LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

A propos de la problématique du droit de réponse : Victor Sanou répond à Achille Tapsoba

Publié le mercredi 23 mars 2005 à 09h13min

PARTAGER :                          

L’interpellation du Conseil supérieur de l’information (CSI) par le FRADES sur la problématique du droit de réponse dans les journaux avait inspiré au député Achille Tapsoba une réaction parue dans notre édition du 9 mars 2005.

A son tour, Victor Sanou, membre du CSI, partage avec les lecteurs son point de vue sur la question. Tel est aussi le thème de votre rubrique hebdomadaire "Zoodnoma Kafando".

Le député Achille M. J. Tapsoba a apporté, dans la livraison de l’Observateur paalga n°6347 du mercredi 09 mars 2005, une contribution sur la problématique du droit de réponse au Burkina Faso.

Ce pamphlet faisait suite à une interpellation du député Cyrille Goungounga, président du FRADES, formulée à l’endroit du Président du Conseil supérieur de l’information sur des problèmes attenant au pluralisme et à l’équilibre de l’information dans la presse écrite.

Le président du Conseil supérieur de l’information y avait, en effet, soutenu « qu’un organe de presse professionnel devrait s’interdire de publier un droit de réponse à un écrit qu’il n’a pas publié ».

Le député Tapsoba estime, pour sa part, qu’il n’y a aucune entrave légale au fait qu’un organe de presse publie un droit de réponse consécutif à un article qui n’a pas fait l’objet d’une publication dans ses colonnes.

Pis, il soutient qu’à son avis, « dans la mesure où un article écrit a été rendu public, toute réaction, qu’elle soit écrite ou parlée, devrait pouvoir être faite aussi bien dans l’organe générateur de la réaction que dans tout autre support médiatique... ». Il ajoute que limiter le droit de réponse à l’organe qui a publié l’information serait manifestement une situation de nature à restreindre le droit à l’information du citoyen et la liberté du débat démocratique.

Sans vouloir entretenir une polémique avec l’honorable député sur le sujet qu’il a abordé, nous nous proposons à travers les présentes lignes d’apporter quelques éléments relatifs au concept même du droit de réponse, objet dudit débat.

Si l’on peut aisément convenir avec Monsieur le député que juridiquement (en fouillant le code de l’information), il n’y a pas expresse défense à un organe de presse de publier « un droit de réaction » comme il l’a lui-même écrit, nous nous en voudrons de ne pas lui apporter la contradiction en ce qui concerne précisément le droit de réponse.

Il convient de rappeler que le code de l’information reconnaît à toute personne, physique ou morale, mise en cause, nommée ou désignée dans une publication périodique, le droit d’exiger l’insertion de son texte de réponse dans le même organe dans les conditions précisées aux articles 71 à 76. Ce droit, faut-il le rappeler, permet à la personne mise en cause, par simple désignation dans un journal ou un écrit périodique, de se défendre sans avoir à recourir à la justice et le refus de publier ce droit de réponse peut être constitutif d’un délit correctionnel.

Toute réaction n’est pas un droit de réponse

Là où la contribution du député Achille Tapsoba ne rencontre pas notre assentiment, c’est la confusion, du moins apparente qu’il fait entre le droit de réponse et « les réactions » de lecteurs dans une publication consécutive à des opinions émises dans un autre journal.

En effet, sans entrer dans les considérations relatives aux droits intellectuels et aux droits voisins liés à la paternité d’une œuvre publiée, nous nous limiterons à rappeler simplement à notre honorable député que le concept de droit de réponse a des fondements historiques qui datent d’un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation de Paris du 17 juin 1898, d’une jurisprudence constante depuis lors et de principes éthiques et déontologiques liés à la profession de journaliste.

La cour de cassation française, dont nous avons hérité de la jurisprudence au Burkina Faso, a précisé, que le droit de réponse est un principe général et absolu dès lors qu’une personne est mise en cause dans un article de presse. Il a pour fondement la défense de la personnalité, ce qui implique une incrimination personnelle, puis une réponse contenant la défense (soulignée par nous). Le droit de réponse n’a pas à être exercé comme une tribune pour combattre ou donner une opinion. Il n’a pas pour destination d’accuser ni de dénoncer (souligné par nous).

