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Agbéyomé Kodjo, ex-PM du Togo : "Notre Constitution a été martyrisée par le père et bidouillée par le fils"

Publié le vendredi 25 mars 2005 à 10h05min

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Son verbe est toujours aussi haut et le ton vindicatif. Rencontré au palais royal de Rabat, où il était venu assister à la remise du prix de la Francophonie économique 2005, Gabriel Mensah Agbéyomé Kodjo, ancien Premier ministre d’Eyadéma, revient, un mois et demi après le premier entretien qu’il a accordé à L’Observateur (cf. n°6327 du mardi 8 février 2005), sur la transition démocratique dans son pays.

A quel titre êtes-vous aujourd’hui au palais royal de Rabat ?

• Je suis le président du Groupe Afrique du Forum francophone des affaires (FFA) et j’assure également la vice-présidence du Bureau international. Et c’est à ce titre que les organisateurs m’ont envoyé une invitation nonobstant la période assez sensible dans la mesure où, en principe, nous entamons chez moi au Togo la dernière ligne droite pour le dépôt des candidatures à la présidentielle. Je ne me suis pas encore prononcé, mais il y a beaucoup de tractations en ce moment.

Depuis votre démission avec fracas, le 27 juin 2002, du Premier ministère et votre exil, à quoi vous occupez-vous à Paris ?

• Beaucoup de lobbying pour expliquer la situation qui prévaut au Togo. Quand nous dénoncions le caractère pervers et autocratique du pouvoir, on a estimé à un moment donné que nous étions devenus fous. Fort heureusement, le double événement du 5 février nous a parfaitement donné raison, et je pense que maintenant il y a une meilleure lecture du message que depuis 3 ans nous portons en Europe et aux Etats-Unis.

Quelque part, vous êtes aussi comptable de cette situation puisque vous avez géré le pouvoir avec Eyadéma, dont vous avez même été un Premier ministre. Vous ne vous sentez pas une part de responsabilité ?

• Pas du tout. J’ai, il est vrai, été ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture du temps du parti unique. Puis vint la conférence nationale souveraine. J’ai alors assumé les fonctions de ministre de l’Intérieur avant que la Constitution ne soit martyrisée par le père et bidouillée par le fils, ce dont vous voyez les conséquences.

En fait, c’est à partir de l’Assemblée nationale que j’ai commencé à prendre la mesure du caractère pervers du système, qu’il fallait aider le chef à corriger, en faisant en sorte que la politique que nous conduisions épouse l’ère du temps.

Les réformes, je les ai engagées à l’Assemblée, et on m’a ramené au gouvernement. Là, j’ai fait adopter mon programme par le Parlement, et je pensais qu’on allait me laisser conduire tranquillement ces réformes-là pour offrir une porte de sortie honorable à Eyadéma.

Vous savez, quand on a servi un chef, il faut être fier de s’en réclamer. Mais aujourd’hui, cet héritage-là est encombrant. Nous avons voulu corriger le système de l’intérieur, mais Eyadéma n’en a pas voulu. Les conséquences sont là aujourd’hui : quel Togolais peut vous dire qu’il est fier de l’image que projette le Togo sur la scène internationale ?

Néanmoins, les choses ont beaucoup évolué à Lomé depuis votre dernier entretien accordé au téléphone, depuis Paris, à L’Observateur. Comment appréciez-vous cette évolution ?

• C’est une évolution en trompe-l’œil parce que la réalité du pouvoir est détenue par Faure. Le président intérimaire, vous en entendez parler ? Non ! Eh bien, c’est parce qu’il n’est président que de nom, le vrai pouvoir étant entre les mains de Faure Gnassingbé.

Face aux multiples pressions, Faure a quand même lâché le morceau qu’il avait indûment pris.

