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Filière gomme arabique : Les producteurs abandonnés par l’Etat ?

Publié le vendredi 25 mars 2005 à 09h08min

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Ceci est une lettre ouverte des producteurs de Gomme Arabique au ministre de l’Environnement et du Cadre de vie dans laquelle ils s’inquiètent de la léthargie des services de ce ministère.

L’idée de produire et de commercialiser la gomme arabique du Burkina Faso qui a été lancée en 1996 par le Gouvernement, continue de faire depuis quelques années le bonheur de beaucoup de paysans et commerçants Burkinabè et même des non Burkinabè situés à nos frontières. Si aujourd’hui, pour une fois nous décidons de faire part de notre travail, c’est tout juste parce que nous constatons que la demande de gomme devient très élevée.

Les besoins de gomme sont de 650 tonnes cette année selon nos Opérateurs. Des européens qui ont eu de nos nouvelles sur internet ont visité les sites de production en janvier et février dernier. Ils se proposent d’acheter toute la production obtenue sur les deux prochaines campagnes à venir. Tout cela nous réjouit mais nous sentons un manque de soutien de la part de notre ministère de tutelle.

En 1996, nous avons été témoins et acteurs du démarrage de la promotion de la filière gomme à travers une vaste campagne de reboisement de l’acacia sénégal. Les Autorités se sont fortement impliquées à cette phase de lancement.

Dieu merci ces arbres produisent aujourd’hui une gomme de qualité exceptionnelle que chacun peut voir sur l’un des sites pilotes de lancement notamment à Kaya (Groupement Sougrinooma de Louda), Ouahigouya (Association Kogolwéogo 1 de Ladji Mahamoudou), Boulsa (Groupement Kogolwéogo 2), Bogandé (Groupement de Kossougdou), Djibo (Groupement de Gacelpaté) Ziniaré (Groupement de Yoatenga)... Dans la plupart des zones de production où se sont crées ces groupements de producteurs, les gommiers y ont toujours existé depuis l’aube des temps si l’on se réfère aux dires de nos anciens.

C’est seulement à partir de 1996 que grâce à la clairvoyance de nos Autorités, la bonne explication nous a été donnée sur les bienfaits du gommier. Le ministre Salif Diallo qui a fait ce travail a très bien fait car aujourd’hui, cette filière est une source de revenus qui améliorent considérablement les conditions de vie de nombreuses familles rurales. Nous nous sommes mis au travail et depuis ces cinq dernières années, nous récoltons les fruits de nos efforts. La gomme se vend bien au Burkina et même à l’extérieur.

Nos organisations pionnières se réjouissent aujourd’hui d’avoir les plantations de 7 ans qui produisent la gomme de haute qualité ; elles regrettent sérieusement de n’avoir pas été éclairées plus tôt. Elles regrettent aussi de n’avoir pas eu l’appui de l’Etat pour renouveler ces campagnes de reboisement dans les années qui ont suivi le lancement de la promotion de la filière gomme.

Pourtant, tout le pays y gagne à travers notamment :
- les recettes provenant de la vente de gomme ;
- l’occupation utile de nos jeunes pendant la saison sèche ;
- le développement de petits commerces dans les zones de production (artisanat, tissage, restauration, etc.)
- la diversification des activités rentables (élevage, jardinage)
- la distribution de revenus dans nos contrées très reculées et qui se caractérisaient par une pauvreté dite de Dieu et des conditions de vie précaires ;
- la lutte contre la désertification...
- le reboisement pour lutter contre la désertification et surtout pour remplacer les vieux arbres de gomme au profit des générations montantes ;

Le Projet de Promotion de la Gomme arabique qui a bénéficié d’un appui de l’Union européenne a permis de faire de grands pas de 1999 à avril 2002. Dès que le Projet a pris fin, les agents forestiers n’ayant plus les moyens de suivre efficacement, les producteurs de gomme et les opérateurs (carburant, motos, prise en charge de formations...) ont légitimement déserté les lieux. De nos jours, pour avoir des renseignements sur la filière, les étudiants tout comme les partenaires potentiels au développement sont obligés d’aller vers les producteurs, les Opérateurs et les ONG.

Dans cette longue transition, nous reconnaissons que nos structures d’encadrement ont travaillé dans la limite de leur bonne volonté et en fonction de leur moyen. Tout le monde sait que le privé ne fait pas toujours du social.

Dans la filière gomme, l’apport du privé a été plutôt exceptionnel et a permis de tenir jusqu’à l’arrivée du Projet FAO. A notre sens, il y a beaucoup de tâches qui incombent à l’Etat dans la filière gomme ; et les principales sont :
- la formation de nos organisations paysannes aux techniques de production des plants en pépinière, le reboisement,
- la production de la gomme dans les forêts naturelles ;
- la mise en place de petits crédits aux producteurs en vue de leur permettre d’acheter la gomme chez les récolteurs occasionnels, les bergers...
- la dotation des groupements en bonnes semences d’acacia sénégal ;
- l’appui des groupements en matériel de pépinière, de trouaison, de plantation...