Comme on le voit, le droit de réponse amène, au contraire, une pluralité de points de vue ; ce qui veut dire qu’il trouve son fondement non pas seulement dans la nécessité d’une riposte à une attaque, mais simplement dans la possibilité pour une personne nommée ou désignée de faire connaître ses explications ou ses protestations sur les circonstances et dans les conditions mêmes que celles qui ont provoqué sa désignation sans recourir à la justice.

La réponse doit donc être licite, opportune et pertinente dans le souci d’éviter les abus (d’où la possibilité de refuser la publication d’un droit de réponse pour les raisons précisées par l’article 73 du code de l’information). En un mot, il faut une corrélation entre la réponse et l’article incriminé et il est important de savoir (nous citons la jurisprudence du 17 juin 1898 DP 1899) qu’un droit de réponse n’est pas une tribune libre, toute chose pour laquelle malheureusement milite notre député.

Le droit de réponse apparaît donc comme une sorte de légitime défense qui, comme vous le savez, ne peut être évoqué que dans des conditions précises.

Ne peuvent donc se prévaloir du droit de réponse que les personnes physiques ou morales qui aient été désignées par un texte qui les met en cause.

Si on peut donc considérer le droit de réponse comme une réaction au sens mécanique du terme (dans les conditions citées plus haut), le contraire est moins évident en ce sens que toute réaction n’est pas forcément un droit de réponse comme semble le croire Monsieur le député.

Pour nous résumer, nous pouvons retenir qu’une opinion exprimée dans « Une lettre pour Laye », « Les mercredis de Zoodnoma Kafando », « Soliloque de Nobila Cabaret » ou pourquoi pas dans « Kantigui », qui sont des rubriques à travers lesquels une des fonctions essentielles de la presse, qui est l’information et l’expression d’opinions se manifeste, peut susciter une réaction consécutive à cette opinion sans pour autant que cela soit un droit de réponse ; car il peut s’agir là d’opinions, sur des sujets d’intérêts politiques, économiques ou sociaux qui justifient d’autres opinions complémentaires ou contraires mais dont la finalité n’est pas une défense, une réponse à une incrimination personnelle.

Du reste, sur un point de vue éthique et pour reprendre les termes du député Tapsoba, d’un point de vue de la décence ou de la convenance professionnelle, il n’est pas moralement indiqué, (au regard des considérations qui doivent êtres liées à un droit de réponse) pour un journal, de publier un droit de réponse à un article que lui-même n’a pas publié.

Nous ne sommes donc pas d’avis qu’il faille incriminer monsieur Luc Adolphe, président du Conseil supérieur de l’information, d’avoir dit « qu’un organe de presse professionnel devrait s’abstenir de publier un droit de réponse à un écrit qu’il n’a pas publié ».

Il s’agit là d’un principe absolu qui n’est pas à confondre avec le droit de réaction qui, lui, peut se faire en toute liberté dans le support de son choix.

Et pour coller au cas d’espèce, nous dirons que notre article est un droit de réponse suite à un prétexte, (l’utilisation des propos du Président du CSI dans l’Observateur paalga et nous nous sommes permis cela en tant que membre de l’institution au nom de laquelle monsieur Luc Adolphe Tiao avait été interrogé). C’est dire que la réponse ne sied que dans ce seul organe de presse.

Mais si nous n’avions pas décidé de répondre au député, en l’interpellant, nous aurions pu donner notre avis (ou réaction) de communicateur sur la problématique du droit de réponse qu’il à invoqué dans l’Observateur dans tout autre journal pour participer au débat d’idées en précisant que le débat à été lancé dans l’Obs. Autrement dit, le droit de réponse est un droit très spécifique en matière de presse et ne doit pas être confondu avec tout autre chose.

Victor Sanou Membre du Conseil supérieur de l’information Tél : 70 21 02 44

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique