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Ici y a qu’un seul timonier !

Publié le lundi 21 mars 2005 à 06h32min

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L’un dirigeait ce vaste et riche pays qu’est l’actuelle République démocratique du Congo, qu’il avait « authentiquement » baptisée Zaïre ; l’autre une bande de terre menue, qui s’appelle le Togo. A bien des égards cependant, les deux hommes avaient de nombreux traits communs jusque dans la démarche et le langage.

Maîtres absolus dans leurs jardins respectifs, les superlatifs ne manquaient guère à leur endroit, scandés par des « troupes d’animation choc ».

La fin des deux hommes suscitera longtemps encore de nombreuses interrogations dans l’esprit des adeptes de la gouvernance à poigne de fer. S’il existait un paradis des « timoniers », sans doute serait-ce là que les deux hommes se rencontreraient pour observer de haut la marche du monde...

Mobutu : Ah ! Tu es arrivé ? Je te préviens qu’ici c’est
profil bas ! Y a qu’un seul timonier qui gère tout...

Eyadéma : Ah bon ? Tout là-bas n’était donc qu’illusion ! Mais... mes frères vont encore souffrir...

Mobutu : Et pourquoi ?

Eyadéma : On les a exploités et on dit à présent qu’ils ne sont rien....

Mobutu : Ecoute, il existe un statut social plus élevé que celui auquel peut donner accès la seule richesse matérielle ! Votre culture est si riche...

Eyadéma : Longtemps, les ressortissants du Nord ont été traités de tous les noms !

Mobutu : Dire que c’est la modernité qui nous a fichu ce bordel ! Ces gens-là vous traitaient ainsi parce que, quelque part, ils se sentaient coupables !

Eyadéma : Bien sûr ! Jamais on ne parlera assez de la déportation d’habitants du Nord en direction du Sud ! C’est nous du Nord qui avons fait ce pays, tu comprends ? Il fallait que mes frères retrouvent leur dignité...

Mobutu : Tu veux dire que c’est ce qui t’a poussé à faire le vide ?

Eyadéma : Disons qu’à d’autres raisons s’ajoutent sans doute les réactions d’un subconscient exaspéré !

Mobutu : Mon exil m’a appris une chose : les intrigues de palais que nous alimentons parfois n’ont jamais servi, en définitive, à rien...

Eyadéma : Moi, je me méfiais de tout le monde et je me déplaçais souvent avec mon personnel domestique.

Mobutu : On ne peut plus avoir confiance en personne, et c’est dommage. Regarde comment mes bidasses ont détalé à l’arrivée des mercenaires de cet opportuniste de Kabila !

Eyadéma : Il n’aura pas joui longtemps !

Mobutu : Il est là, le gars ! On s’est vu une fois ou deux ; rien ne va plus au pays...

Eyadéma : Vous ne pouvez rien faire d’ici ?

Mobutu : Hélas, non ! La dimension dans laquelle nous évoluons pour le moment ne nous donne aucun pouvoir...

Eyadéma : Que dis-tu ?

Mobutu : Je crois que nous avons grillé toutes nos cartouches dans la dimension de laquelle nous venons...

Eyadéma : Ça veut dire quoi ?

Mobutu : A chaque nouvel arrivant ici, il est conseillé un profond examen de conscience. Après, tu comprends tout...

Eyadéma : Je pense surtout à mon petit Faure qui risque de se faire dévorer par tous ces fauves qui lui tournent autour...

Mobutu : Mon cher ami, il y a des moments où il faut apprendre à accepter de perdre. Même si ton fiston était élu à 99.99 % des voix, rien ne changerait ; il arrivera un jour où tout sera remis en cause.

Eyadéma : L’Union africaine est là, non ?

Mobutu : Tu parles de cette union tiraillée de toutes parts par toutes sortes de prophètes ? Une année, moi j’avais préconisé la création d’une ’’Ligue des Etats noirs’’. On m’avait presque ri au nez ! Je suis certains qu’un jour ils le regretteront.

Eyadéma : On avait trouvé l’idée un peu raciste !

Mobutu : Alors, et la « Ligue arabe », qu’est ce que tu en fais ? C’est pourquoi je prônais le retour à l’authenticité africaine.

Eyadéma : Sur ce plan je t’ai beaucoup admiré et imité. Mais tu vois, l’heure est aux regroupements.

Mobutu : Regroupements entre peuples culturellement proches les uns des autres ! C’est le premier pas à accomplir, ensuite on peut parler de collaboration et de coopération avec d’autres groupes. Tu as vu les Européens ? Tu as vu tous ces critères à remplir pour entrer dans leur jeu-là ?

Eyadéma : Mais qu’avons-nous fait pour laisser nos pays respectifs en proie à tant de difficultés ?

Mobutu : C’est vrai que t’es bleu ici, mais cesse de te lamenter ; nous avons simplement fait tout ce qu’il ne fallait pas faire.

Propos rapportés par le médium du coin à JJ

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