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Togo : Etat des lieux à un mois de la présidentielle

Publié le mardi 22 mars 2005 à 07h44min

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Le 24 avril prochain, les Togolais se rendront aux urnes pour élire le successeur au Général Gnassingbé Eyadéma, décédé le 5 février 2005.

Une élection sous haute surveillance de la CEDEAO, qui a déjà désigné le colonel Maï Manga Oumara, comme son représentant spécial au Togo. Un scrutin où Faure Gnassingbé, candidat investi du RPT (parti au pouvoir) et Emmanuel Akitani Bob, celui d’une coalition de six partis de l’opposition apparaissent comme les principaux favoris. Même si ce dernier apparaît affaiblit du fait de son âge, des "fissures" qui apparaissent au sein de l’opposition et last but not least, de son absence de "légitimité".

Du côté du pouvoir, Faure devra "ouvrir l’œil" sur la vieille garde qui le tient presqu’en laisse, tout en prouvant aux jeunes caciques du parti et à l’ensemble des Togolais qu’il peut être "l’homme du renouveau". Mais, quel que soit le vainqueur du scrutin, sa première tâche consistera, à "réveiller" un pays exsangue, au plan économique, "sevré" de démocratie pendant trois décennies et où la contestation sociale, quoique sourde, n’en est pas moins palpable.

La division serait-elle la "maladie infantile" des oppositions africaines post Discours de La Baule, au point de constituer le tendon d’Achille dans la quête du Graal ? La question n’est pas superflue, car en dehors du Sénégal et du Kenya qui ont vu une coalition de partis de l’opposition, ravir le pouvoir d’Etat par le biais des urnes, les autres pays ont été le théâtre de divisions tragi-comiques, et de retournements de veste inattendus de cette même opposition, sur fond d’ambition personnelle. Le Togo qui sort d’un "régime d’exception" et qui a expérimenté pendant vingt jours un autre régime d’exception avec le "coup d’Etat constitutionnel" du 6 février 2005, ne semble pas échapper à la règle.

Alors que l’on croyait la candidature unique de l’opposition effective avec la désignation de Emmanuel Akitani Bob de l’UFC (Union des forces du changement, parti de Gilchrist Olympio) par une coalition de six partis, voilà que des voix discordantes au sein de cette coalition et de l’opposition en général, viennent rappeler, qu’il y aura une kyrielle de candidats lors de la consultation du 24 avril prochain. C’est ainsi que le "Comité pour la candidature du professeur Léopold Messan Gnininvi" (dont le parti est membre du "groupe des six") a organisé une conférence de presse, le mercredi 16 mars à Lomé, pour "protester contre la désignation de M. Emmanuel Bob Akitani comme candidat unique de l’opposition aux élections prochaines".

Pour le Comité, "ce diktat a suscité un désarroi total chez les Togolais qui disent non à cette imposture qui n’a de comparable que le coup de force que Gnassingbé Faure a perpétré au sein de l’Assemblée nationale". Puis d’ajouter que "le peuple réclame ce candidat pour qu’il le sorte du schéma éculé de l’affrontement entre les deux clans rivaux" (entendez Gnassingbé et Olympio). Il a donc invité Léopold Gnininvi "à prendre ses responsabilités devant l’histoire".

Par ailleurs, deux autres personnalités politiques, qui se présentent comme des "rénovateurs du RPT", entendent défendre les couleurs de l’opposition le 24 avril. Il s’agit de Agbéyomé Kodjo (ex-Premier ministre d’Eyadéma) et de Dahuku Pérè (autre ancien cadre du RPT qui avait fait défection pour se présenter à la présidentielle de 2003 au compte du PSR) qui se seraient même rendus à Libreville le 14 mars dernier, pour demander le soutien d’Omar Bongo Ondimba.

Le vrai challenge de Faure

"Nous ne nous sentons pas concernés, par ce choix" a clamé Dahuku Pérè, qui a laissé planer l’éventualité de sa candidature. Quant à Edem Kodjo, autre baron de l’opposition (quoiqu’en perte de popularité du fait de sa longue "accointance" avec Eyadema), il s’est contenté de "prendre acte". Avec Henry Olympio (ancien ministre d’Eyadema) et Toury Lawson (opposition "modérée" déjà sur les rangs, nous en sommes donc à cinq candidats potentiels de l’opposition, toutes tendances confondues. Seul, Maître Yaovi Agboyibo a apporté une caution franche au choix de Bob Akitani, indiquant qu’il était "le bon". Face à une opposition aussi émiettée, Faure Gnassingbé qui multiplie les contacts avec les présidents africains, voit pratiquement un boulevard s’ouvrir devant lui.

A charge pour lui de prouver qu’il peut être le candidat de la jeunesse, capable de révolutionner le vieux système totalitaire institué par son père et ses courtisans. S’il est otage jusqu’à présent de la "machine" actuelle, c’est qu’il sait pertinemment que sans celle-ci, il a peu de chance de triompher le 24 avril prochain. La "machine à gagner" du Rassemblement du peuple togolais a fait ses preuves, et l’on ne s’en débarrasse pas à l’orée d’un scrutin majeur.

Voilà pourquoi la "garde rapprochée" de Faure est jusque-là constituée des généraux Seyi Mémène, Zoumaro Gnofam (l’un des conseillers les plus influents d’Eyadéma), Sizing Akawilou Walla, Zacharie Nandja, Assani Tidjani et des civils Dramani et Barqué.

Mieux, l’éminence grise de l’ancien régime et président de l’Assemblée nationale "déflaté", Fambaré Boukary Natchaba, pourrait effectuer un retour au premier plan en raison de sa connaissance pointue des arcanes politiques togolaises. Mais, Faure ne pourra pas longtemps composer avec eux, car ils véhiculent une image négative du fait de la nature du régime défunt et de leur longue présence au devant de la scène. Il faudra renouveler le personnel politique pour contenter le courant rénovateur très fort au sein du parti. Les Togolais sont "fatigués" d’entendre "les mêmes discours" et de voir "les mêmes choses" comme l’avait dit Agbèyomée Kodjo au moment de sa défection.

Car, et les chiffres le prouvent, cette gestion monarchique du pouvoir a conduit le Togo au bord du gouffre. Mis au ban de la communauté internationale et de ses subsides pour "anti-démocratisme", le Togo d’Eyadéma est plongé dans une "léthargie économique" qui n’est pas loin du coma.

Après une hausse en 2002 (4,3%) le taux de croissance a chuté de 2% en 2004. Le solde budgétaire lui, s’est détérioré pour s’établir à 0,1%. Le ratio des investissements publics financés sur ressources internes rapporté aux recettes fiscales s’est amélioré en 2003, pour s’établir à 7,7% pour un objectif de 9,6%. Toutefois, ce seuil reste en deçà par rapport à la norme de l’UEMOA qui est de 20%, minimum. En 2004, ce ratio a été de 9,5%.

Le ratio de l’encours de la dette intérieure et extérieure rapporté au PIB nominal a été de 104,4% (en 2004) pour une norme communautaire de 70% maximum. C’est dire que Faure, s’il est élu, devra poursuivre les réformes économiques qui avaient permis une amélioration des principaux soldes budgétaires en 2003. C’est ainsi que le solde budgétaire global est passé d’un déficit de 0,4% du PIB en 2002, à un excédent de 2,5% en 2003. Le solde budgétaire de base, lui, s’est sensiblement amélioré passant de 0,3% en 2002, 2,7% en 2003.

Malgré ces performances exceptionnelles, la situation des finances publiques est demeurée préoccupante en 2003, avec le recours au financement exceptionnel et l’accumulation d’arriérés de paiement intérieur et extérieur. Quant au commerce extérieur et à la balance des paiements ils sont déficitaires, le premier à hauteur de 133,2 milliards de F CFA et la seconde de 8,8 milliards de F CFA alors qu’elle avait dégagé un excédent de 14,5 milliards de F CFA en 2002.

Reformes politiques et institutionnelles, ouverture démocratique, bonne gouvernance économique, voilà les challenges qui attendent le favori désigné de la présidentielle du 24 avril 2005. Mais, le charme de la politique résidant dans l’incertitude permanente qui la caractérise, disons que le meilleur gagne, afin que le Togo jadis surnommé la "Suisse de l’Afrique", renaisse.

Boubakar SY
Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 22 mars 2005 à 10:03, par Jean Marc ( Paris) En réponse à : > Togo : Etat des lieux à un mois de la présidentielle

    C’est vraiment dommage de constater que vous considerez Harry Olympio et Lawson comme des opposants et noms des fauteurs de trouble du regime RPT. On voit par cet article que vous osez écrire sur le Togo sans vraiment le connaître alors que vous ête tout proche.

  • Le 22 mars 2005 à 13:16, par Fat En réponse à : > Togo : Etat des lieux à un mois de la présidentielle

    La candidature de Faure G

    Je pense toute fois que la candidature de Faure G peut être justifiée et que l’ensemble des togolais doivent savoir pardonner malgré l’attitude déplorable des conseillers RPtistes qui ont eu peur de perdre certains avantages au cas où ils viendront perdre et ce qu’ils ignorent c’est la richesse de la démocratie.
    Le Rpt doit avoir le courage de montrer capable d’être fédérateur avec un programme franc pour l’ensemble des togolais et non pour une poignée de personnes comme cela fut le cas depuis des années.Le Rpt doit accepter de débattre publiquement et montrer un visage démocrate en face du monde enfin que le Togo soit digne et respecté.Il est temps de l’armée togolaise s’occupe de la protection territoriale et non de la politique ce n’est pas son rôle Faure G doit cherche à débattre avec les candidants opposants loyalement et
    dire ce qu’il souhaite faire changer apporter pour la nouvelle génération.Il a eu de la chance ,qu’il pense à de milliers de togolais qui souhaitent aussi acquérir le savoir et contribuer au progrès de leur pays.Le togo n’appartient pas à la famille Gnanssigbé ce n’est pas un héritage.Moi aussi je suis un intellectuel respecté ,digne de diriger mais chancun aspire à des choses diffirentes.L’histoire nous regarde et surtout le Rpt,sa survie en dépend .
    Les présidents des autres Etats doivent être intégres sans caution vu ce qui c’est passé.
    faure G doit montrer sa capacité de rassembler comme un homme politique réel et non d’un résultat du passé poussé par des gens égoistes antidémocrates.Qu’il n’oublie pas l’enseignement reçu des principes de la démocratie quand il était en France ou aux USA.
    Je lui dis bonne chance

  • Le 22 mars 2005 à 16:27 En réponse à : > Togo : Etat des lieux à un mois de la présidentielle

    tres bien cet article !!!

  • Le 22 mars 2005 à 16:52, par WAX En réponse à : > Togo : Etat des lieux à un mois de la présidentielle

    Heureusement que votre journal n’a qu’une audience limitée !

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