Il est clairement visible que malgré la prolongation de l’absence de notre ministère à nos côtés sur le terrain, nous n’avons pas baissé les bras depuis la fin du Projet gommier jusqu’à ce jour. Les demandes de plants adressées aux différentes partenaires au développement et aux services de l’Environnement sont toujours restées sans suite.

Nous avons perçu nos intérêts et nous avons compris qu’il ne faut pas perdre de temps à attendre le soleil pour sortir les vaches car le soleil ne vient qu’au moment où il doit se lever comme dit le proverbe foulbé. C’est dire que dans l’attente d’un appui quelconque, il faut s’occuper à autre chose et se rendre utile.

A présent, le risque d’essoufflement des structures d’encadrement se traduit déjà par leur rareté sur le terrain. C’est plutôt les producteurs qui embarquent leur gomme pour rejoindre les Opérateurs.

Comme ce circuit n’est pas aisé, il arrive que la gomme soit purement et simplement transférée vers les pays voisins où elle est vendue à des centaines de millions. Notre forêt naturelle de gommiers qui fait une superficie de plus de 280 000 hectares nous aurait permis d’avoir effectivement plusieurs milliers de tonnes si seulement l’élan des années 1996 et 1997 s’était poursuivi. Faut-il penser que le départ du ministre Salif Diallo du ministère de l’Environnement est une raison suffisante pour que ses bonnes idées concernant le développement des terroirs soient abandonnées ?

Nous pensons que lorsque quelque chose est bien pour tous, il appartient à tous de le sauvegarder, de le faire fructifier pour en profiter au maximum. Il est regrettable que de bons projets s’arrêtent après le départ de leur initiateur dans la mesure où ces projets vont aider tout le Burkina et même nos petits fils. Nous prenons l’exemple des projets comme le travail de la gomme, la lutte contre les feux de brousse, la production de maïs arrosés avec l’eau des barrages, la lutte contre les coupeurs de route, la vaccination des enfants, la réparation des routes, la construction des maternités et des écoles...

Nous pensons que l’Etat devait continuer à encadrer les Groupements de producteurs de gomme avec le même élan compte tenu de la continuité des services de l’Etat. Quand la filière va vraiment atteindre une certaine majorité, elle devra pouvoir prendre son autonomie. Grâce aux efforts de quelques bonnes volontés, les zones de production sont passées de 5 provinces en 1996 à 14 Provinces en 2005.

Dans le même temps, le nombre de Groupements est passé de 35 à 201 dont environ 134 sont restés très dynamiques parce que plus accessibles et mieux encadrés par l’APEGA (Association des Professionnels et Exportateurs de Gomme Arabique). La production quant à elle est passée de 16 tonnes à 175 tonnes de gomme officiellement déclarées. A cela il faut ajouter au moins le double de cette quantité qui traverse les frontières pour aller vers des villes étrangères voisines.

Concernant le réseau commercial informel connu au Burkina, nous savons que les Opérateurs qui ont su résister aux difficultés ont pu tirer leur compte. Les quantités demandées sont de plus en plus considérables ; les paiements et l’enlèvement des stocks se font très rapidement et les meilleurs producteurs reçoivent des prix d’encouragement (motos, vélos, charettes, vêtements, fournitures scolaires, radio, matériel de triage...). Pour nous, l’important est que nous voulons un peu plus de volonté politique pour attirer les partenaires financiers. L’espoir était revenu en janvier 2004 quand plusieurs délégations ont sillonné nos terroirs dans le cadre de la mise en route d’un nouveau Projet FAO.

Lors de la cérémonie de lancement de la campagne de production de gomme à Louda le 14 octobre 2004, le ministre a affirmé que les activités allaient être redynamisées à travers les nouveau Projet FAO. On s’attendait par exemple à la préparation des pépinières villageoises dès mars 2005 en vue des reboisements en juin-juillet 2005 mais hélas ! Dans tous les cas, nous espérons voir démarrer ce Projet.

Dans cette attente, nous demandons au ministre les actions suivantes :
- la consolidation des acquis et l’implication des structures pionnières dans les activités de développement de la filière gomme ;
- l’arrêt des tracasseries de toute sorte dont sont l’objet les producteurs qui se voient déposséder de leur gomme par des agents forestiers commerçants, en tenue et armés ; ces derniers traumatisent les paysans et les obligent à leur vendre la gomme à vil prix ;
- la reprise des activités de reboisement.
Vous souhaitant une bonne analyse de notre lettre ouverte, nous vous prions de croire Monsieur le ministre, à notre haute considération.

Pour les Groupements de Producteurs,
Aladji Bélem Soumaïla, Soum
Ali Oumarou, Yagha
Sinon Abdou, Yatenga
Mme Tiargou, Yagha
Sonri Lankoandé, Gnagna

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