joachim Vokouma
Lefaso.net (France)

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Vos commentaires

  • Le 18 mai 2015 à 06:48 En réponse à : Diaspora : La culture burkinabè à l’honneur à Lyon

    Merci au professeur Ibriga pour cette conférence très intéressante. Tout-à-fait d’accord sur le fait qu’il faut une nouvelle constitution pour le Burkina Faso, qui ne soit plus une copie des versions occidentales. Il faut une constitution adaptée à la culture burkinabè. Pour y arriver, il faut élire en octobre un Président et des députés qui s’engagent à mettre immédiatement en place un comité composé de juristes, d’intellectuels et de représentants de la société civile, qui aura pour tâche d’élaborer un nouveau texte qui sera soumis à référendum avant les élections de 2020. Le pays possède suffisamment de personnes compétentes pour faire ce travail et l’expliquer à tous les citoyens afin que le projet fasse l’objet d’un fort consensus. Ainsi, la nouvelle constitution pourra s’appliquer à l’issue du mandat des élus de 2015.

  • Le 18 mai 2015 à 16:43, par Roméo PODA En réponse à : Diaspora : La culture burkinabè à l’honneur à Lyon

    Tout à fait ; à condition que le parti au pouvoir qui sera élu en 2015/2016 considère cela important et s’y attèle.

    Ainsi, Il existe une épée de Damoclès qui plane toujours sur nous puisque si les partis ex amis et affiliés du CDP (CDP bis et autres) arrivent à la tête du pays, nous risquons non seulement de ne pas voir les bons travaux et différentes recommandations de la transition s’appliquer, à fortiori une nouvelle constitution.

    Un nouveau système de corruption et de pillage des richesses, plus subtile et machiavélique, risque de s’installer à notre insu et donc "on quittera du caca pour rentrer dans l’anus".

    Prions très fort pour que nos vrais partis de l’opposition fassent une coalition digne de ce nom et s’unissent pour arriver à la tête du pays afin de réaliser certains changements indispensables pour assainir un tant soit peu la gouvernance et la politique au Burkina.

    Que Dieu nous préserve des responsables/partis qui pensent en premier à leur estomac ainsi que d’éventuels malheurs. Demeurons tous vigilants !!!

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