• Nous rendons hommage à la communauté internationale, aux chefs d’Etat de la sous-région qui ont exercé toutes sortes de pressions pour le retour à la légalité constitutionnelle. Même si elle est factice, il n’en demeure pas moins que c’est un progrès. Mais c’est vraiment dans les jours à venir, d’ici un mois, que nous verrons plus clair dans la situation qui prévaut au Togo. Mais pour le moment, elle est source de beaucoup d’angoisses et d’inquiétudes pour les Togolais et les amis du Togo.

Quand allez-vous rentrer au Togo ?

• J’ai été reçu il n’y a pas longtemps par le président Omar Bongo Ondimba pour régler un certain nombre de problèmes liés à ma sécurité. Le retour au Togo ne pose pas de problème, mais je connais l’instrumentalisation de la violence pour des règlements de comptes politiques.

Bongo étant le doyen des chefs d’Etat africains, j’ai demandé qu’il puisse parrainer ce retour en incitant les autorités de Lomé, les réelles comme les supposées, à prendre un certain nombre de mesures pour assurer ma sécurité physique. Comme interlocuteur, nous n’avons d’ailleurs pas eu Abass Bonfoh, mais Faure Gnassingbé.

Que pensez-vous de Bob Akitani, le candidat unique de l’opposition dite radicale ?

• Je n’ai pas de jugement de valeur à faire sur le candidat en lui-même. Mais je pense que mon pays a besoin de respirer, de changer d’air. Vous savez, nous aurions pu faire confiance, sans confession, à Faure ; mais tel qu’il a commencé, nous doutons qu’il ait vraiment des sentiments de renouveau.

Le candidat unique Akitani peut-il, à votre avis, être le bon cheval de l’opposition face à Faure ?

• Il fait déjà le poids. Vous avez vu Gilchrist Olympio rentrer hier (samedi 19 mars ; NDLR) à Lomé, et la marée humaine qui l’a accueilli. Tous, on est mobilisé et on veut le changement.

Etes-vous personnellement tenté par une candidature ?

• C’est possible.

Quand allez-vous vous décider ?

• Vous verrez dans les jours à venir. C’est possible...

Quelle appréciation portez-vous sur la position du Burkina, jugée favorable à Faure ?

• Je connais le peuple burkinabè, je connais le président Blaise Compaoré, qui n’ignore pas la souffrance du peuple togolais. Je comprends aussi la position du président du Faso, mais je puis vous assurer qu’il est du côté de ses frères togolais. Il apprécie de manière objective ce qui se passe chez nous et ne prend pas partie.

Entretien réalisé à Rabat par Ousséni Ilboudo
L’Observateur paalga

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Vos commentaires

  • Le 26 mars 2005 à 16:29, par Lefaso.net En réponse à : > Agbéyomé Kodjo, ex-PM du Togo : "Notre Constitution a été martyrisée par le père et bidouillée par le fils"

    DONNER UNE CHANCE AU TOGO : PAR UN “ NON ” MASSIF A FAURE GNASSINGBE*

    Le groupe des six a donc fini par se mettre d’accord sur un nom. Ce
    candidat est issu de l’UFC. Dès le 26 février, la CDPA-BT avait vivement
    recommandé cette candidature unique, et souhaité que ce candidat soit
    issu de l’UFC. Notre parti se félicite de cet accord et de ce choix.
    Quels que soient le cadre structurel et les conditions de la prise de
    cette décision, c’est un progrès réel par rapport à 1998 et 2003. Cet
    accord et ce choix vont indubitablement donner une petite chance à
    l’opposition dans la compétition électorale en vue.

    Que pour des raisons inavouables la CDPA-BT ne soit pas associée à ces
    décisions importantes n’a vraiment aucune importance. Ce qui a toujours
    été plus important et qui le reste plus que jamais, c’est l’unité
    d’action des partis d’opposition : accepter sans calcul d’être ensemble
    et de mettre les forces en commun afin de pouvoir mettre un terme au
    régime de dictature. Une réelle unité d’action au-delà de toutes
    considérations personnelles ou partisanes.

    Aujourd’hui, après la mort d’Eyadema et à l’occasion de ces
    présidentielles intérimaires, il faut que tous ceux qui veulent le
    changement politique se lèvent dans un sursaut national, comme un seul
    homme, pour barrer la route aux inadmissibles prétentions de ceux qui
    veulent maintenir et prolonger le régime de dictature. Pour la CDPA-BT,
    c’est la seule manière de relever le défi lancé par Faure et ceux qui le
    soutiennent. Peu importe donc le nom, ou le visage, ou le parti autour
    duquel s’organise ce sursaut populaire.

    Cependant, le fait d’avoir un candidat unique n’assure en aucune façon
    une victoire automatique de l’opposition à ces présidentielles
    intérimaires. Car, à la veille de la mort de Eyadema, tous les problèmes
    relatifs à l’organisation d’élections propres étaient encore sans solution.

    Ainsi, la question importante du /cadre électoral/ était en suspens. Il
    en est de même du /problème du code électoral/. Les média publics
    /continuent d’être confisqués/ par le régime et son parti. /La HAAC/ a,
    de tout temps, démontré qu’elle est et reste un instrument au service de
    la dictature. Il en est de même de la /Cour// constitutionnelle,/ dont
    les récentes prises de position ont indigné toutes les consciences. La
    /date des élections/ fixée au 24 avril est totalement irrationnelle dans
    ce contexte politique particulier où aucun des problèmes liés à
    l’organisation d’élections transparentes et équitables n’étaient résolus.

    Cette situation est en faveur du régime et de son parti. /Il n’est donc
    pas possible de faire des élections propres dans ces conditions./
    L’enjeu des présidentielles intérimaires est trop important pour qu’on
    se permette encore de faire n’importe quoi, comme à l’occasion des
    présidentielles précédentes, sous le fallacieux prétexte qu’il n’existe
    nulle part dans le monde des élections parfaites.

    Par ailleurs, les responsables du groupe des 6 partis, qui /s’estiment
    être désormais l’opposition à eux seuls/, portent une lourde
    responsabilité. Il leur revient de tout faire pour que toute cette masse
    de Togolais qui aspirent au changement politique n’aille pas, une fois
    de plus, inutilement aux élections. Il pourrait en résulter des
    conséquences graves pour l’opposition et pour le processus de
    démocratisation dans le pays.

    Les responsables de ce groupe des 6 doivent comprendre que Bob Akitani
    n’est pas le candidat de l’UFC, mais le candidat de toute l’opposition
    face au RPT. L’UFC doit comprendre que Bob Akitani n’est pas choisi pour
    brandir l’étendard de son parti mais pour rassembler sur son nom les
    voix de tous ceux qui veulent le changement politique. Il faut en finir
    avec les incohérences de la politique dominante d’opposition pour
    pouvoir avancer.

    Dans tous les cas, il vaut mieux que la population le sache : le choix
    d’un candidat unique n’assure pas à l’opposition une victoire
    automatique, /si les élections sont faites dans ces conditions si
    favorables au régime et à son parti/. Il faut qu’elle le sache pour
    pouvoir bien mesurer les risques que comporte cette situation pour le
    processus de démocratisation. C’est en ayant une claire conscience de la
    gravité de la situation que la population pourra trouver la force
    nécessaire pour se mobiliser en vue de barrer la route au candidat du
    régime par un « non » massif.

    Fait à Lomé, le 22 Mars 2005.

    *Pour la CDPA-BT,
    Le Premier Secrétaire,
    Prof. Emmanuel GU-KONU*


    Pour toutes remarques, suggestions ou contribution, s’adresser à :

    *CDPA-BT, B.P. 13963, Lomé Togo*

    E-Mails à : cdpa-bt@cdpa-bt.org
    ou cdpa-bt-ev@web.de
    Site internet : www.cdpa-bt.org

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